Matricule « 46 157 » à Auschwitz
Arsène Trével : né en 1892 à Allemagne (Calvados) ; domicilié à Fleury-sur-Orne (Calvados) ; agent des lignes PTT ; communiste ; arrêté comme otage communiste le 7 mai 1942 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 17 août 1942.
Arsène, Auguste, Trével est né le 28 décembre 1892 à Allemagne (Calvados) dénommée Fleury-sur-Orne en hommage à Fleury-devant-Douaumont, par le décret du 12 avril 1917. il habite Fleury-sur-Orne, au 121, rue Bouquet au moment de son arrestation.
Il est le fils de Julia, Anatolie Marguerin, âgée de 42 ans, sans profession et de Felix, Pierre, Auguste Trével, 44 ans, journalier, son époux.
Arsène Trével travaille comme agent des lignes téléphoniques au moment de son incorporation dans un régiment du Génie.
Conscrit de la classe 1912, il est appelé sous les drapeaux en octobre 1913. Son registre matricule militaire nous apprend qu’il mesure 1m 70, a les cheveux châtain moyen et les yeux bleu foncé, le nez rectiligne. Il possède un niveau d’instruction n° 3 (possède une instruction primaire développée). Il est incorporé au 1er régiment de Génie le 10 octobre 1913, compagnie 4/5. Il part « aux armées » le 2 août 1914, veille de la mobilisation générale. Evacué malade le 19 septembre 1914, il entre à l’hôpital de Tours pour une amygdalite aigüe. Il en sort le 24 octobre 1914. Il repart au front le 20 janvier 1915.
On peut lire sur son registre matricule qu’il est autorisé à porter le ruban distinctif dit des « fatigues de guerre », décerné par le gouvernement italien en vertu du décret royal du 21 mai 1916. En fait il s’agit d’une mauvaise traduction de « Fatiche di guerra » qui signifie « efforts de guerre ». Cette distinction ne semble pas avoir été attribuée automatiquement à tous les Français ayant servi en Italie. Cette distinction signifie qu’il a servi en Italie pendant une période (1).
Arsène Trével est démobilisé le 29 août 1919, avec un certificat « de bonne conduite ».
Le 30 avril 1920, il est nommé à un emploi réservé d’agent des lignes comme « candidat civil » par le ministère des PTT.
Il travaille comme agent des lignes à Caen (il est à ce titre « affecté spécial » aux PTT pour la Réserve militaire).
Le 2 août 1919, il épouse Germaine, Juliette, Eugénie, Fleury à la mairie de Saint-Michel-de Montjoie (Manche) commune limitrophe de Champ-du-Boult (Calvados) où elle est née le 31 juillet 1900. Le couple a une fille, Marguerite, qui naît en 1920 à Fleury-sur-Orne.
Ils habitent au 5, route de Caen en 1921. Le couple déménage en 1926 au 19, rue Bourget, qui est numéroté 119 en 1931.
En 1936, ils ont déménagé au 121, rue Bourget. Lors de ce dernier recensement, la profession indiquée pour Arsène Trevel, est monteur PTT.
Il est membre du Parti communiste.
Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Toute la Basse Normandie est occupée le 19 juin. Les troupes de la Wehrmacht arrivant de Falaise occupent Caen le mardi 20 juin 1940. La Feldkommandantur 723 s’installe à l’hôtel Malherbe, place Foch. En août huit divisions d’infanterie allemande – qu’il faut nourrir et loger – cantonnent dans la région. L’heure allemande remplace l’heure française.
Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). En août huit divisions d’infanterie allemande – qu’il faut nourrir et loger – cantonnent dans la région. L’heure allemande remplace l’heure française.
Dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy a continué de surveiller les anciens élus ou militants communistes « notoires », et procède à des perquisitions et des arrestations. Vichy entend ainsi faire pression sur les militants communistes connus ou anciens élus pour faire cesser la propagande communiste clandestine.
Selon son registre matricule militaire, il est « Engagé volontaire » au réseau de Résistance « Action PTT » (qui deviendra par la suite « Résistance PTT ») à compter du 15 août 1941 (comme « agent « P1).
Arsène Trével est arrêté à 23 heures à son domicile le 7 mai 1942, (dans les mêmes conditions qu’André Félix immatriculé «45 553» à Auschwitz) : il figure en effet sur la liste de 120 otages «communistes et Juifs» établie par les autorités allemandes. Son arrestation a lieu en représailles en représailles au déraillement de deux trains de permissionnaires allemands à Airan-Moult-Argences (38 morts et 41 blessés parmi les permissionnaires de la Marine allemande à la suite des sabotages par la Résistance, les 16 et 30 avril 1942, de la voie ferrée Maastricht-Cherbourg où circulaient deux trains militaires allemands.
Des dizaines d’arrestations sont effectuées à la demande des occupants.
24 otages sont fusillés le 30 avril à la caserne du 43è régiment d’artillerie de Caen occupé par la Werhmarcht.
28 communistes sont fusillés en deux groupes les 9 et 12 mai, au Mont Valérien et à Caen.
Le 9 mai trois détenus de la maison centrale et des hommes condamnés le 1er mai pour « propagande gaulliste » sont passés par les armes à la caserne du 43è RI.
Le 14 mai, encore 11 communistes sont fusillés à Caen.
Lire dans le site : Le double déraillement de Moult-Argences et les otages du Calvados (avril-mai 1942) et la note du Préfet de Police de Paris à propos des deux sabotages de Moult-Argences : Collaboration de la Police français (note du Préfet de police, François Bard).
Conduit à la prison de Cabourg, c’est à la demande des autorités allemandes qu’Arsène Trével sera interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne, le Frontstalag 122, en vue de sa déportation comme otage.
A Compiègne, il reçoit le matricule « 5676« .
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Arsène Trével est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Arsène Trevel est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 46 157 » selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date
Arsène Trével meurt à Auschwitz le 17 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz et destiné à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 1255).
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
Son acte de naissance porte toujours la date fictive du 15 décembre 1942 à Auschwitz (inscrite le 26 juillet 1949) qui correspondait sans doute à un témoignage incertain de rescapé : il serait souhaitable que le ministère prenne désormais en compte par un nouvel arrêté la date portée sur son certificat de décès de l’état civil de la municipalité d’Auschwitz, accessible depuis 1995 (Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau).
Le titre de «Déporté politique» lui a été attribué en 1963.
Il a été homologué comme Lieutenant à titre posthume au titre des FFC (Forces Françaises Combattantes).
Son nom est honoré sur le monument aux morts de la ville.
Une cellule du PCF de Fleury-sur-Orne a porté son nom.
- Note 1 : Un autre « 45.000 », Maurice Raux, de Lisieux, a reçu également cette distinction en 1917.
Sources
- Fiche FNDIRP remplie par sa veuve (N° 21488 / 8387).
- Correspondance avec M. Rossi, le petit-fils d’André Félix (1991)
- Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Fichier national du Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen octobre 1993.
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
- Recherches généalogiques (état civil de Fleury et Champ-du-Boult, recensements 1921 à 1936, registre matricule militaire) effectuées par Pierre Cardon.
Notice biographique rédigée en janvier 2001 (complétée en 2014, 2017, 2020, 2021, 2023 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), à l’occasion de l’exposition organisée par des enseignants et élèves du collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association « Mémoire Vive ». Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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