Raoul Aubertel,© plaquette Saulnes
Raoul Aubertel : né à Dizy (Marne) en 1899 ; domicilié à Saulnes (Meurthe-et-Moselle); mineur ; passeur, arrêté le 17 février 1942, comme otage ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le  25 août 1942

Raoul Aubertel est né à Dizy (ex-Dizy-Magenta, Marne) le 13 décembre 1899. Il habite au 7, rue du Buisson à Saulnes (Meurthe-et-Moselle) au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Anna, Rosa Gilet, 34 ans, journalière et de Paul, Emile, Alexandre Aubertel, 32 ans, caviste, son époux. Ses parents sont domiciliés au lieu-dit La Briqueterie. Il a deux sœurs et un frère : Fernand, né en 1888, Cécile, née en 1894 et Olga, née en 1897.
En 1901, la famille habite au 79, rue du commerce à Dizy.
Son registre militaire nous apprend qu’il mesure 1m 65 et a un niveau d’instruction n° 2 pour l’armée (sait lire et écrire).
Au moment du conseil de révision, il habite Dizy-Magenta où il exerce le métier de domestique de culture. Puis, il sera mineur.
Conscrit de la classe 1919, il est recensé dans le département de la Marne (matricule 336). Il est mobilisé par anticipation (en vertu du décret de mobilisation générale) en avril 1918, comme tous les jeunes hommes de sa classe depuis la déclaration de guerre. Il est incorporé le 17 avril 1918 au 131ème Régiment d’infanterie.  Le 19 août 1919, il est affecté au Régiment de Sapeurs pompiers de Paris. Le 2 avril 1920, il est affecté au 1er Régiment de Génie. Il « passe DAHL » en Avignon (20 mai), puis transféré à Marseille, d’où il est embarqué pour Beyrouth (le 21 juin) pour la « campagne du Levant en guerre ». Il y est affecté au 19ème bataillon du Génie le 24 juin. Il est démobilisé le 13 mars 1921, certificat de bonne conduite accordé », et retourne à la vie civile à Dizi-Magenta.
En février 1929, il est domicilié à Géllenoncourt-Nancy (Meurthe et Moselle), chez M. Lavallée. En octobre 1931, il déménage à Varangéville, rue du Colonel Driant, où il est domicilié jusqu’à la fin de 1935. Il est marié selon le Service historique de la Défense à Caen, mais le registre d’état civil de Raoul Aubertel ne porte pas mention du mariage. Le couple s’installe à Saulnes au 7, rue du Buisson (après le recensement de 1936).

Saulnes, entrée de la mine  in © Levainbio.com

Raoul Aubertel est ouvrier mineur à la mine Jean Raty et Compagnie de Saulnes.
Selon les services de police, il est syndiqué à la CGT en 1939.

Par décision de l’Occupant, la Meurthe-et-Moselle se trouve dans la « zone fermée » ou « zone réservée », destinée au futur « peuplement allemand ».

Fin juin 1940, toute la Meurthe-et-Moselle est occupée : elle est avec la Meuse et les Vosges dans la « zone réservée » allant des Ardennes à la Franche-Comté, destinée au « peuplement allemand ». À l’est de la « ligne du Führer », tracée depuis la Somme jusqu’à la frontière suisse, les autorités nazies envisagent une germanisation des territoires suivant différentes orientations. C’est un autre sort que celui de la Moselle et de l’Alsace, annexées par le Reich, du Nord et du Pas-de-Calais, mis sous la tutelle du commandement militaire allemand de Bruxelles, qui attend les territoires situés le long de cette ligne dite du Nord-Est. En tout ou partie, ces départements, et parmi eux les francs-comtois, font l’objet d’une « zone réservée » des Allemands (« En direct », Université de Franche-Comté). Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Plus de 20 000 Allemands, soit l’équivalent de deux divisions, sont stationnés en permanence en Meurthe-et-Moselle. Le Préfet de Meurthe-et-Moselle collabore sans état d’âme avec les autorités allemandes, il « ne voit aucun inconvénient à donner à la police allemande tous les renseignements sur les communistes, surtout s’ils sont étrangers » (Serge Bonnet in L’homme de fer p.174).

Raoul Aubertel aide des prisonniers de guerre évadés. « A lui seul, il avait assuré le passage d’une trentaine d’évadés qu’il amenait lui-même à Longuyon pour éviter les contrôle en gare de Longwy » (In © Saulne.fr).
La résistance communiste est particulièrement active dans le « Pays-Haut » (in Magrinelli, Op. cité pages 229 à 251). A Homécourt, la Préfecture recense 1 sabotage de voie ferrée et 3 sabotages de freins de wagons, à Auboué commune voisine de deux kilomètres : 2 sabotages de lignes téléphoniques, 2 sabotages d’installations industrielles, 3 sabotages de voies ferrées.
Le sabotage du transformateur d’Auboué dans la nuit du 4 au 5 février 1942, entraîne une très lourde répression en Meurthe-et-Moselle. Lire dans le site : Meurthe et Moselle Le sabotage du transformateur électrique d’Auboué (février 1942).
Hans Speidel, officier général à l’Etat major du MBF, annonce qu’il y aura 20 otages fusillés et 50 déportations.
Les arrestations de militants commencent dès le lendemain dans plusieurs sites industriels de la région : par vagues successives, du 5 au 7 février, puis entre le 20 et le 22, et au début de mars. Elles touchent principalement des mineurs et des ouvriers de la métallurgie. 16 d’entre eux seront fusillés à la Malpierre.

Raoul Aubertel « connu comme militant de gauche » (© Saulne.fr.) est arrêté à son domicile par des Feldgendarmes le 17 février 1942, comme otage.
Il est écroué à la prison de Longwy, puis interné au camp d’Ecrouves (Toul), d’où il écrit à sa sœur. Il est remis aux autorités allemandes à leur demande.
Celles-ci l’internent au camp de Royallieu (le Frontstalag 122) à Compiègne en vue de sa déportation comme otage. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à leur déportation, voir les deux articles du site : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942)  et «une déportation d’otages.

Depuis le camp de Compiègne, Raoul Aubertel est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau

Dessin de Franz Reisz, 1946

Son numéro d’immatriculation à Auschwitz n’est pas connu. Le numéro « 45182 » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) et signalé comme incertain correspond à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules, qui n’a pu aboutir en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il est donc hasardeux de maintenir ce numéro en l’absence de nouvelles preuves.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Raoul Aubertel meurt à Auschwitz le 25 août 1942 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 35.

Monument d’Epernay

« En septembre 1942, la famille de Raoul Aubertel est informée – mais sans aucune précision – qu’il était décédé » In © Saulne.fr (1). C’est sa sœur, madame Guelleminot qui apprit cette nouvelle (information mairie, 1994).
Son nom est inscrit sur le monument en hommage aux déportés et internés de la Marne, à Epernay.
Une plaque commémorative est apposée sur son domicile au 7 rue du Buisson.
Une voie de Saulnes est nommée « Passage Raoul Aubertel ».

Plaque et drapeau français sur sa maison
  • Note 1 : Il s’agit sans doute d’une erreur dans l’année. En effet les autorités nazies n’ont pas communiqué d’informations aux familles qui sollicitaient des nouvelles sur les décès à Auschwitz. Par ailleurs, les français survivants au camp d’Auschwitz n’auront le droit d’écrire qu’à partir d’août 1943, et le contenu de leurs lettres est écrit en allemand et soumis à la censure. Quelques-uns d’entre eux réussiront néanmoins à donner des nouvelles de leurs camarades décédés en utilisant par exemple la formule « tu salueras de ma part madame veuve X… », ce qui est peut-être le cas ici . 

Sources

  • M. Erze Zolfo, maire de Saulnes (avril 1994) : photocopie d’éléments tirés d’une plaquette éditée en 1975 pour le trentième anniversaire de la libération des camps (dont une photo de Raoul Aubertel).
  • « Antifascisme et Parti communiste en Meurthe-et-Moselle » (Jean Claude et Yves Magrinelli) pages 247 et 346.
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
    Hommage aux déportés de la Marne, monument d’Epernay.
  • La Résistance et les martyrs de la Déportation © Saulne.fr.
  • Registres matricules militaires.
Affiche de la conférence du 5 juillet 1997 salle Pablo Picasso à Homécourt
Le Républicain Lorrain du 28 juillet 1997 rend compte de la conférence à Homécourt

Notice biographique  rédigée en 1997 (modifiée en  2001, 2016, 2018 et 2021),  pour la conférence organisée par la CGT et le PCF de la vallée de l’Orne, à Homécourt le 5 juillet 1997 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteure des ouvrages  : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Pour compléter ou corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

 

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