Matricule « 45 194 » à Auschwitz

Cette photo figurait dans un cadre chez  son frère Hubert, DR Serge Balestreri
Raymond Balestreri : né en 1922 à Auboué (Meurthe-et-Moselle); domicilié à Mercy-le-Bas (Meurthe-et-Moselle) ; accrocheur à la mine ; communiste ; arrêté le 20 février 1942 comme otage ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 27 octobre 1943.  

Surnommé « le joueur d’accordéon », Raymond Balestreri est né le 3 mai 1922, à Auboué.
Il habite à Mercy-le-Bas (Meurthe-et-Moselle) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Maria, née en 1887 à Avillero (Italie) et de Luiggi Balestreri, son époux, né en 1877 à San Martino (Italie).
Son père, Luiggi Balestreri est manœuvre. Au moment de la naissance de Raymond, les parents habitent au 781, Cités du Tunnel à Auboué.
Raymond Balestreri a deux frères et une sœur aînés connus : Gabrielle, Marie née en 1909 à Bouligny (Meuse), Jules né le 3 janvier 1911 à Bouligny et Hubert, Augustin né le 27 février 1914 à Saint-Privat (Moselle).
Raymond est amateur de musique.
En 1936, son frère Jules, manœuvre aux mines de Bazailles, l’épouse de celui-ci et leurs deux enfants sont domiciliés à Mercy-le-Bas au n°189, route nationale.

L’accrocheur accroche les wagonnets de la mine

Raymond Balestreri est « accrocheur » à la mine (société des Mines de Bazailles) située à 3 km.
Il est membre du Parti communiste selon le sous-préfet de Bryey.
Selon la liste manuscrite concernant 44 internés établie par le chef du « Centre de séjour surveillé » d’Écrouves, Raymond Balestreri est toujours syndiqué après l’automne 1939.

Par décision de l’Occupant, la Meurthe-et-Moselle se trouve dans la « zone fermée » ou « zone réservée », destinée au futur « peuplement allemand ».

Fin juin 1940, toute la Meurthe-et-Moselle est occupée : elle est avec la Meuse et les Vosges dans la « zone réservée » allant des Ardennes à la Franche-Comté, destinée au « peuplement allemand ». À l’est de la « ligne du Führer », tracée depuis la Somme jusqu’à la frontière suisse, les autorités nazies envisagent une germanisation des territoires suivant différentes orientations. C’est un autre sort que celui de la Moselle et de l’Alsace, annexées par le Reich, du Nord et du Pas-de-Calais, mis sous la tutelle du commandement militaire allemand de Bruxelles, qui attend les territoires situés le long de cette ligne dite du Nord-Est. En tout ou partie, ces départements, et parmi eux les francs-comtois, font l’objet d’une « zone réservée » des Allemands (« En direct », Université de Franche-Comté). Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). L’Alsace Moselle est occupée. Plus de 20 000 Allemands, soit l’équivalent de deux divisions, sont stationnés en permanence en Meurthe-et-Moselle. Le Préfet de Meurthe-et-Moselle collabore sans état d’âme avec les autorités allemandes, il « ne voit aucun inconvénient à donner à la police allemande tous les renseignements sur les communistes, surtout s’ils sont étrangers » (Serge Bonnet in L’homme de fer p.174).

Il épouse Maria Rampazzo (1), à Mercy le Bas (Meurthe-et- Moselle) le 11 octobre 1941. Le couple a un garçon, Jean-Marie Balestreri, qui naît le 30 mai 1942 (il est décédé le 6 janvier 2009).

Appel à délation avec promesse de récompense

La résistance communiste est particulièrement active dans le « Pays-Haut » (in Magrinelli, Op. cité pages 229 à 251).
Le sabotage du transformateur d’Auboué dans la nuit du 4 au 5 février 1942, entraîne une très lourde répression en Meurthe-et-Moselle. Lire dans le site : Meurthe et Moselle Le sabotage du transformateur électrique d’Auboué (février 1942).
Hans Speidel, officier général à l’Etat major du MBF, annonce qu’il y aura 20 otages fusillés et 50 déportations. Les arrestations de militants commencent dès le lendemain dans plusieurs sites industriels de la région : par vagues successives, du 5 au 7 février, puis entre le 20 et le 22, et au début de mars. Elles touchent principalement des mineurs et des ouvriers de la métallurgie. Seize d’entre eux seront fusillés à la Malpierre.

Raymond Balestreri est arrêté le 20 février 1942, à son domicile, pris comme otage.

Il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci  l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) le 3 mars, en vue de sa déportation comme otage.
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Raymond Balestreri est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a été pas retrouvée parmi les 522 photos que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Plusieurs rescapés se souviennent de lui avec grande estime. Henri Peiffer a écrit à Maurice Rideau que Raymond Balestreri était des 18 déportés français ramenés de Birkenau à Auschwitz en mars 1943 : « Deux camarades avaient flanché pendant la route, qui avaient été traînés, n’avaient plus de genoux. C’est un détail horrible, mais vrai. Le surlendemain, Balestreri, le « joueur d’accordéon », trépassa aussi. »
Mais André Balestreri n’est pas mort ce jour-là. Il meurt au Block 20 du Revier d’Auschwitz le 27 octobre 1943. Sa date de décès retenue par  les services des ACVG à la Libération est celle du 25 octobre 1943.

Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 27-06-1987). Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Mercy-le-Bas.

  • Maria Rampazzo

    Note 1 : Maria Rampazzo est née le 4 mai 1911 en Italie. Elle se remariera en 1950 avec Guiseppe Carosi avec lequel elle aura deux enfants. Elle est décédée à Verdun à l’âge de 94 ans.

Sources

  • Lettre d’Henri Peiffer à Maurice Rideau, mars 1983.
  • « Antifascisme et Parti communiste en Meurthe-et-Moselle » (Jean Claude et Yves Magrinelli) page 346.
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen (octobre 1993).
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Recensement de la population, Auboué et Mercy-le-Bas.
  • Courriel de son neveu, Serge Balestreri (juillet 2020).
Affiche de la conférence du 5 juillet 1997 salle Pablo Picasso à Homécourt
Le Républicain Lorrain 28 juillet 1997

Notice biographique rédigée en 1997 pour la conférence organisée par la CGT et le PCF de la vallée de l’Orne, à Homécourt le 5 juillet 1997, complétée en 2015, 2018 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45.000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger , vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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