Matricule « 45 514 » à Auschwitz
Marcel Durand : né en 1908 dans l’Yonne ; domicilié à Villerupt (Meurthe-et-Moselle) ; machiniste ; syndiqué CGT ; arrêté le 10 août 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt.
Marcel, Alexandre Durand est né le 23 septembre 1908 à Bellechaume (Yonne). Il habite au 103, Cités du côté droit (devenues rue Jean Rermann (1), à Villerupt (Meurthe-et-Moselle) au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Emilienne Barde, née en 1888 et de Jules, Eugène Durand, son époux, maréchal-ferrant, né en 1882.
Le 22 juin 1935 à Toul (Meurthe-et-Moselle), il épouse Marie Petitclair.
Le couple a plusieurs enfants.
Marcel Durand est machiniste aux aciéries Micheville de Villerupt, ville où il semble n’être arrivé qu’après 1936 (il n’y pas de mention sur les registres du recensement de 1936 à Villerupt, ni à Thil, Tiercelet ou Audun-le-Romain, bourgs où habitent de nombreux ouvriers des usines de Villerupt).
Il est syndiqué à la CGT : « vente de timbres et diffusion des journaux, participation au Premier Mai» indiquera une de ses filles.
Fin juin 1940, toute la Meurthe-et-Moselle est occupée : elle est avec la Meuse et les Vosges dans la « zone réservée » allant des Ardennes à la Franche-Comté, destinée au « peuplement allemand ». À l’est de la « ligne du Führer », tracée depuis la Somme jusqu’à la frontière suisse, les autorités nazies envisagent une germanisation des territoires suivant différentes orientations. C’est un autre sort que celui de la Moselle et de l’Alsace, annexées par le Reich, du Nord et du Pas-de-Calais, mis sous la tutelle du commandement militaire allemand de Bruxelles, qui attend les territoires situés le long de cette ligne dite du Nord-Est. En tout ou partie, ces départements, et parmi eux les francs-comtois, font l’objet d’une « zone réservée » des Allemands (« En direct », Université de Franche-Comté). Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). L’Alsace Moselle est occupée. Plus de 20 000 soldats allemands, soit l’équivalent de deux divisions, sont stationnés en permanence en Meurthe-et-Moselle. Le Préfet de Meurthe-et-Moselle collabore sans état d’âme avec les autorités allemandes, il « ne voit aucun inconvénient à donner à la police allemande tous les renseignements sur les communistes, surtout s’ils sont étrangers » (Serge Bonnet in L’homme de fer p.174).
Marcel Durand est arrêté le 10 août 1941, à son domicile, par des policiers français du commissariat de Villerupt. « La police française s’est présentée à son domicile, lui dire de descendre au commissariat avec ses papiers militaires. Il est descendu dans l’après-midi. Sur le soir des policiers sont venus dire à ma mère que si elle voulait lui dire au revoir, il fallait descendre à Villerupt. Ayant des enfants en bas âge et personne pour les garder, elle n’a pas pu descendre. Elle a dit qu’elle le verrait le lendemain. Mais le soir même il est parti pour Compiègne. Elle ne l’a jamais revu. Elle n’a jamais su les raisons exactes de son arrestation ». « arrêté sur dénonciation pour diffusion de tracts » (Henry Pilarczyk), en même temps que Victor Bieber, Louis Gangloff et Henri Peiffer.
« Sa femme ayant des jeunes enfants n’avait pu le voir au commissariat. Le lendemain, il n’était déjà plus là » (Henri Peiffer ).
Il est remis aux autorités allemandes à leur demande.
Celles-ci l’internent le 12 août 1941 (selon Henri Peiffer) au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) en vue de sa déportation comme otage.
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation :
La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Marcel Durand est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Marcel Durand est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45514 ». Sa photo d’immatriculation à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun document des archives SS préservées de la destruction ne permet de connaître la date de son décès à Auschwitz, qui est néanmoins antérieure au 18 mars 1943. A cette date on connaît en effet les noms des survivants d’Auschwitz I et des 24 survivants de Birkenau (sur environ 600 hommes), dont 17 reviennent à Auschwitz I. Marcel Durand n’est pas parmi eux. Une date de décès fictive a été fixée le ministère des ACVG à partir de témoignages de rescapés, afin de donner accès aux titres et pensions aux familles des déportés.
Dans les années d’après-guerre, le ministère des ACVG a fixé son décès au 15 novembre 1942.
Lire dans le site Les dates de décès à Auschwitz.
Marcel Durand a été déclaré « Mort pour la France« .
Son nom figure sur le monument aux morts de Villerupt et sur une plaque apposée sur le mur du four crématoire du camp de concentration de Thil, voisin de Villerupt.
- Note 1v: Jean Rermann , résistant, est fusillé comme otage le 24 septembre 1941.
- Note 2 : 522 photos d’immatriculation des « 45000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Questionnaire biographique (contribution à l’histoire de la déportation du convoi du 6 juillet 1942), envoyé aux mairies, associations et familles au début de mes recherches, en 1987, rempli par un de ses enfants (1989).
- Documents envoyés par M. Alain Casoni, maire et conseiller général de Villerupt (avril 1989) : acte de décès et documents concernant les déportés de Villerupt, fournis par M. Henry Pilarczyk, président de la section FNDIRP de Villerupt, juin 1991.
- Martyrologie de la déportation à Villerupt, feuilles communiquées par Mme Marie-Louise Bernard, fille de Louis Gangloff.
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- Recensement de la population de Villerupt 1936.
Notice biographique rédigée en 1997 pour la conférence organisée par la CGT et le PCF de la vallée de l’Orne, à Homécourt le 5 juillet 1997, complétée en 2015, 2018 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45.000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corrig, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com