René Getti le 8 juillet 1942, agrandissement
René Getti (photo agrandie in hommage © PCF à la Libération)

Matricule « 45 598 » à Auschwitz

René Getti : né en 1912 à Longlaville (Meurthe-et-Moselle), où il habite ; mineur ; ancien des Brigades internationales ; communiste ; arrêté le 9 août 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 19 septembre 1942 

Renaldo (René) Getti est né le 25 novembre 1912 à Longlaville (Meurthe-et-Moselle, ville frontalière avec le Luxembourg), où il habite au 1, rue du Villé au moment de son arrestation.
Il est le fils de Barbara Bombilli, 23 ans (1889-1922) et d’Angelo Getti (1886-décédé en 1926 à Mantoue, Italie), manouvrier, cafetier, son époux.
René Getti a trois frères : Amédée (né en 1909, décédé en 1976), Charles (né en 1901, décédé en 1971) et Mario (né en 1915).
René Getti est manœuvre aux aciéries de Longlaville.
Né en France, Renaldo (René) a opté pour la nationalité française le 16 mars 1929, comme ses trois frères (1).
En 1933, il adhère à la CGT, et il est membre du bureau de son syndicat.
De la classe 1932, il effectue son service militaire dans l’infanterie.
Il adhère aux Jeunesses communistes, puis au Parti communiste.
Le 9 novembre 1935, à Longwy René Getti épouse Cora, Norma, Carmel, Sylvia Piscione, née en 1919 à Montesilvano (Italie), de nationalité française elle aussi. Le couple va habiter au 1, rue de Villé à Longlaville en 1936. Ils sont voisins de la famille Guenzi.
René Getti est secrétaire de la section du Parti communiste de Longlaville jusqu’en novembre 1937.

Emblème des brigades internationales

Le 2 novembre 1937, René Getti s’engage dans les Brigades internationales pour défendre la République espagnole contre la rébellion du général Franco soutenue militairement par Hitler et Mussolini. Il arrive en Espagne le 5 novembre par l’intermédiaire du comité de Paris (témoignage d’Eugène Charles).
lire l’article du site Les 36 « 45000 »-ayant-combattu-en-Espagne
Il est affecté à la 12e Brigade Internationale « Garibaldi », 4e Bataillon, 4e compagnie, 3e section.

L’Humanité du 2 août 1938

Sur le Front, il apprend la nouvelle de l’attentat manqué contre Maurice Thorez à Grenoble le 17 juillet 1938. Avec des camarades de la 3è section, ils envoient un message réclamant l’incarcération de Doriot, soupçonné d’en être l’instigateur. Cette lettre, signée par René Getti, Victor Abril, et Macq Guy est publiée dans l’Humanité du 1938.

Le 22 septembre 1938, au cours de l’offensive républicaine du passage de l’Ebre (le fameux « Paso del Ebro ») il est blessé à la jambe droite dans le secteur de Corbera (il a figuré par erreur sur une liste de brigadistes tués à la bataille de Jarama).
Hospitalisé à Tarragone et Igualada, il est rapatrié le 18 décembre. Il est hospitalisé au Val de Grâce (ou à Saint-Antoine) où un de ses frères est allé le rechercher. Il ne s’est jamais complètement remis de ses blessures et ne pourra plus travailler.

« Pendant la « drôle de guerre », l’étranger suspect est particulièrement visé. En application des instructions ministérielles du 17 septembre 1939, le préfet de Meurthe-et-Moselle, Léon Bosney, demande à la gendarmerie, par circulaire du 30 septembre, de lui fournir la liste « des étrangers ou étrangères indésirables, suspects au point de vue national ou dangereux pour l’ordre public, en vue de leur internement éventuel, se trouvant actuellement encore dans votre circonscription ou votre secteur », avec rapport sur chacun d’eux » (Jean-Claude Magrinelli, chercheur au CRIDOR).

Par décision de l’Occupant, la Meurthe-et-Moselle se trouve dans la « zone fermée » ou « zone réservée », destinée au futur « peuplement allemand ».

Fin juin 1940, toute la Meurthe-et-Moselle est occupée : elle est avec la Meuse et les Vosges dans la « zone réservée » allant des Ardennes à la Franche-Comté, destinée au « peuplement allemand ». À l’est de la « ligne du Führer », tracée depuis la Somme jusqu’à la frontière suisse, les autorités nazies envisagent une germanisation des territoires suivant différentes orientations. C’est un autre sort que celui de la Moselle et de l’Alsace, annexées par le Reich, du Nord et du Pas-de-Calais, mis sous la tutelle du commandement militaire allemand de Bruxelles, qui attend les territoires situés le long de cette ligne dite du Nord-Est. En tout ou partie, ces départements, et parmi eux les francs-comtois, font l’objet d’une « zone réservée » des Allemands (« En direct », Université de Franche-Comté). Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). L’Alsace Moselle est occupée. Plus de 20 000 Allemands, soit l’équivalent de deux divisions, sont stationnés en permanence en Meurthe-et-Moselle. Le Préfet de Meurthe-et-Moselle collabore sans état d’âme avec les autorités allemandes, il « ne voit aucun inconvénient à donner à la police allemande tous les renseignements sur les communistes, surtout s’ils sont étrangers » (Serge Bonnet in L’homme de fer p.174).

La résistance communiste est particulièrement active dans le « Pays-Haut » (in Magrinelli, Op. cité pages 229 à 251.
René Getti est contacté par Guérino Bresciani (3), responsable du secteur de Longlaville au sein d’un groupe du PCF clandestin, dirigé par Joseph Carattoni depuis mars 1941 et qui distribue des tracts dans les usines.
Sur l’insistance de son épouse, il n’y donne pas suite à cause des séquelles de sa blessure et participe seulement à deux réunions.
Le 24 juin 1941, René Getti est arrêté par des gendarmes de la brigade de Mont-Saint-Martin, puis transféré à la maison d’arrêt de Briey où il est détenu huit jours avant d’être relâché.
Il est arrêté à nouveau le 9 août 1941, à Longlaville, par la police française, en raison de ses activités politiques d’avant guerre connues. Il est incarcéré à la prison Charles III de Nancy.
René Getti est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstallag 122) en vue de sa déportation comme otage. Il y reçoit le matricule n° « 1542« .

Journal officiel du 17 janvier 1943,

René Getti est déchu de sa nationalité française !
Le 22 juillet 1940, l’État français vote le réexamen de toutes les naturalisations accordées depuis 1927. Il « entend, sinon débarrasser le pays des étrangers indésirables, du moins les placer sous contrôle étroit et, pour les plus dangereux, les priver de la citoyenneté française qu’ils auraient pu acquérir. L’anticommunisme va de pair ici avec la xénophobie » (Jean-Claude Magrinelli, chercheur au CRIDOR). La conséquence pour nombre d’entre eux : la déportation et la mort. Plus de 15 000 personnes furent concernées en France jusqu’en mai 1944.

Le Préfet de Meurthe-et-Moselle a envoyé le 6 mai 1942 un dossier à la commission nationale de retrait. Les seuls éléments figurant à chaque « pièce » du dossier sont « communiste, secrétaire du parti à Longlaville », « a rejoint les rangs de l’armée républicaine en Espagne », « n’a rien renié de ses opinions« .
Il est en outre mentionné qu’il vit séparé de sa femme.
Par décret du 31 décembre 1942, publié au Journal officiel du 17 janvier 1943, après examen au cours de la séance n° 784 du 26 juin 1942 par la commission 2, René Getti est déchu de sa nationalité française. A cette date il est déjà mort, sans doute gazé, à Auschwitz !

Lire dans le site :  Douze « 45.000 » dénaturalisés par Vichy

Depuis le camp de Compiègne, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, René Getti est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

René Getti le 8 juillet 1942

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45598 ».

Sa photo d’immatriculation à Auschwitz (4) a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

René Getti meurt le 19 septembre 1942 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz, Tome 2 page 346). Un nombre très important de déportés d’Auschwitz (dont 148 «45000») sont déclarés morts à ces mêmes dates à l’état civil d’Auschwitz : il est vraisemblable qu’il sont morts dans les chambres à gaz de Birkenau, gazés à la suite d’une vaste «sélection» interne des «inaptes au travail», opérée sans doute dans les blocks d’infirmerie.

D’après Henri Peiffer, « sélectionné » pour la chambre à gaz à la suite d’un œdème, il fait partie du groupe qui chante la « Marseillaise » dans le camion qui les conduit à la chambre à gaz.

Il a été déclaré « Mort pour la France« . Il est homologué au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance .

Une rue de Longlaville porte son nom.

  • Note 1 : Il est français « par déclaration » du 16 mars 1929 (dossier de naturalisation : 14648 X 29 ). La simple naissance en France ne vaut attribution de la nationalité française automatique que pour l’enfant né de parents inconnus ou apatrides, ou de parents étrangers qui ne lui transmettent pas leur nationalité (article 21-11 du code civil).
  • Note 2 : L’été 1938, à Londres, le Comité international pour la non-intervention préconise le retrait des étrangers engagés en Espagne dans les deux camps. L’Allemagne nazie et l’Italie fasciste conseillent à Franco d’accepter ce principe mais d’en différer l’application. Mais, afin d’obtenir le retrait des soutiens étrangers des franquistes et surtout de se concilier la France et le Royaume-Uni pour obtenir d’éventuels financements, le chef du gouvernement républicain, Juan Negrín annonce le 21 septembre 1938 à la tribune de la Société des nations (SDN) le départ immédiat de tous les combattants non espagnols présents dans les rangs gouvernementaux (chs.huma-num.fr/exhibit). Commence alors la « Despedida » (le départ des brigadistes) du 23 au 28 octobre 1938.
  • Note 3 : Guérino Bresciani, né à Seriates (Italie) le 17 avril 1915. Naturalisation : 12 janvier 1932. Français par la naturalisation de ses parents. Dossier de naturalisation : 24874 X 31. Titulaire de la croix de guerre 1939-1940 (au 74° RAC, Verdun, Dunkerque, Hollande, Belgique), résistant, interné au camp de Compiègne. Libéré en favrier 1942 et aussitôt arrêté à son retour par les gendarmes allemands à Briey. Il est déporté en Allemagne le 6 juillet 1942, mais directement depuis la prison de Briey (Meurthe-et-Moselle vers la prison allemande de Karlsruhe (il est sans doute déporté « NN »). Dirigé ensuite sur la prison de Reinbach, puis à Kassel (Kommando de Buchenwald) et à la prison de Staubürg où il est libéré fin 1944. Retrait de nationalité : Décret du 25 mars 1943, publié au Journal officiel du 18 avril 1943, après examen au cours de la séance n° 691 du 18 avril 1942 par la commission 1.
  • Note 4 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Souvenirs d’Henri Peiffer (45 956) de Villerupt et d’Eugène Charles (45 354).
  • M. Fabrizy, FNDIRP (mai 1991).
  • « Antifascisme et Parti communiste en Meurthe-et-Moselle  » (Jean Claude et Yves Magrinelli) page 347.
  • «Death Books from Auschwitz», Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Paris 1995 (basés essentiellement sur les certificats de décès, datés du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, relatifs aux détenus immatriculés au camp d’Auschwitz. Ces registres sont malheureusement fragmentaires.
  • Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Archives de Caen du ministère de la Défense). « Liste communiquée par M. Van de Laar, mission néerlandaise de Recherche à Paris le 29.6.1948 », établie à partir des déclarations de décès du camp d’Auschwitz.
  • Courriels de Pascale Jacquin, sa petite nièce (août et septembre 2010).
Affichette de la conférence du 5 juillet 1997 salle Pablo Picasso à Homécourt
Le Républicain Lorrain 28 juillet 1997

Notice biographique rédigée en 1997 pour la conférence organisée par la CGT et le PCF de la vallée de l’Orne, à Homécourt le 5 juillet 1997, complétée en 2015, 2018 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45.000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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