Julien Jurion © Renwez Informations
Plaque sur son domicile à Renwez photo de Mme Denise Legrand, sa fille
Julien Jurion ; né en 1895 à Renwez (Ardennes) où il habite ; scieur sur bois ; communiste ; arrêté le 18 octobre 1941 ; prison de Charleville, interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 29 octobre 1942.

Julien Jurion est né le 25 avril 1895 à Renwez (Ardennes) où il habite, au n° 60, de la rue Léon Speckan au café de l’Univers (où son épouse est débitante) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Thérèse, Odile Martin, 37 ans (née le 7 octobre 1854 à Renwez) et d’Elie, Emile Jurion, 40 ans (né le 5 juin 1854 à Renwez), manouvrier cloutier, son époux. Ses parents se sont mariés à Renvez en 1874.
Il a au moins sept sœurs et frères aînés (Léon, Marie, Hector, Léon- Hippolyte, Marthe, Henri, Clémence). Son registre matricule militaire nous apprend qu’il mesure 1m70, a les cheveux châtain clair et les yeux gris. Conscrit de la classe 1915, Julien Jurion a été jugé « bon pour le service » par la commission de réforme le 11 mars 1919. Il aurait dû être mobilisé par anticipation fin 1914 après la déclaration de guerre, comme tous les jeunes
hommes de sa classe, mais il n’a pu être recensé et mobilisé « pour cas de force majeure ». Renwez est en effet occupée par les Allemands dès août 1914, et ce jusqu’à la fin du conflit.
Julien Jurion épouse Jeanne, Henriette Toussaint le 30 septembre 1916 à Renwez. Elle est née le 8 janvier 1897 à Montcy-Saint-Pierre (près de Charleville-Mézières / elle est décédée le 2 avril 1985 à Renwez). Le couple a cinq enfants : Carmen, née le 12 mars 1917, décédée en 2009, Odette, née le 9 mars 1921, décédée en 1984, Denise, née le 16 mai 1934, décédée en 2003, toutes nées à Renvez, et Pierre né le 31 août 1922 à Charleville-Mézières, décédé en 1993. Marcelle (épouse Plessiez en 1946) est également née à Renwez. Le registre militaire de Julien Jurion indique six enfants.  Après l’armistice, il est incorporé au 16ème Régiment d’infanterie où il arrive le 11 mai 1919. Il est démobilisé le 24 août 1919 (ce qui est la date normale de démobilisation de sa classe). Il habite alors Bout-de-la-Ville à Renwez).
Il devient scieur sur bois (il est indiqué patron au recensement de 1936 et son épouse débitante, patronne).
Julien Jurion est secrétaire de la cellule du Parti communiste de Renwez dans les années 1930. « Aux élections des 10 et 17 octobre 1937 pour le conseil d’arrondissement, il représenta son parti dans le canton de Renwez. Il fut éliminé au premier tour
en obtenant 222 voix sur 2094 inscrits et 1399 votants 
». Le Maitron, notice 
Didier Bigorgne.
Il est rappelé sous les drapeaux le 24 septembre 1938 au moment de l’annexion des Sudètes par Hitler et affecté au 24ème Régiment de travailleurs. Il est renvoyé dans ses foyers le 5 octobre 1938.
Julien Jurion est à nouveau rappelé le 27 août 1939 à la veille de la déclaration de guerre contre l’Allemagne et affecté au 23ème Régiment de travailleurs. Il est dégagé de toute obligation militaire (car père de famille de « 6 enfants ») le 30 octobre 1939.

Le 10 mai 1940 la Werhmacht envahit le Luxembourg et l’Ardenne belge. Les armées belges et françaises mènent des combats retardateurs jusqu’au 13 mai avant de repasser sur la rive ouest de la Meuse. Après la percée allemande à Sedan le 14 mai, et une succession de reculs des armées britannique, française et belge, le 14 juin 1940 l’armée allemande d’occupation entre dans Paris. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France.
Dès le début de l’Occupation allemande, le gouvernement de Vichy fait continuer de faire surveiller par la police et la gendarmerie les anciens élus ou militants communistes « notoires », et procède à des perquisitions et des arrestations. Vichy entend ainsi faire pression sur les militants communistes connus ou anciens élus pour faire cesser la propagande communiste clandestine.

Julien Jurion est arrêté le 18 octobre 1941 au matin à son domicile, par la police allemande, sur dénonciation écrit sa fille (mais son épouse tenant un café et lui même étant connu comme communiste puisqu’il avait été candidat au conseil d’arrondissement pour le P.c., les RG n’ont eu aucun mal à le faire figurer sur les listes communiquées à l’occupant). Selon M. René Visse (courrier de 1989), « son nom figurait sur une liste de la Gestapo, avec l’appartenance politique précisée« .
Dans les Ardennes, Jules Ruchot, Clément Auburtin, Eugène Visse (le père de René Visse), Gaston Gillet, Jean De Bloedt, Jules Michel, et Ernest Tréseux (de Sedan, qui sera déporté à Auschwitz dans le même convoi) sont arrêtés le même jour que lui.
Julien Jurion est écroué à la prison de Charleville (Ardennes). Il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent le 21 ou 22 octobre 1941 au camp de Royallieu à Compiègne comme otage. Il y reçoit le matricule n° « 1847 ».
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». 

Depuis le camp de Compiègne, Julien Jurion est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante trois « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation à Auschwitz n’est pas connu. Le numéro « 45701 ?» figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) et signalé comme incertain correspond à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules, qui n’a pu aboutir en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il est donc hasardeux de maintenir ce numéro en l’absence de nouvelles preuves.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Julien Jurion meurt à Auschwitz le 29 octobre 1942 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 523). Sa fiche d’état civil établie en France après la Libération porte toujours la mention «décédé le 6 juillet 1942 à Compiègne». Il serait souhaitable que le ministère corrige cette date fut donnée dans les années d’après guerre sur les état civils, afin de donner accès aux titres et pensions aux familles des déportés. Cette démarche est rendue possible depuis la parution de l’ouvrage « Death Books from Auschwitz » publié par les historiens polonais du Musée d’Auschwitz en 1995. Le JO du 21 octobre 1994 portant apposition de la mention « mort en déportation » sur son acte de décès n’a pas corrigé la date erronée. Lire dans le blog Les dates de décès à Auschwitz.

Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué le 18 février 1954.
Il a été déclaré « Mort pour la France« . La mention « Mort en déportation » est apposée sur son acte de décès (J.O n° 245 du 21 octobre 1994).A la demande de sa veuve, une plaque commémorative a été apposée sur son domicile en présence de M. René Wise, conseiller  Régional communiste (décédé le 18 février 2020 à Charleville-Mézières), dont le père Eugène Visse, était interné à Compiègne en même temps que lui. La rue où il habitait a été rebaptisée Rue des Martyrs de la Résistance.

Sources

  • Lettre (10 août 1989) de Madame Denise Legrand, fille de Julien Jurion, en réponse au questionnaire biographique (contribution à l’histoire de la déportation du convoi du 6 juillet 1942), envoyé aux mairies, associations et familles au début de mes recherches, en 1987 : elle y communique de précieux renseignements biographiques et une photo de la plaque commémorative. Elle est décédée le 29 mai 2003 à Reims.
  • Photo d’avant guerre de Julien Jurion : in © Renwez Informations, bulletin N°31, page 13.
  • Lettre (13 novembre 1989) de M. René Vise, conseiller régional. Son père, interné lui aussi à Compiègne avait bien connu Julien Jurion.
  • Jules Ruchot (lettre à Roger Arnould du 3 février 1972) interné à Compiègne du 22 octobre 1941 au 25 août 1944 a témoigné le 3 février 1972 écrit avoir connu Julien Jurion et Ernest Tréseux arrêtés le même jour que lui et communique leurs numéros matricule à compègne. Julien Ruchot réussit à s’évader du train qui l’emmenait en Allemagne, dans la nuit du 25 au 26 août 1944 à Montdidier (Somme).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).

Notice biographique rédigée en 2007, complétée en 2011 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de « Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 »« , éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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