Paul Chenel
Paul Chenel à Auschwitz, le 8 juillet 1942

Matricule « 45 365 » à Auschwitz

Paul Chenel : né en 1921 à Varangéville (Meurthe-et-Moselle) ; domicilié à Pannes (Loiret) ; ouvrier chez Hutchinson ; arrêté le 10 mai 1941 ; condamné à 6 mois de prison effectués à Montargis et Orléans ; interné à Compiègne, déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt. 

Paul Chenel est né le 2 septembre 1921 à Varangéville (Meurthe-et-Moselle).
Il habite au 12, rue de Vésines à Pannes (le Gué-Perreux près de Montargis, Loiret) au moment de son arrestation. Il est le fils de Marie, Louise, Augustine Deprest, 30 ans, sans profession et de Charles Chenel, 30 ans, ouvrier de soudière, son époux.

André Roy, André Lioret, et Paul Chenel

Paul Chenel est célibataire. D’abord cultivateur, il est ensuite ouvrier à l’usine de pneumatiques Hutchinson à Chalette-sur-Loing (Loiret).« il comprend très vite le système capitaliste et réalise encore mieux avec la guerre. Il n’a jamais accepté l’Occupation allemande et c’est l’un des premiers qui rejoint la JC dès août 1940 » écrit son camarade André Roy.
Il devient secrétaire adjoint à l’organisation : « transport, fabrication et collage de tracts antinazis » écrit Andrée Cosson (1).

Orléans après les bombardements allemands de juin 1940

Le 14 juin 1940, la Wehrmacht défile à Paris, sur les Champs-Élysées. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 16 juin Orléans est occupé après de violents bombardements. La moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le 22 juin 1940, l’armistice est signé : la moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le pays est coupé en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée et celle administrée par Vichy. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

En février 1941, la police française arrête, sous l’inculpation de reconstitution du parti communiste, 27 habitants de la région de Montargis, dont 13 Jeunes communistes (parmi eux, 9 connaîtront la déportation – dont deux futurs « 45.000 » – et 4 les camps d’internement). Paul Chenel est arrêté le 10 février 1941 à son domicile dans la même période que son ami André Roy, Henri Ferchaud et André Lioret .

Extrait du jugement audience du 31 juillet 1941

Ils sont jugés le 31 juillet 1941 par la Cour d’Appel d’Orléans (chambre correctionnelle, avec de nombreux co-inculpés, dont 4 déjà condamnés par défaut).L’audience se tient en appel : « un renouveau d’activité communiste était constaté à Montargis dès le mois d’août 1940 et allait en s’amplifiant au cours des mois suivants, qu’à partir du mois d’octobre de nombreuses réunions avaient lieu, au cours desquelles les modalités de la reconstitution du parti et dess jeunesses communistes étaient arrêtées, que la réorganisation se poursuivait activement suivant les directives du comité central par la création de goupes de quatre à cinq personnes au plus, par un recrutement de nouveaux adhérents et par une large diffusion de tracts ainsi que par l’apposition de papillons » (1). Les condamnations initiales sont aggravées, malgré les circonstances atténuantes reconnues pour 7 des co-accusés, dont André Lioret et Paul Chenel en raison de leur jeunesse. « Attendu que Chenel a accompagné Roy dans ses divers voyages à Orléans, Nogent-sur-Vergisson et Paris, qu’il a assisté à toutes les réunions, qu’il a aidé Roy à l’impression des papillons à l’apposition desquels il a également contribué, que le 31 octobre il a remis un paquet de tracts à Mazoyer (1) ».
Paul Chenel est condamné à six mois d’emprisonnement et cent francs d’amende.

Témoignage sur Paul Chenel Lettre d’André Roy à Roger Pélissou

André Roy, dit « Coco » (qui est condamné à deux ans d’emprisonnement dans le même procès), dans une lettre au compagnon de sa sœur,  Roger Pélissou, écrit : Paul Chenel « Ouvrier paysan, quitte la culture pour venir à Hutchinson à Chalette. Il comprend très vite le système capitaliste et réalise encore mieux avec la guerre. Il n’a jamais accepté l’Occupation allemande. Il est un l’un des premiers qui rejoignit la JC dès août 1940. Il fut un exemple pour nous tous, courageux, ne cherchant pas à fuir ses responsabilités, au contraire, pour sauver d’autres JC et atténuer à d’autres leurs peines d’emprisonnement, il s’accuse de choses qu’il n’a pas faites et de ce fait il sauve pas mal de camarades. Mais malheureusement son courage lui a valu la déportation et la mort. Jamais pendant la détention il ne s’est plaint, jamais il n’a désespéré de la victoire et il a gardé toujours sa confiance à notre Parti et à l’Union soviétique. Je pense que sa mort nous a enlevé un très bon dirigeant futur. Quel courage il avait. Je pense que l’on peut prendre son exemple pour montrer aux jeunes la lutte que les JC ont mené pendant l’Occupation (…) « Ce sont deux camarades qui sont morts pour que les autres jeunes soient plus heureux et qu’ils ne connaissent jamais ce qu’ils ont vécu. C’étaient mes deux meilleurs camarades ».

Paul Chenel passe de la prison de Pannes à Montargis à celle d’Orléans. Il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne. Il y reçoit le matricule « 1581 », ce qui situe son arrivée avant le 14 décembre 1941 (en effet son nom figure sur la liste de recensement des jeunes communistes du camp de Compiègne aptes à être déportés « à l’Est », en application de l’avis du 14 décembre 1941 du commandant militaire en France, Otto von Stülpnagel (archives du CDJC).

Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, voir les deux articles : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942)  et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Paul Chenel est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942. Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Aushwitz-Birkenau.
Dans une lettre jetée sur le ballast le 6 juillet 1942, Henri Gaget demande à sa famille de prévenir les proches de certains de ses camarades qui sont dans le même wagon que lui, dont Paul Chenel : « à son père M. Chenel Charles, 16 route de Blainville à Dombasle-sur-Meurthe (Meurthe-et-Moselle)« . Lire dans le blog :Les lettres jetées du train

Paul Chenel le 8 juillet 19472

A son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942, Paul Chenel reçoit le matricule « 45.365 ». 

Sa photo d’immatriculation à Auschwitz (2) a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.  Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée
au camp principal, 8 juillet 1942.
et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale »

Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession.
Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Paul Chenel est affecté au Kommando « Jardin », à Raisko (Birkenau), avec René Demerseman, qui a témoigné de sa mort, qu’il situe en février 1943 : « Ce n’était pas un mauvais Kommando. Mais il a pris froid, forte température, pas de soins évidemment. Un jour cela a empiré. Chenel est mort au Block 6 de Birkenau, d’une broncho-pneumonie ».
La date de son décès toujours portée sur le registre d’état civil des naissances est celle du départ du convoi « décédé le 6 juillet 1942« . 

En 2008, la mention « Mort en déportation » a été apposée sur les actes et jugements déclaratifs de décès de Paul Chénel « décédé le 11 juillet 1942 à Auschwitz (Pologne) et non le 6 juillet 1942 à Auschwitz (Pologne) ». Ce qui correspond aux 5 jours « légaux » retenus par le Ministère des
Anciens combattants après le départ du convoi. Lire dans le site : Les dates de décès à Auschwitz.

Le nom de Paul Chenel a été donné à une rue de Pannes et son nom est honoré sur le monument aux morts de la commune.

  • Note 1 : Andrée Cosson, sœur d’André Roy et compagne de Roger Pélissou rescapé du convoi (janvier 1988).
  • Note 2 : Copie du jugement en appel en date du 31 juillet 1941.
  • Note 3 : 522 photos d’immatriculation des « 45000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres
    de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Certificat de naissance.
  • Questionnaire biographique (contribution à l’histoire de la déportation du convoi du 6 juillet 1942), envoyé aux mairies, associations et familles au début de mes recherches, en 1987, rempli par Andrée Cosson, sœur d’André Roy et compagne de Roger Pélissou (janvier 1988).
  • Lettre témoignage d’André Roy à Roger Pélissou, envoyée par celui-ci à Roger Arnould (4 janvier 1979).
  • Lettre de Roger Arnould à Roger Pélissou, après sa rencontre avec André Roy, alias « coco » (2 mars 1979).
  • « Ceux du groupe Chanzy« . André Chène (Librairie Nouvelle, Orléans 1964, brochure éditée par la Fédération du Loiret du Parti communiste.
  • Acte de disparition, daté du 3 juin 1947
  • Jugement déclaratif de décès.
  • Témoignage de René Demerseman (16 mai 1982) recueilli par Roger Arnould.
  • Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
  • Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel).
  • Envoi de Madame Muriel Ugon, sa nièce (2016). Lettre jetée du train le 6 juillet 1942 par Henri Gaget.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Division des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.

Notice biographique rédigée en novembre 2007, complétée en 2015, 2018 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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