En bistre rouge dans cette notice biographique figurent les informations communiquées en septembre 2011 par Claude Delesque, petit-fils d’un ami de Léon Lochin, Jules Marcel Delesque (note 1).

Léon Lochin : né en 1914 à Changé (Mayenne) ; domicilié à Noisy-le-Sec ; employé municipal ; jeune communiste arrêté deux fois en 1939 et interné à Fresnes ; évadé pendant les transferts ; arrêté comme otage communiste le 1er septembre 1940 ; interné à Aincourt, puis Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt.

Léon Lochin, est né le 29 décembre 1914 à Changé (Mayenne) selon l’état civil.
«Il est en fait né à Toulouse, plus exactement dans la gare, puisque sa mère était en voyage dans cette ville lors de la naissance ; c’est le Docteur Charles, médecin SNCF, de Noisy, lui-même en voyage, qui a procédé à l’accouchement».
Il habite à Noisy-le-Sec (Seine / Seine-Saint-Denis), au 63, avenue de Bobigny, puis chez son frère au 24, rue Henri Barbusse au moment de son arrestation.
Il est le fils de Léontine, Marie, Plumas, 23 ans, née en 1891, et de de Charles, Victor, Louis Lochin (1888-1948), 26 ans, son époux. Il a une sœur, Hélène, et un frère, Charles (1911-1976).
Il travaille d’abord comme Lithographe à Laval. En 1931, il participe à un concours de pêche à Laval (L’avenir de la Mayenne 16/08/1931). Puis, Léon Lochin va habiter à Noisy-le-Sec comme nous l’apprend Claude Delesque « chez son frère, 24, rue Henri Barbusse (…) Léon travaillait comme employé de la municipalité, comme cantonnier et comme chauffeur». En 1935, son frère Charles, ajusteur , habite au 45, rue de Brément à Noisy (inscription sur les listes électorales de 1935).
En 1938, Léon Lochin habite au 63, avenue de Bobigny à Noisy-le-Sec (il n’y habite pas en 1936, mais cette adresse est indiquée sur sur les listes électorales de1938).

Léon Lochin est un cadre de la Jeunesse communiste avant guerre : «Secrétaire de la section des Jeunesses communistes de Noisy, puis membre du Bureau Paris-Est des JC, et à ce titre devait superviser ce qui se passait à Noisy dans leurs rangs jusqu’à Paris… et d’autre part les actions menées à Noisy (et même au dehors, par les JC noiséennes contre l’occupant».

1939 : La dernière fête des Jeunes communistes de Noisy : ils célèbrent le 150è anniversaire de la Révolution française (in Revue Mémoire © Claude Delesque). Léon Lochin à gauche  de l’image.

«Léon Lochin fut une première fois arrêté en 1939 pour possession de vieux tracts de 1938 (datant d’avant le pacte germano-soviétique), mais il fut relaxé. Le 24 décembre 1939, il est arrêté de nouveau et fut emprisonné à Fresnes ; son avocate s’appelait Juliette Goublet. La fiancée de Paul Castel s’était déclarée comme la sienne pour qu’il ait un droit de visite».
Le 10 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris. Le 22 juin, l’armistice est signé : le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ».
Léon Lochin s’évade lors de l’évacuation de la prison de Fresnes (entre le 10 et le 15 juin 1940). De retour à Noisy, il milite à la JC avec Rolland Delesque. «Lors de la débâcle, la prison fut vidée et évacuée dans une colonne à pieds ; il en profita pour s’évader. De retour à Noisy où il était cantonnier, il ne chercha pas à fuir ; « 2 mois après (le 1er septembre 40) il fut arrêté et interné au CSS d’Aincourt, sanatorium de la Bucaille, (Lire dans le blog Le camp d’Aincourt) où mon père Rolland Delesque le retrouva après son arrestation…».
Concernant sa date d’arrestation, on trouve effectivement mention de son arrestation pour « transport de ronéo » le 1er septembre 1940. Si nous ignorons où il est alors détenu (mais vraisemblablement la Santé), ce dont nous sommes certains, c’est qu’il fait partie des centaines de militants communistes transférés au camp d’Aincourt le 5 octobre 1940 (lire dans le blog Le camp d’Aincourt). La plupart ont été arrêtés à cette date par la police française dans le cadre de la grande rafle organisée, avec l’accord de l’occupant, par le gouvernement de Pétain à l’encontre des principaux responsables communistes d’avant-guerre de la région parisienne (Seine et Seine-et-Oise), ces militants parisiens sont regroupé au Stade Jean Bouin et sont emmenés par cars à Aincourt. Au total, plus de 300 militants communistes, syndicalistes ou d’organisations dites «d’avant-garde», sont envoyés à Aincourt à partir du 5 octobre 1940. Léon Lochin figure bien sur cette liste.

Sur la liste « des militants communistes « concentrés » le 5 octobre 1940 » reçue par la direction du camp, figurent des mentions caractérisant les motifs de leur internement (C 331/7). Pour Léon Lochin on lit : « 26 ans. Ex secrétaire de la Section des Jeunesses communistes de Noisy-le-Sec. Agent très actif de la propagande clandestine ».
«Léon était un ami de mon grand père,». Grâce à son amitié avec Jules Marcel Delesque, Léon Lochin est évoqué par son prénom dans 5 des 80 lettres envoyées à sa mère par Rolland Delesque depuis Aincourt (Rolland est le fils de Jules Delesque et il est interné à Aincourt le 26 octobre 1940). «Il faut savoir que tout courrier était soumis à une censure stricte ; c’est pourquoi on ne saura pas beaucoup plus par ces lettres, sinon les dates d’incarcération de Léon (départ de Aincourt et retour au CSS), et bien sûr tout renseignement sur lui dans ces lettres s’arrête avec la carte postale adressée à ma grand-mère».
Le 12 novembre 1941, Léon Lochin est extrait du camp d’Aincourt à la demande du Parquet de la Seine et conduit au dépôt de la Préfecture de police. Le 17 novembre, la 12ème chambre du tribunal correctionnel de la Seine le condamne à six mois de prison (infraction aux décrets des 24 juin, 28, 30 et 31 août 1939).
La lecture de ces lettres permet de confirmer que Léon Lochin est extrait d’Aincourt le 12 novembre 1941 pour être jugé à Paris. Et qu’il n’est pas revenu au camp d’Aincourt les 16 novembre et 3 décembre 1941. Mais qu’il y est de retour le 25 janvier 1942.
Par Odette Nilès qui en témoigna à Paul Castel, on apprend également : «en 1941, les autorités du camp d’Aincourt ont proposé ce marché à Lochin : s’il condamnait, reniait le Parti Communiste, il serait radié de la liste des otages susceptibles d’être fusillés par les nazis. Léon Lochin répondit par le mépris. Il ne fut pas fusillé, mais, déporté, il est mort à Auschwitz»Léon Lochin est remis aux autorités allemandes à leur demande.

Le 11 février 1942, il fait partie d’un groupe de 21 internés d’Aincourt qui sont transférés à Compiègne (la liste est datée du 11 février 1942). Treize d’entre eux seront déportés à Auschwitz : Alban Charles (45160), Arblade Aloyse (45176), Balayn René (45193), Batôt Elie (45205), Bonnel Charles (45273), Chaussinand Alexis (45363), Conord Léon (45371), Deshaies Auguste (45464), Doucet André, Guillou Alexandre (45645), Leroy Louis (45780), Lochin Léon (45800), Marivet Roger, Petitjean René. Tous sont originaires du département de la Seine.

17 juin 1942, mot de Compiègne écrit sur une feuille de papier à cigarette

Depuis le camp allemand de Compiègne (le Frontstalag 122), Léon Lochin parvient à faire  parvenir clandestinement des messages à sa famille (le courrier est censuré), écrits sur des feuilles de papier à cigarette.

Lettre 64 (5 octobre 1941) : «Si tu peux me dire où tu as acheté le dentifrice*, tu me le diras sur la prochaine lettre, car il y a Léon qui voudrait bien en faire acheter par son père, car il n’en trouve pas de ce genre, car il faut que je te dise qu’il est épatant (* C’est dans les tubes de dentifrice que ma grand’mère faisait passer un certain nombre de messages pour les prisonniers).

Lettre 72 (12 novembre 1941): « Grâce à la lettre 72, nous apprenons que Léon Lochin a été emmené à Paris, pour jugement, sans doute le lundi 10 novembre(1941), et incarcération, et que ce n’est pas la première fois qu’on l’a ainsi sorti de Aincourt, pour interrogatoire sans doute ». « Lundi matin, votre ami Léon retourne à Paris pour passer en jugement et il ne sera sûrement pas de retour bien vite, car je crois qu’il passera l’hiver à Paris entre quatre murs et à compter ses pas pour passer le temps et se réchauffer (…).16H30 : (…) à la minute je reviens de l’école juste pour pouvoir dire au revoir [à] mon ami Léon qui ne pensait pas partir si vite. Je t’assure que ça m’a fait mal au cœur de le voir repartir dans de telles conditions ; enfin espérons que sa peine ne sera pas trop longue». «Grâce à cette même lettre 72, on apprend aussi qu’étaient organisés pour les « jeunes » des cours, car il y avait nombre d’instituteurs et de professeurs qui étaient internés».

Léon Lochin © Mémorial-Genweb

Lettre 73 (16 novembre 41) : «Je reviens de passer la journée avec mes vieux amis de Noisy ; mais malheureusement, il en manquait un à l’appel… ; tu sais celui que je veux te dire : c’est notre ami Léon qui à l’heure qu’il est doit se morfondre dans des idées plus ou moins noires, car demain il passe en jugement et il doit bien se demander pour combien il va en attraper, car en ce moment les peines ne sont pas des plus légères ; enfin je pense qu’il pourra prouver son innocence et s’en tirer avec peu »

Lettre 76 (3 décembre 41) : «Pour le moment, ici, pas de grand changement : toujours la même vie… Je croyais que Léon allait revenir, mais il n’est toujours pas là et il doit trouver le temps long là où il est, car il ne doit pas y faire chaud et la nourriture ne doit pas être des plus abondantes»

Lettre 80 (25 janvier 42) : «en ce moment où je t’écris, je suis chez le petit père Jules avec Raymond et Léon et je profite qu’ils jouent aux cartes pour te faire ce petit mot bien au chaud, car je ne sais pas si à Noisy il fait beau ; mais ici il fait un temps merveilleux et le soleil qui passe à travers des carreaux me chauffe le dos ; en tous cas, je viens de regarder dehors et je peux voir que toute la neige est fondue».

Sur celui du 17 juin (photo plus haut), il a inscrit l’adresse du 21, rue Aristide Briand à Chennevières (sans doute celle sa tante Louise), demandant qu’on lui envoie de l’argent en urgence dans un tube de pâte dentifrice, via un colis de denrées. Il mentionne Simone et Maurice, qui est avec lui à Compiègne.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Le 6 juillet 1942, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.

Depuis le camp de Compiègne, Léon Lochin est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation à Auschwitz n’est pas connu. Le numéro « 45800 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) et signalé comme incertain, correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Cette reconstitution n’a pu aboutir en raison de l’absence de photo, de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Aucun document des archives SS préservées de la destruction ne permet de connaître la date exacte du décès de Léon Lochin à Auschwitz. Dans les années d’après-guerre, l’état civil français a fixé celle-ci au 31 décembre 1942 sur la base du témoignage d’un de ses compagnons de déportation. C’est pourquoi l’arrêté du du 24 juin 2008 paru au J.O, portant apposition de la mention « Mort en déportation » sur son acte de décès, retient cette date «Décédé à Auschwitz le 31 décembre 1942 ». Lire dans le blog Les dates de décès à Auschwitz.
Le titre de «Déporté politique» lui a été attribué (celui de «Déporté résistant» lui a été refusé » : voir dans le site La carte de « Déporté-Résistant).
Son nom est inscrit sur la stèle commémorative de Noisy-le-Sec (1939-1945) – relevé Christiane Level-Debray.

  • Note 1 : Jules Marcel Delesque, conseiller municipal à Noisy, déchu de son mandat après l’interdiction du Parti communiste. Recherché par la Gestapo, Jules Delesque se cachera durant toute l’occupation dans les Halles de Paris où il travaillait comme « fort ».

Sources

  • Extrait de naissance communiqué par M. Le Roch, conservateur de la bibliothèque de Laval, 10 octobre 1992.
  • Service des Affaires intérieures de la ville : 25 oct. 1992.
  • Liste N° 2 du 9 février 1942 «transfert au camp de Compiègne de 29 internés du camp d’Aincourt, originaires du département de la Seine».
  • Bureau de la Division des archives des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (fiche individuelle), juin 1992.
  • Mémoire de maîtrise d’Histoire sur Aincourt d’Emilie Bouin, juin 2003. «Premier camp d’internement des communistes en zone occupée», Dir. C. Delporte. Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines / UFR des Sciences sociales et des Humanités
  • Courriel de Claude Delesque, fils de Rolland, dit R2L (septembre 2011), avec de très nombreuses informations et extraits de lettres d’Aincourt.
  • «Anecdotes de Paul Castel» : l’avant-guerre à Noisy » (2011), recueillies par Claude Delesque (printemps 2011).
  • www.ulcgt11.fr/IMG/pdf/MV15.pdfNuméro spécial. N° 15 – Novembre 2010. Institut d’Histoire Sociale île-de-France. Comités populaires et Résistance des Cheminots en région parisienne (photo Lochin).
  • © Sitewww.mortsdanslescamps.com
  • © Site Memorial and Museum Auschwitz-Bikenau www.auschwitz.org.pl
  • © Message depuis le camp de Compiègne, envoi par courriel d’Emmanuel Lochin, petit neveu de léon Lochin, janvier 2016.
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).

Notice biographique rédigée en novembre 2007, complétée en 2011, 2016, 2018 et 2019 par par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice. Pour compléter ou corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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