Matricule « 46 257 » à Auschwitz
Pierre Roux : né en 1921 à Dadonville (Loiret) ; il habite à Pithiviers-Dadonville au moment de son arrestation ; célibataire ; ouvrier pâtissier et boulanger ; membre des Jeunesses communistes ; arrêté en mars 1941 ; incarcéré à la prison d’Orléans, interné à Rouillé puis Compiègne ; déporté à Auschwitz, où il meurt le 21 janvier 1943.
Pierre Roux est né le 27 décembre 1921 à Dadonville (Loiret). Il habite à Pithiviers-Dadonville (Loiret) au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Albertine, Ernestine, Fernande Montigny et de Charles, Jules, Roux cultivateur, son époux. Il est célibataire et travaille comme ouvrier boulanger.
Le 8 mai 2017, la commune de Dadonville rendait hommage à Pierre Roux.
Sa nièce et son neveu étaient présents. Ils ont fourni à Madame Percheron (AFMD 45, auteure de « Mémoire en sursis », ouvrage qui étudie les 128 déportés de répression du Pithiverais) un certain nombre de documents, à partir desquels elle a rédigé un hommage, dont sont extraites les citations suivantes (en italique rouille).
« Ses parents étaient cultivateurs. Lui-même a choisi le métier de pâtissier. Après son apprentissage effectué ici, il va travailler à Paris. C’est un garçon plein d’entrain et sportif. Ainsi il profite des congés payés inaugurés en 1936 pour parcourir la France en tandem avec sa sœur Charlotte. Mais au printemps 1940, c’est la déferlante des armées allemandes sur la France« .
Le 14 juin 1940, la Wehrmacht défile à Paris, sur les Champs-Élysées. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 16 juin Orléans est occupé après de violents bombardements. La moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le 22 juin 1940, l’armistice est signé : la moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le pays est coupé en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée et celle administrée par Vichy. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Pendant l’Occupation, Pierre Roux qui travaille comme boulanger à Saint-Maur-des-Fossés où il a été adhérent de la Jeunesse communiste (cf. fiche d’otage allemande et témoignage de son frère Raymond), diffuse des tracts communistes appelant à la Résistance. Pierre Roux est en effet engagé dans l’action clandestine, comme son ami Henri Gaget avec lequel il entretiendra une correspondance depuis la prison d’Orléans (né comme lui à Dadonville, fermier à Pithiviers, ex-secrétaire de la section du PCF de Pithiviers, Henri Gaget est arrêté le 22 juin 1941 et interné au camp de Compiègne) et qu’il retrouvera au camp de Compiègne en avril 1942.
Des policiers allemands arrêtent Pierre Roux le 29 mars 1941 pour « propagande communiste » à Pithiviers (selon son frère et sa fiche au DAVCC)« en flagrant délit à Pithiviers sur la voie publique, (il se trouvait alors pour quelque temps en convalescence de maladie chez ses parents à Bourgneuf« .
Toutefois selon sa fiche d’otage (C.f. document ci-contre), il est arrêté le 31 mars 1941 à Montargis sur ordre des autorités allemandes pour « distribution de tracts communistes après l’Armistice » et jugé par la cour allemande spéciale d’Orléans qui le condamne à trois mois de prison. Remis aux autorités françaises, il est incarcéré à la prison d’Orléans.
Une lettre en date du 7 juin 1941 de Pierre Roux à Henri Gaget, nous apprend que la ferme de celui-ci a été perquisitionnée : « J’ai appris par Raymond que des inspecteurs d’Orléans avaient été perquisitionner chez toi au Bourgneuf, ainsi que celui d’Octave et de Baillard, mais que cette perquisition n’avait donné aucun résultat ».
Pierre Roux qui avait espéré être libéré en juillet, a appris qu’il y avait des camps pour les Juifs à Pithiviers et Beaune-la-Rolande, écrit le 14 septembre 1941 à son camarade Gaget : « Toutes ces choses là sont des mesures « humanitaires ». Malgré mon espoir, j’ai bien peur d’aller dans un de ces camps destinés à nous. Je n’en serais pas du tout étonné ».
« Il est emprisonné à Orléans et le 12 avril 1941 il passe devant un tribunal allemand qui le condamne à trois mois de détention pour troubles sur la voie publique. A Orléans, Pierre écrit de nombreuses lettres à ses parents, mais aussi à ses deux aînés (son frère Raymond et sa sœur Charlotte), lettres qu’il signe d’ailleurs souvent Pierrot. Il leur réclame surtout de la nourriture, car celle de la prison est très insuffisante. Son camarade Henri Gaget lui envoie aussi des colis ainsi que des livres. En effet pour contrer cet enfermement avec juste une demi-heure de sortie journalière, Pierre lit beaucoup ; il rend aussi des services à ses camarades. Dans la prison circulent toutes sortes de fausses informations sur les échecs des divisions blindées hitlériennes face à l’armée soviétique, avec en perspective l’espoir d’une prochaine libération du joug nazi. Début juillet 1941, il apprend que son camarade Henri Gaget est lui aussi emprisonné, mais à Orléans les deux copains ne se rencontrent pas. Quant à l’issue de sa peine, c’est-à-dire le 12 juillet 1941, Pierre Roux ne se fait aucune illusion sur sa remise en liberté. En effet il sait qu’il lui faudra repasser devant un tribunal français en raison de ses idées communistes. Le temps passe et il est maintenu en prison sans jugement.
Il reste détenu à Orléans jusqu’au 26 septembre 1941, date à laquelle il est transféré au centre d’internement administratif de Rouillé, près de Poitiers dans la Vienne. Toutefois, alors que Pierre Roux se trouvait encore à Orléans, un de ses anciens co-détenus, qui avait été relâché, a voulu entreprendre des démarches pour le faire libérer ; mais pour cela le jeune homme devait renoncer à ses convictions politiques, ce qui lui était impossible. Il écrit à son frère et à sa sœur : « J’aimerais mieux rester dans la position où je me trouve plutôt que d’avoir à renier ce que j’ai fait. Se tenir tranquille passe, mais renier et aller du côté opposé, je ne marche pas. Je m’oppose à toutes les conditions proposées, car il s’agit de l’honneur de toute la famille ».
Il est interné administrativement au camp français de Rouillé, après la date du 14 septembre 1941 (courrier à Henri Gaget depuis la prison d’Orléans).
Lire dans le site : le-camp-de-Rouillé
« Au centre d’internement de Rouillé, même si la nourriture est à peine suffisante, les conditions de vie sont bien meilleures que dans les geôles orléanaises. Les internés circulent librement dans le camp, ils ont des activités sportives et culturelles : Pierre Roux suit des cours de français et d’anglais, il souhaite trouver des livres de russe, par la suite il demandera aux siens des fusains pour dessiner. Mais depuis des mois il a des soucis de santé à cause d’une hernie et d’une pleurésie. Il est alors opéré de sa hernie à Poitiers vers la mi-octobre 1941, il ne réintégrera le centre de Rouillé que début décembre. Il a passé une radio pour sa pleurésie et là aussi son état s’est bien amélioré.
A Rouillé, Pierre est très apprécié de ses camarades, il est serviable, il a bon cœur, il est d’humeur égale. Mais une nouvelle étape l’attend ; le 18 avril 1942, Pierre Roux est emmené en voiture sous la garde de deux officiersallemands et acheminé à Compiègne au camp de Royallieu où ont lieu les retrouvailles avec celui qu’il appelle fraternellement « mon vieux Henri ».
Transféré depuis le camp français de Rouillé, où il a été malade, le 18 avril 1942, Pierre Roux arrive au camp allemand de Compiègne (le Frontstalag 122) le 20 avril, au sein d’un transfert d’internés .
Le 21 avril Pierre Roux écrit à sa famille (lettre non censurée) qu’il a changé de camp et se trouve à Compiègne : il a le matricule « 3873 » et se trouve au Bâtiment A6 avec Henri Gaget.
Il donne des détails concernant les envois de courriers et de colis. A propos de ceux-ci, il recommande de prendre « des renseignements auprès de la famille d’Henri. J’ai retrouvé avec joie ce bon camarade Henri, qui lui aussi se porte bien. J’ai retrouvé aussi deux petits camarades de Montargis que j’ai connus à Orléans : si vous répondez, ne faites pas allusion à cette lettre ».
Le même 21 avril son ami Henri Gaget annonce son arrivée à sa propre famille.
« J’ai eu la surprise hier de voir arriver Pierre : nous l’avons pris dans notre groupe, ainsi il mange avec nous et couche dans la même chambre que moi. Je ne l’ai pas trouvé changé. Il a plutôt épaissi, il se porte bien et ne se ressens plus de sa maladie« . Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, voir les deux articles du site : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et«une déportation d’otages».
Dans une lettre qu’il jette sur le ballast, Henri Gaget mentionne la présence de son copain Pierre Roux : « Nous sommes 1200 dans ce train, avec 4 jours de vivres, et d’autres en réserve en plus dans le train. Pierre est de la partie naturellement, mais pas dans le même wagon« .
Depuis le camp de Compiègne, Pierre Roux est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Pierre Roux est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 46 257 ».
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Il entre à l’infirmerie de Birkenau le 3 novembre 1942, en même temps que Marcel Lavall d’Aubervilliers.
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
Pierre Roux meurt à Auschwitz-Birkenau le 21 janvier 1943 d’après le certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 1031).
Lire dans le site Les dates de décès à Auschwitz.
Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué.
Un panneau du musée de la Résistance de Lorris consacré à la traque des membres du Parti communiste, lui rend hommage, ainsi qu’à son camarade Henri Gaget.
Il a été déclaré « Mort pour la France« . Son nom est gravé sur le monument aux morts de Dadonville. 4 jeunes de Dadonville ont été
déportés (Cécile Painchault, morte à Rawensbruck, Henri Gaget et Pierre Roux morts à Auschwitz et André Robillard mort à Buchenwald). La commune leur rend hommage chaque année le 8 mai.
Son nom et celui d’Henri Gaget sont gravés sur le monument aux déportés, rue Serge Degrégny (résistant fusillé en 1944) à Pithiviers. Comme Henri Gaget, Pierre Roux a été homologué au titre des Forces Française de l’Intérieur (FFI) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance.
Sources
- Renseignements communiqués par son frère, Raymond Roux.
- « Ceux du groupe Chanzy« . André Chène (Librairie Nouvelle, Orléans 1964, brochure éditée par la Fédération du Loiret du Parti communiste.
- Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Division des Archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC) SHD, Ministère de la Défense, Caen / indiquant généralement la date de décès au camp.
- Fiche de renseignement de Pierre Roux (état major allemand), source Centre de Documentation Juive contemporaine cote : XLIV-63
- Lettres de Pierre Roux et Henri Gaget : envois de Madame © Muriel Ugon, nièce d’Henri Gaget (juin 2016).
- Courriel 2018 de Madame Muriel Hugon (photo de Pierre Roux et texte de Madame Dany Percheron).
Notice biographique rédigée en 2003, mise en ligne en 2012, complétée en 2015, 2019, 2020, 2022 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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