Fernand Maison en 1931 © Jérôme David, D.r.

Matricule « 45 816 » à Auschwitz

Fernand Maison : né en 1894 à Amiens (Somme); domicilié à Marissel-Beauvais (Oise) ; mécanicien, ajusteur ; communiste ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 7 janvier 1943

Fernand, Victor, Omer Maison est né le 5 novembre 1894 à Amiens (Somme).
Il habite au 30 rue Victor Hugo à Marissel, commune actuellement rattachée à Beauvais (Oise) 
au moment de son arrestation.
Il est le fils de Victorine, Virginie Fauvelle, 27 ans, ménagère (1867-1954) et de Joseph, Maximilien, Omer Maison, 40 ans, charron son époux (1854-1933).
Ils habitent au 24, boulevard Garibaldi à Amiens (Somme). Il a trois demi-sœurs et frère, nés d’un premier mariage de son père avec Euphrosine Fauvel : Aménaïde, née en 1877, Marie née en 1881 et Félix, né en 1885.

Selon sa fiche matricule militaire Fernand Maison mesure 1m 72, a les cheveux châtain clair et les yeux marron, le front moyen, le nez rectiligne. Au moment du conseil de révision, il travaille comme mécanicien à Notre-Dame-du-Thil (Oise) où habitent ses parents. Il a un niveau d’instruction « n° 3 » pour l’armée (sait lire et écrire et compter, instruction primaire développée).

Fernand Maison avec sa croix de guerre © Jérôme David, D.r.
Croix de guerre, étoile de bronze

Conscrit de la classe 1914, Fernand Maison, comme tous les jeunes hommes de sa classe après la déclaration de guerre est mobilisé dès la fin de l’année. Incorporé le 1er septembre 1914 au 4ème régiment d’artillerie lourde, caserné à Remiremont, où il arrive le 8. Il « passe » au 2ème régiment d’Infanterie coloniale à Brest le 4 octobre 1914. Il est nommé caporal le 1er décembre 1914 (campagne d’Argonne). Il « passe » au 6ème régiment mixte du corps expéditionnaire d’Orient, le 12 juin 1915 engagé aux Dardannelles.  Il a été nommé à l’ordre du jour du régiment (14 octobre 1915) :  Toujours volontaire pour les missions périlleuses. A déjà fait deux patrouilles de nuit. A dirigé avec le plus grand calme l’équipe du fortin A 23. Est resté 1 h 30 en dehors du parapet et passant à certains moments tout à côté des ouvrages turcs ». Il reçoit la Croix de guerre, étoile de bronze.
Il est nommé sergent le 29 novembre 1915 (campagne des Dardanelles). Rapatrié en France, il  « passe » au 23ème régiment d’infanterie coloniale le 4 mai 1917, « aux armées ». Il « passe » au 4ème régiment d’infanterie coloniale le 15 avril 1918. Le 10 août 1918, il « passe » au 12ème Bataillon malgaches. Le 1er janvier 1919, il est placé en « congé illimité de démobilisation » par le 1er Régiment de Chasseurs malgaches, « certificat de
bonne conduite accordé
».  
Outre la Croix de guerre, il est titulaire de la médaille commémorative Serbe de la grande guerre et de la médaille Interalliée.
S’il est maintenu « bon service armé » pour la réserve de l’armée active, il subira des séquelles de paludisme (une pension temporaire de 10% lui est accordée en 1921, renouvelée en 1926 et devenue permanente en 1929 par la commission de réforme d’Amiens).


Le 11 juin 1919, il a été embauché comme ouvrier d’atelier aux Chemins de fer du Nord. Pour l’armée cet emploi le fait alors « passer » « affecté spécial » en tant que réserviste de l’armée active, à la 5ème section des chemins de fer de campagne : c’est-à-dire qu’il serait mobilisé à son poste de travail en cas de conflit. Comme Fernand Maison a changé d’entreprise, il est rayé de cette « affectation spéciale » en 1922. En mars il habite alors à Abancourt (Oise).
En octobre 1928, il a déménagé au 66, rue de Villers à Notre-Dame-du-Thil.
En octobre 1933, il habite au 12 impasse Marguerite à Beauvais. En janvier 1936, il est à nouveau classé « affecté spécial » au titre de la Société du Gaz de Beauvais, comme mécanicien.

Lucienne et Fernand Maison © Jérôme David, D.r.

Le 12 juillet 1919, à Notre-Dame-du-Thil, il épouse Lucienne, Georgette Rogeau, née le 29 avril 1901 à Beauvais. Le couple a une fille, Fernande, qui naît le 23 juin 1920.

Avec sa fille et sa femme, en 1931 © Jérôme David, D.r.

Fernand Maison est employé du gaz.
Membre du Parti communiste, il est secrétaire de cellule.
Sa femme et sa fille Fernande sont tuées sous les bombardements du 6 juin 1940 à  Beauvais (Source : Service historique de la Défense, Caen Cote de l’acte : AC 21 P 373252. Ce décès n’était pas enregistré sur l’acte de naissance de son épouse en 1992 – réponse de la Mairie de Beauvais, mais Fernand Maison est bien indiqué comme veuf sur son acte de décès).

Dès le début juin 1940, l’Oise est envahie par les troupes de la Wehrmacht. Nombre de villes et villages sont incendiés ou dévastés par les bombardements. Beauvais, détruite par les bombardements à 50 % est occupée le 13 juin. Département riche en ressources agricoles, industrielles et humaines l’Oise va être pillé par les troupes d’Occupation. Ce sont les Allemands qui disposent du pouvoir réel et les autorités administratives françaises seront jusqu’à la Libération au service de l’occupant (Françoise Leclère-Rosenzweig, « L’Oise allemande »).

On ignore sa date d’arrestation, mais on sait qu’il est arrêté par la gendarmerie allemande : connu comme communiste par la police française il est déjà interné à Compiègne avant le 13 avril 1942. En effet à cette date le commissaire principal aux renseignements généraux de Beauvais a transmis au Préfet Paul Vacquier 66 notices individuelles concernant des internés au Frontstalag 122 à Compiègne, que le Préfet transmet au Feldkommandant. Parmi eux la notice de Fernand Maison : « Militant communiste. Peu avant son arrestation par la gendarmerie allemande, distribuait des tracts communistes à l’intérieur de l’usine à gaz. Assez dangereux ».
Dix-huit autres de ces militants signalés par les RG seront déportés à Auschwitz.
Remis aux autorités allemandes à leur demande, celles-ci les internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne, le Frontstalag 122. Le 13 mai 1942, le Préfet de l’Oise demande au secrétaire d’État à l’Intérieur d’intervenir pour la libération de 24 « personnes non susceptibles d’être dangereuses ». Parmi les noms figure celui de Fernand Maison : il semble que le Préfet n’ait transmis que des renseignements concernant l’état civil, la parenté et la situation matérielle.

Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Fernand Maison est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45 816 » d’après la liste établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Fernand Maison meurt à Auschwitz le 27 janvier 1943 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 760). Sa fiche d’état civil établie en France après la Libération porte toujours la mention «décédé le 15 septembre 1942 à Auschwitz»». Il serait souhaitable que le ministère corrige ces dates fictives qui furent apposées dans les années d’après guerre sur les état civils, afin de donner accès aux titres et pensions aux familles des déportés. Cette démarche est rendue possible depuis la parution de l’ouvrage « Death Books from Auschwitz » publié par les historiens polonais du Musée d’Auschwitz en 1995. Lire dans le blog Les dates de décès à Auschwitz.
Le titre de «Déporté politique» lui a été attribué.

Sources

  • Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel consulté en juin 1992)
  • Etat civil mairie de Beauvais (1992). Avis de décès, établi le 7 novembre 1946.
  • Recherches de Madame Benoit, enseignante, belle-sœur de Marcel Bec (correspondance mai 1993).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
  • Registres matricules militaires.
  • Etat civil en ligne d’Amiens.
  • Remerciements à M. Jérôme David pour son envoi de photos  : Fernand Maison était le grand-oncle de sa mère (juin 2018).

Notice biographique rédigée par Claudine Cardon-Hamet en 2007, complétée en 2011, 2018 et  2021. Docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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