Léon Campion à Auschwitz
Léon Campion au camp de Compiègne

Matricule « 45 324 » à Auschwitz

Léon Campion : né en 1899 à Paris 19ème ; domicilié à Chaumont (Haute-Marne) au moment de son arrestation ; ajusteur, graveur sur métaux ; secrétaire du Parti communiste de Chaumont ; arrêté le 22 juin 1941 comme otage communiste ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 18 septembre 1942.

Léon Campion, dit « Léo », est né le 17 juin 1898 à à Paris 19ème , impasse du Puits.
Il habite au 3, rue Ledru Rollin à Chaumont (Haute-Marne) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Louise, Augustine Bonnet (1874-1932), 24 ans, bijoutière et de Louis, Léon Campion (1874-1950), 23 ans, polisseur, son époux.
Ses parents habitent impasse du Puits à Paris 19ème .
Son registre militaire (matricule n° 374 du 4ème bureau de la Seine) nous apprend qu’il mesure 1m 61, a les cheveux châtains, les yeux marrons, le front ordinaire, le nez petit et le visage ovale.
Au moment du conseil de révision, il travaille comme ajusteur-mécanicien.
Il sera ensuite graveur sur métaux. Il habite chez ses parents au 11,  rue du Perche à Paris 3ème.  Il a un niveau d’instruction n° 2 pour l’armée (sait lire, écrire et compter).
Comme tous les jeunes hommes de sa classe, la « 1918 », il est mobilisé par anticipation en 1917 en vertu du décret de mobilisation générale, le 16 avril 1917 au 45ème Régiment d’Artillerie. Après l’instruction militaire, il est changé de régiment et il est envoyé « aux armées » le 1er mai 1918 avec le 45ème Régiment d’Artillerie, le 27 mai 1918 avec le 257ème Régiment d’Artillerie, puis le 6 juin avec le 176ème Régiment d’artillerie de tranchée. Après l’armistice, il est transféré le 9 avril 1919 au service automobile du 20ème Régiment du Train, puis le 2 mai 1919 au service automobile de la 3ème Division d’infanterie (31ème Régiment du Train). Il est « renvoyé dans ses foyers » le 2 mai 1920, « certificat de bonne conduite accordé » et « se retire » dans le Marais au 2, rue Portefoin (Paris 3ème). Il est décoré de la Médaille de la victoire.
Léon Campion est graveur sur métal et vend son travail sur les marchés.
Il se marie à Chaumont le 30 octobre 1936 avec Hélène Léonie Leclère (1913-2011), née à Chaumont le 2 octobre 1913.
Le couple aura 5 enfants. En 1937, ils habitent à Chaumont (Haute-Marne) au 18, rue Jules Tréfousse.

L’Humanité du 10 août 1937

Léon Campion est secrétaire du Parti communiste de Chaumont.
Aux élections cantonales d’octobre 1937 il est présenté par le Parti communiste dans le canton de Chateauvillain.
A cette date, l’armée le classe « sans affectation », mais en 1938, il est versé pour la réserve de l’armée active dans la subdivision de Chaumont, « par changement de domicile ».
Père de famille de cinq enfants il est ramené à la classe 1908 et n’a vraisemblablement pas été mobilisé à la déclaration de guerre en 1939.

Le 10 mai 1940, la Luftwaffe bombarde le terrain d’aviation de Saint-Dizier et la ville de Joinville. Le 13 juin 1940 la Wehrmacht occupe Saint-Dizier. Le 14 juin, les troupes allemandes défilent à Paris, sur les Champs-Élysées. Le 15 tout le département de la Haute-Marne est occupé.  Le 22 juin, l’armistice est signé : la France est coupée en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée de celle administrée par Vichy. La Haute-Marne est coupée en deux : l’est devient « zone interdite », destinée au repeuplement allemand comme le veulent les nazis, ou à la création d’un Pays Thiois ou Grande Flamande (comme le revendiquait le mouvement irrédentiste flamand), l’ouest se transforme en territoire de stationnement des troupes de la Wehrmacht. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
« Au lendemain de l’armistice du 22 juin 1940, la Haute-Marne se retrouve coupée en deux : l’est devient zone interdite, destinée au repeuplement allemand, où par conséquent le retour des réfugiés est impossible, tandis que l’ouest se transforme en territoire de stationnement des troupes de la Wehrmacht. Département frontière, elle n’en subit pas moins les exactions de l’occupant. Département industriel, elle voit ses richesses prendre le chemin de l’Allemagne. Département agricole, elle pourvoit à l’approvisionnement des troupes installées sur son sol »… Postface du livre « la Haute-Marne dans la guerre, de Didier Desnouveaux, Lionel Fontaine, Marie-Claude Simonet.

René Bousquet et à sa droite Carl Oberg, Gruppenführer, chef de la SS et de la Police pour la France

Le 28 août 1941 René Bousquet, Préfet de la Marne nommé par Pétain en 1940, est nommé Préfet régional de la région de Châlons-sur-Marne (Marne, Haute-Marne et Aube). Il donne des instructions très précises pour la surveillance des « menées communistes ». En septembre 1941, avec l’institution de la « politique des otages », les autorités allemandes se font remettre les notices individuelles des communistes arrêtés et incarcérés par la police française. On lira sur le net les articles consacrés à Bouquet par Jean-Pierre et Jocelyne Husson : « René Bousquet et la politique vichyste d’exclusion et de répression ». 

Léon Campion est arrêté le 22 juin 1941.
Après la libération, une enquête de gendarmerie a été diligentée pour la détermination des titres posthumes (2/12/1953). J’ai relevé les témoignages suivants : Pierre Doncarli, président du Comité départemental de la FNDIR en 1949 témoigne « J’ai très bien connu Campion Léon, René, qui était en 1941 secrétaire du PC de Chaumont. Campion n’a pas fait partie de la Résistance, car il n’y avait à cette époque aucune organisation. Campion a été arrêté le 21 juin 1941 comme politique».
Michel Elmerich, employé SNCF « Il travaillait à son domicile et sur le marché. Malgré qu’il travaillait aussi pour les allemands, il avait une opinion politique contre eux et ne se cachait pas pour les critiquer… C’est à ce sujet que le 22 juin 1941 la Feldgendarmerie est venue l’arrêter. Par la suite j’ai appris son internement à Compiègne et sa déportation». M. Chapuis témoigne à peu près dans les mêmes termes, expliquant que « seules ses opinions politiques »sont la cause de son arrestation..

Léon Campion à Compiègne (ZI = Zivil Interniert, interné civil)

Léon Campion est arrêté le 22 juin 1941 par la Feldgendarmerie, dans le cadre de la grande rafle commencée ce jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique. Sous le nom « d’Aktion Theoderich », les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht et qui ce jour là devient un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”.

Carte lettre officielle de Léon Campion à son épouse datée du 23 août 1941

Léon Campion est emprisonné pendant une semaine à la maison d’arrêt de Chaumont. Puis il est interné au camp allemand de Compiègne, administré par la Wehmacht, (le Frontstalag 122) le 27 juin à la demande des autorités allemandes. Affecté au bâtiment A 7, il y reçoit le matricule « 616 ».
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz.

Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages

 

Depuis le camp de Compiègne, Léon Campion est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Aushwitz-Birkenau.

Léon Campion, le 8 juillet 1942

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45324 ».
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Léon Campion meurt à Auschwitz le 27 août 1942 d’après les registres du camp (Sterbebücher von Auschwitz (registre des morts).

© Raymond Jacquot.

Son état civil établi le 26 avril 1947 (acte de Préfecture) porte une autre date : « décédé le 7 novembre 1942 à Auschwitz », et un arrêté du 5 octobre 1987 publié au JO du 13 novembre 1987 et portant apposition de la mention « mort en déportation » porte « décédé en novembre 1942 à Auschwitz (Pologne)« .
La raison de ces différences est simple : afin de donner accès aux titres et pensions aux familles des déportés, l’état civil français qui n’avait pas eu accès dans les années d’après-guerre aux archives d’Auschwitz emportées par les armées soviétiques, a fixé celle-ci à une date fictive (le 1er, 15 ou 30 d’un mois estimé) ou induite à partir du témoignage d’un de ses compagnons de déportation (pour Léon Campion, son camarade Raymond Saint-Lary a témoigné en février 1947 qu’il était mort en novembre).
Le titre de « déporté politique » lui a été attribué le 1er juin 1945.
Son nom est inscrit sur le monument commémoratif 1939-1945, au cimetière Clamart de Chaumont.

Sources

  • Correspondances avec Jean-Marie Chirol, animateur du « Club Mémoires 52 » : communication de ses recherches aux archives départementales et auprès de l’état civil des mairies (1992-1994).
  • Blog du club Mémoires 52, association de recherches historiques consacrées au département de la Haute-Marne, créée, en 1991, par Jean-Marie Chirol (1929-2002).
  • Photo du monument au morts du cimetière Clamart de Chaumont (photo Michelot).
  • Site internet Mémorial «GenWeb ».
  • Death Books from AuschwitzSterbebücher von Auschwitz (registre des morts) : Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen 

    (dossier individuel consulté octobre 1993 et Val de Fontenay).

  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Photos de Compiègne et carte lettre in Facebook © « Club Mémoires 52 », association de recherches historiques consacrées au département de la Haute-Marne, créée, en 1991, par Jean-Marie Chirol (1929-2002). Et les déportés Haut-Marnais, p.11.
  • Site Memorial Genweb, © Raymond Jacquot.
  • Registre matricule militaire Paris.

Notice biographique rédigée en novembre 2010, complétée en 2015, 2018, 2019 et 2023 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942«  Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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