Matricule « 45 389 » à Auschwitz

Jean Coltey, le 8 juillet 1942 à Auschwitz
Jean Coltey : né en 1906 à Auxon-les-Vesoul (Haute-Saône) ; domicilié à Langres (Haute-Marne) au moment de son arrestation ; typographe ; communiste ; arrêté comme otage communiste le 22 juin 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 18 septembre 1942

Jean Coltey est né le 7 février 1906 à Auxon-les-Vesoul (Haute-Saône).
Il habite 11, place de l’Hôtel de Ville à Langres (Haute-Marne) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie, Juliette, Valérie Rapin, 36 ans, couturière, et de François Coltey, 35 ans, garde particulier, domiciliés à Saramboz, commune d’Auxon.
Nous lui connaissons deux sœurs :  Gabrielle, née en 1898 à Noroy-le-Bourg (Haute-Saône) et Marie, née en 1903 à Neuvelle-lès-La-Charité (Haute-Saône).
En 1909, la famille à Breuches (70), où leur père est gardien à la filature de coton Augustin Bezançon. En 1911, ils habitent rue de la Filature.
En 1932, Jean Coltey habite Vesoul (Haute-Saône). Sportif, amateur de cyclisme, il est affilié au Vélo Club de Vesoul, et participe à des courses cyclistes – L’Est Républicain du 4 août 1932 annonce une course organisée le 6 août 1932 par le Vélo Club Spinalien (Epinal) à laquelle il participe avec le dossard n°20.
Le 29 avril 1933, à Saponcourt (Haute-Saône), il épouse Edmée, Emilienne Sidonie Henry. Elle est née le 29octobre 1902 à Saponcourt.
En 1936, le registre du recensemen,t indique que le couple a deux filles (Arlette, née en 1934 et Nadine en 1935, toutes deux à Langres).
Jean Coltey est typographe à Langres à la « Haute-Marne Nouvelle ».
Il est membre du Parti communisteappartient à une cellule communiste » mentionne la Liste d’arrestations, LA 2666).

Le 10 mai 1940, la Luftwaffe bombarde le terrain d’aviation de Saint-Dizier et la ville de Joinville. Le 13 juin 1940 la Wehrmacht occupe Saint-Dizier. Le 14 juin, les troupes allemandes défilent à Paris, sur les Champs-Élysées. Le 15 tout le département de la Haute-Marne est occupé.  Le 22 juin, l’armistice est signé : la France est coupée en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée de celle administrée par Vichy. La Haute-Marne est coupée en deux : l’est devient « zone interdite », destinée au repeuplement allemand comme le veulent les nazis, ou à la création d’un Pays Thiois ou Grande Flamande (comme le revendiquait le mouvement irrédentiste flamand), l’ouest se transforme en territoire de stationnement des troupes de la Wehrmacht. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

René Bousquet et à sa droite Carl Oberg, Gruppenführer, chef de la SS et de la Police pour la France

Le 28 août 1941 René Bousquet, Préfet de la Marne nommé par Pétain en 1940, est nommé Préfet régional de la région de Châlons-sur-Marne (Marne, Haute-Marne et Aube). Il donne des instructions très précises pour la surveillance des « menées communistes ». En septembre 1941, avec l’institution de la « politique des otages », les autorités allemandes se font remettre les notices individuelles des communistes arrêtés et incarcérés par la police française. On lira sur le net les articles consacrés à Bouquet par Jean-Pierre et Jocelyne Husson : « René Bousquet et la politique vichyste d’exclusion et de répression ». Lire dans le site : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942). 

Jean Coltey est arrêté le 22 juin 1941
par la police française et allemande, dans le cadre de la grande rafle commencée le 22 juin
, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique. Sous le nom « d’Aktion Theoderich », les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy (la prison de Chaumont pour la Haute-Marne), ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), le Frontstalag 122, administré par la Wehrmacht et qui ce jour là devient un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”.
A partir d’une date inconnue, il est hospitalisé au Val de Grâce et ce jusqu’au 3 juin 1942, puis est à nouveau transféré à Compiègne en vue de sa déportation comme otage.
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation :
La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Jean Coltey est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Jean Coltey est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45189 ».
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Jean Coltey meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942 d’après les registres du camp, dans les jours qui suivent une importante « sélection » des « inaptes au travail » destinés à être éliminés dans les chambres à gaz de Birkenau.
Jean Coltey a été déclaré « Mort pour la France ».
Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué en 1953.
Son nom est honoré sur le monument aux morts de Langres.

Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres
de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Death Books from AuschwitzSterbebücher von Auschwitz (registre des morts) : Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen  (1992).
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), « Liste communiquée par M. Van de Laar, mission néerlandaise de Recherche à Paris le 29.6.1948″, établie à partir des déclarations de décès du camp d’Auschwitz.
  • Blog du club Mémoires 52, association de recherches historiques consacrées au département de la Haute-Marne, créée, en 1991, par Jean-Marie Chirol (1929-2002).
  • Site internet Mémorial «GenWeb».
  • Recensement de Langres
  • Registre matricule militaire de son père.

Notice biographique rédigée en novembre 2010, complétée en 2015, 2018 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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