Matricule « 45 584 » à Auschwitz

Pierre Gazelot à Auschwitz
Pierre Gazelot jeune Photo famille, © Christiane Lesage
Pierre Gazelot : né en 1913 à Bar-le-Duc (Meuse) ; domicilié à Saint-Dizier (Haute-Marne) ; hospitalier ; communiste ; arrêté comme otage le 12 août 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt.

Pierre Gazelot est né le 30 août 1913 à Bar-le-Duc (Meuse). Il habite 26 petite route de Marnaval à Saint-Dizier (Haute-Marne) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Maria-Héléna Fridrich, 38 ans et de Jules Gazelot, 41 ans, son époux.
Il a une sœur et trois frères aînés : Marie-Louise (1898), Jean-Pierre (1903), Raymond (1907) et Marc (1911). Leur mère décédera en 1945.
Employé à l’hôpital psychiatrique de Saint Dizier, Pierre Gazelot est membre du Parti communiste.
Il est mobilisé à la déclaration de guerre.

Le 9 décembre 1939 à Saint-Dizier il épouse Andrée, Yvonne Renard
(1907-1958). Elle est née le 25 juillet 1907 à Saint-Dizier. Le couple a une fille, Christiane, qui naît le 30 septembre 1940.
Son frère Marc, mobilisé au 19è régiment d’artillerie, est tué le 14 mai 1940 à Soulme, (Belgique).

Le 10 mai 1940, la Luftwaffe bombarde le terrain d’aviation de Saint-Dizier et la ville de Joinville. Le 13 juin 1940 la Wehrmacht occupe Saint-Dizier. Le 14 juin, les troupes allemandes défilent à Paris, sur les Champs-Élysées. Le 15 tout le département de la Haute-Marne est occupé.  Le 22 juin, l’armistice est signé : la France est coupée en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée de celle administrée par Vichy. La Haute-Marne est coupée en deux : l’est devient « zone interdite », destinée au repeuplement allemand comme le veulent les nazis, ou à la création d’un Pays Thiois ou Grande Flamande (comme le revendiquait le mouvement irrédentiste flamand), l’ouest se transforme en territoire de stationnement des troupes de la Wehrmacht. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Le 28 août 1941 René Bousquet, Préfet de la Marne nommé par Pétain en 1940,  est nommé Préfet régional de la région de Châlons-sur-Marne (Marne, Haute-Marne et Aube). Il donne des instructions très précises pour la surveillance des « menées communistes ». En septembre 1941, avec l’institution de la « politique des otages », les autorités allemandes se font remettre les notices individuelles des communistes arrêtés et incarcérés par la police française. On lira sur le net les articles consacrés à Bouquet par Jean-Pierre et Jocelyne Husson : « René Bousquet et la politique vichyste d’exclusion et de répression ». Lire dans le site : Le rôle de René Bousquet dans la déportation des « 45 000 » de la MarneLire dans le site : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942).

Après sa démobilisation, Pierre Gazelot a repris des activités politiques clandestines.
Pierre Gazelot est arrêté à son domicile le 12 août 1941 en même temps qu’Henri Quéruel, Louis Petit et Georges Savary (1). Ils sont conduits à la Kommandantur de Saint-Dizier, avenue de la République pour interrogatoire.
Le jour suivant, ils sont incarcérés à la Maison d’arrêt de Chaumont. Ils sont 
remis ensuite aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstallag 122).
Il reçoit le numéro matricule « 1563 » à Compiègne.

Liste des jeunes communistes « déportables à l’Est ». Montage photo à partir des originaux © Pierre Cardon

Pierre Gazelot figure sur la liste de recensement des jeunes communistes du camp de Compiègne (nés entre 1912 et 1922), aptes à être déportés « à l’Est », (Kommunistischer Häftlinge des Interniertenlagers)  en application de l’avis du 14 décembre 1941
du commandant militaire en France, Otto von Stülpnagel (archives du CDJC IV-198).

Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation :
La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». 

Depuis le camp de Compiègne, Pierre Gazelot est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Immatriculation le 8 juillet 1942

A son arrivée à Auschwitz, il est immatriculé le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule  « 45 584 « . Ce numéro matricule dont j’avais reconstitué la probabilité à partir des 4 listes du convoi, n’était néanmoins pas certain et ne figurait pas dans non dernier ouvrage. Il a été authentifié par Madame Christiane Lesage, la fille de Pierre Gazelot dans un courrier à l’association « Mémoire Vive  » en 2013, qui a fourni des photos à l’association.
Cette photo d’immatriculation (2) à Auschwitz a été retrouvée parmi les 522 que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz. 
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession.
Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Aucun document des archives SS préservées de la destruction ne permet de connaître la date de décès de Pierre Gazelot à Auschwitz. Dans les années d’après-guerre, afin de donner accès aux titres et pensions aux familles des déportés, l’état civil français n’ayant pas eu accès dans les années d’après-guerre aux archives d’Auschwitz emportées par les armées soviétiques, a fixé celle-ci à une date fictive (le 1er, 15 ou 30 d’un mois estimé) sur la base du témoignage d’un de ses compagnons de déportation. Selon son acte de décès enregistré en Mairie et daté du 8 août 1946, il meurt à Auschwitz le 15 décembre 1942. Date fictive reprise par l’arrêté du 23 octobre 1992 paru au JO du 1er décembre 1992.
Une plaque commémorative en l’Hôtel de ville de St Dizier honore sa mémoire.

  • Note 1 : M. Georges Savary est interné à Compiègne, déporté à Sachsenhausen le 23 janvier 1943, il est libéré à Stettin le 23 mai 1945. En 1992 il est responsable de la FNDIRP de Saint-Dizier.
  • Note 2 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après-guerre directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Correspondances avec Jean-Marie Chirol, animateur du Club « Mémoires 52 » : communication de ses recherches aux archives départementales et auprès de l’état civil des mairies (1992-1994).
  • Blog du club « Mémoires 52″, association de recherches historiques consacrées au département de la Haute-Marne, créée, en 1991, par Jean-Marie Chirol (1929-2002).
  • Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
  • Bureau des archives des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel consulté en février et juillet 1992).
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par
    l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
  • Notice biographique : Mémoire Vive – Pierre GAZELOT – 45584 publiant les photos et témoignages communiqués par la fille de Pierre Gazelot, Madame Christiane Lesage.

Notice biographique rédigée en novembre 2010, complétée en 2015, 2018, 2021 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45 000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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