Matricule « 45 649 » à Auschwitz
Bernard Hacquin : né en 1905 à Longchamp-sur-Ayon (Aube) ; domicilié à Joinville (Haute-Marne) au moment de son arrestation ; forgeron ; arrêté comme otage communiste le 22 juin 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 6 août 1942
Bernard Hacquin est né le 14 août 1905 au Hameau des Forges Saint-Bernard dans la commune de Longchamp-sur-Ayon (Aube).
Bernard Hacquin habite rue du Grand-Pont à Joinville (Haute-Marne) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie, Eugénie Laroche, 25 ans, née à Saint-Dizier (Haute-Marne) et de Jules, Ferdinand Hacquin, 30 ans, né à Nogent-en-Bassigny (Haute-Marne), forgeron, son époux.
Il est né au sein d’une importante fratrie : Léon Georges Hacquin, né le 17 octobre 1900, décédé le 30 septembre 1918 à Doulaincourt ; Georgette, née en 1902 à Boulaincourt (Vosges) ; Léone, née en 1904 à Rimaucourt (Haute-Marne) ; Jeanne, née en 1909 ; René né en 1910 ; Suzanne, née en 1916.
En 1907, la famille habite à Doulaincourt (Haute-Marne) et en 1911, ils y sont domiciliés au quartier de la Forge.
En 1921, la famille habite rue Pougny à Doulaincourt. Bernard Hacquin y travaille comme forgeron à la forge anglaise « Ulmo fils et compagnie ». En 1931 son père, sa mère, Jeanne, René, Suzanne et Marcel habitent au 13 avenue de la gare à Doulaincourt.
Bernard Hacquin est marié avec Fernande Laroche, née en 1911 à Fronville (Haute-Marne).
Le couple a « 8 ou 9 enfants“ selon sa fiche au service historique de la défense de Caen, dont nous avons pu trouver les prénoms et années de naissance au recensement de 1936 à Suzannecourt (Haute-Marne) : Julienne (1929), Yvette (1930), Irène (1931) Elie (1932) Bernadette (1934) et Régine (1935) toutes à Suzannecourt (Cf. note 1), ainsi que Denis Hacquin né à Suzannecourt en 1937 et Yves Hacquin né à Joinville (Haute-Marne) en 1940 (ces deux derniers renseignements nous ont été communiqués par une de ses petites-filles, Isabelle en juin 2024).
En 1931, la famille habite au n° 34, rue de Thonance à Suzannecourt (Haute-Marne). en 1936, ils ont déménagé au n° 35, de la même rue. Sa sœur Germaine a épousé Jean Pollet et a également six enfants.
En 1936, sa mère a déménagé au 22, rue de la Gare avec Jeanne, René, Suzanne. Il y a également Marcel, né en 1936 (petit-fils de Suzanne Hacquin, peut-être le fils de Bernard).
Bernard Hacquin est mouleur à la fonderie Ferry-Capitain de Bussy Saint-Georges (commune de Vecqueville). Dans cette même usine travaillent également Louis Bedet, Georges Collin, Edmond Gentil et Louis Thiéry qui seront eux aussi arrêtés et déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.
Le 10 mai 1940, la Luftwaffe bombarde le terrain d’aviation de Saint-Dizier et la ville de Joinville. Le 13 juin 1940 la Wehrmacht occupe Saint-Dizier. Le 14 juin, les troupes allemandes défilent à Paris, sur les Champs-Élysées. Le 15 tout le département de la Haute-Marne est occupé. Le 22 juin, l’armistice est signé : la France est coupée en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée de celle administrée par Vichy. La Haute-Marne est coupée en deux : l’est devient « zone interdite », destinée au repeuplement allemand comme le veulent les nazis, ou à la création d’un Pays Thiois ou Grande Flamande (comme le revendiquait le mouvement irrédentiste flamand), l’ouest se transforme en territoire de stationnement des troupes de la Wehrmacht. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Après l’Armistice et l’Occupation allemande, René Bousquet, avait fait établir dès septembre 1940 en tant que Préfet de la Marne des listes de “communistes notoires” et effectuer des enquêtes dans les entreprises. Nommé par Vichy Préfet de Région (Marne, Haute-Marne et Aube) le 28 août 1941, il va continuer cette politique dans la Haute-Marne. Avec l’invasion de l’Union soviétique le 22 juin 1941, les autorités allemandes se sont fait remettre les notices individuelles des communistes connus, déjà arrêtés ou incarcérés par la police française. On lira sur le net les articles consacrés à Bouquet par Jean-Pierre et Jocelyne Husson : « René Bousquet et la politique vichyste d’exclusion et de répression ».
Le 10 septembre 1941, c’est le début de la « politique des otages ». Lire dans le site : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942).
Bernard Hacquin est arrêté le 22 juin 1941, dans le cadre de la grande rafle commencée ce jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique. Sous le nom de code « Aktion Theoderich », les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy (la prison de Chaumont pour la Haute-Marne), ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht et qui ce jour là devient un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”.
Interné à Compiègne Remis aux autorités allemandes à leur demande il est est interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) le 27 juin 1941. Il est affecté au camp BI.
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation :
La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Bernard Hacquin est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Bernard Hacquin est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45649 ».
Sa photo d’immatriculation (2) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Affecté à Birkenau, Bernard Hacquin meurt à Auschwitz-Birkenau le 9 août 1942 selon les registres du camp. Dans les années d’après-guerre, l’état civil français n’ayant pas eu accès aux archives d’Auschwitz emportées par les armées soviétiques (et désormais accessibles depuis 1995) a fixé celle-ci au 15 octobre 1942 sur la base du témoignage de deux de ses compagnons de déportation. Cette date inexacte, portée sur l’acte de décès du 10 août 1946 n’a pas été modifiée lors de l’apposition de la mention «Mort en déportation» sur son actes de décès (Journal Officiel du 04 janvier 1994). Il serait souhaitable que le ministère corrige ces dates fictives qui furent apposées dans les années d’après guerre sur les état civils, afin de donner accès aux titres et pensions aux familles des déportés. Cette démarche est rendue possible depuis la parution de l’ouvrage « Death Books from Auschwitz » publié par les historiens polonais du Musée d’Auschwitz en 1995. Lire dans le site l’article : Les dates de décès à Auschwitz.
Bernard Hacquin a été déclaré « Mort pour la France» le 20 juin 1947. Il est homologué « Déporté politique » en 1956. Son nom figure sur le monument destiné « aux enfants du canton de Joinville morts pour la Patrie ».
- Note 2 : Recherches communiquées par madame Michèle Huitol, que je remercie vivement, concernant les enfants de Bernard Hacquin, tous nés à Doulaincourt (Haute-Marne).
Georgette Marie Henriette Hacquin, née le 29 Mai 1902, p. 25, acte n° 13 ; Léonne Hacquin née le 16 Mars 1904, décédée le 16 octobre 1975 à Chaumont ; Germaine Léa Hacquin née le 14 Mars 1908, p. 5, n° 11, décédée le 11 février 1987 à Joinville, mariée à Doulaincourt le 20 octobre 1928 avec Jean Théophile Pollet, mentionné sur l’ acte de naissance ; Jeanne Georgette Hacquin née le 19 octobre 1909, p., acte n° 20, mariée à Doulaincourt le 15 mai 1937 avec Raymond Georges Carchon ; René Jules Hacquin né le 16 Décembre 1910, p., acte n° 24, décédé le 18 février 1983 à Chaumont, marié à Doulaincourt le 18 avril 1936, avec Germaine Marie Augustine Morteau, Pierre Jules Hacquin né le 28 Mars 1912, p. 110, acte n° 11 ; Louise Marie Hacquin née le 3 octobre 1913, p. 40, n° 20, décédée à Doulaincourt le 31 décembre 1980 ; Suzanne Marie Hacquin, née le 2 Janvier 1916, p. 34, n° 1, mariée à Doulaincourt le 3 Juillet 1937 avec André Eugène Brule. - Note 2 : 522 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (déporté affecté dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Extrait de naissance, mairie de Longchamp-sur-Ayon (mars 1992).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Bureau de la Division (ou Pôle) des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), SHD Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel consulté en octobre 1993).
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- Site internet « Mémorial Genweb ».
- Photos de Bernanrd Hacquin et Alfred Dufays, © Jean marie Chirol, Club mémoires 52.
Notice biographique rédigée en novembre 2010, complétée en 2015, 2018, 2021 et 2023 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
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