Matricule « 46 310 » à Auschwitz
Moses Sturm : né en 1899 en Roumanie ; domicilié à Anvers (Belgique) ; monteur électricien ; évadé du camp de Savigny (Haute-Savoie) ; arrêté dans un train le 18 mars 1942 ; interné comme otage juif à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 1er août 1942
Moses Sturm est né le 21 octobre 1899 à Storozynetz (Roumanie).
Il est naturalisé français (fiche au SHD Caen).
Il est domicilié à Anvers (Belgique).
Il est monteur électricien (peut-être dans le département de la Vienne, en zone occupée).
Il est enregistré comme otage Juif lors de son enregistrement dans les jours qui suivent son arrivée au camp d’Auschwitz).
Le 14 juin, les troupes allemandes défilent à Paris, sur les Champs-Élysées. Le 22 juin, l’armistice est signé : la France est coupée en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée de celle administrée par Vichy. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Moses Sturm a été précédemment interné au camp de Savigny (Haute-Savoie) après un parcours dont on ignore les étapes depuis l’invasion de la Belgique le 10 mai 1940 et les mesures antijuives prises à partir du mois d’octobre 1940 par l’administration militaire allemande pour la Belgique et les départements français du Nord et du Pas-de-Calais (MBB).
La loi du 27 septembre 1940, “Loi sur la situation des étrangers en surnombre dans l’économie nationale”, crée les “Groupes de travailleurs étrangers” ou GTE : “Art.1er Les étrangers de sexe masculin, âgés de plus de 18 ans et de moins de 55 pourront, aussi longtemps que les circonstances l’exigent, être rassemblés dans des groupements d’étrangers s’ils sont en surnombre dans l’économie nationale et si, ayant cherché refuge en France, ils se trouvent dans l’impossibilité de regagner leur pays d’origine.” Elle prévoit également de mettre les GTE à la disposition d’entreprises. L’objectif est de fournir de la main d’œuvre pour les travaux agricoles, forestiers et industriels. Le 514è GTE où sont internés Hartwig Goldschmidt et Moses Sturm, situé près du village d’Olliet, dans la commune de Savigny, comprenait 200 anciens combattants républicains espagnols en 1941, et environ autant de réfugiés juifs allemands, autrichiens et polonais en 1942 (in AJPN).
Moses Sturm s’évade du camp de Savigny et tente de regagner la Belgique en compagnie d’Hartwig Goldschmidt, hôtelier à Anvers. Mais, le 18 mars 1942, les deux hommes sont arrêtés dans le train Dijon-Lille à la suite d’un contrôle de la Feldgendarmerie de Joinville (Haute-Marne). Ils sont présentés au tribunal militaire allemand de Chaumont (Haute-Marne), le 19 mars 1942 puis transférés au camp de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122). Ils figurent sur la liste des otages Juifs du convoi du 6 juillet 1942.
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Moses Sturm est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 46 310 ». Comme pour les autres otages Juifs du convoi, sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal.
Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, dont tous les otages juifs, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Moses Sturm meurt à Auschwitz le 1er août 1942 selon les registres de l’état civil du camp d’Auschwitz.
Lire dans ce site : Les Juifs rapidement décimés après leur arrivée à Auschwitz.
« Les victimes les plus menacées par [les] actions criminelles [des SS et des Kapos] sont en premier lieu les Juifs. Sur les cinquante et un « 45 000 » morts au cours du premier mois (entre le 8 juillet et le 8 août), 21 étaient des Juifs. Le 18 août au matin, 40 jours après l’arrivée, 34 d’entre eux avaient perdu la vie (soit 68 % de leur nombre total) ; dans le même temps, cent quarante deux « 45 000 », appartenant aux autres catégories d’otages, avaient disparu, soit 13 % d’entre eux. La froide éloquence de ces statistiques est confirmée par les récits des «45 000» rescapés ». (in « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942″, pages 145-146).
Lire l’article : Les déportés juifs du convoi du 6 juillet 1942
Il est inscrit sur le « mur des Noms » au Mémorial de la Shoah, à Paris. Emplacement sur le mur des Noms : dalle n° 105, colonne n° 35, rangée n° 3.
Sources
- M. Lionel Gallois, directeur des archives départementales de Haute-Marne (lettre du 30 novembre 1992)
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier consulté en juin 1992).Liste LA. 9. 939.
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Division des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- Photo du Mémorial de la Shoah : in © Musée de Malines.
Notice biographique rédigée en novembre 2010, complétée en 2021 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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