Louis Thiéry © D.r.
Louis Thiery le 8 juillet 1942

Matricule « 46 141 à Auschwitz

Louis Thiéry : né en 1908 à à Noncourt-sur-le-Rongeant (Haute-Marne) ; domicilié à à Donjeux (Haute-Marne) au moment de son arrestation ; mouleur ; adhérent Cgt, communiste ; arrêté le 8 avril 1940 et interné à la citadelle de Besançon ; évadé le 3 octobre 1940 ; arrêté le 24 juin 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 18 septembre 1942

Louis Thiéry est né le 24 mai 1908 à Noncourt-sur-le-Rongeant (Haute-Marne).
Il habite à Donjeux (Haute-Marne) au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Henriette Ancina, 21 ans, et d’Isidore Thiéry, vigneron, 45 ans, son époux, domiciliés rue Basse à Noncourt. Il a quatre demi-sœurs et frère, issus d’un premier mariage (son père est veuf en 1901) Germaine, née le 13 janvier 1911, Marcel, né le 2 août 1913, Madeleine, née le 12 décembre 1917, et René, né le 5 octobre 1923, tous nés à Noncourt.
Louis Thiéry est mouleur à la fonderie Ferry-Capitain de Bussy Saint-Georges (commune de Vecqueville). Dans cette même usine travaillent également Louis Bedet, Georges Collin, Edmond Gentil et Bernard Hacquin, qui seront eux aussi arrêtés et déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942. 
Il se marie avec Élisabeth Haulet le 13 août 1932 à Donjeux.
Le couple a deux enfants (Josette, née le 22 juin 1933, et Max, né le 20 août 1938).
Adhérent à la CGT, il participe activement à la grève de 1938. Louis Thiéry est membre du Parti communiste, adhérent à la cellule de Joinville.
Le 8 avril 1940, il est arrêté sur son lieu de travail par la police française et transféré le 8 mai à la citadelle de Besançon (Doubs).

Le 10 mai 1940, la Luftwaffe bombarde le terrain d’aviation de Saint-Dizier et la ville de Joinville. Le 13 juin 1940 la Wehrmacht occupe Saint-Dizier. Le 14 juin, les troupes allemandes défilent à Paris, sur les Champs-Élysées. Le 15 tout le département de la Haute-Marne est occupé.  Le 22 juin, l’armistice est signé : la France est coupée en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée de celle administrée par Vichy. La Haute-Marne est coupée en deux : l’est devient « zone interdite », destinée au repeuplement allemand comme le veulent les nazis, ou à la création d’un Pays Thiois ou Grande Flamande (comme le revendiquait le mouvement irrédentiste flamand), l’ouest se transforme en territoire de stationnement des troupes de la Wehrmacht. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Le 3 octobre, Louis Thiéry s’évade et franchit la ligne de démarcation près de Dôle. Il reste deux jours à Lons-le-Saunier.
Dans la matinée du 10 octobre 1940, pour rejoindre son domicile à Donjeux, il traverse à pied un bras de Marne passant dans le village. Mais il est dénoncé et il est à nouveau arrêté le jour-même à son domicile par la police allemande.
Conduit à la Maison d’arrêt de Chaumont, Louis Thiéry est jugé vers le 18 novembre et condamné à deux mois de prison.

René Bousquet et à sa droite Carl Oberg, Gruppenführer, chef de la SS et de la Police pour la France

Le 28 août 1941 René Bousquet, Préfet de la Marne nommé par Pétain en 1940, est nommé Préfet régional de la région de Châlons-sur-Marne (Marne, Haute-Marne et Aube). Il donne des instructions très précises pour la surveillance des « menées communistes ». En septembre 1941, avec l’institution de la « politique des otages », les autorités allemandes se font remettre les notices individuelles des communistes arrêtés et incarcérés par la police française. On lira sur le net les articles consacrés à Bouquet par Jean-Pierre et Jocelyne Husson : « René Bousquet et la politique vichyste d’exclusion et de répression ».

C’est donc logiquement que Louis Thiéry est arrêté à nouveau le 24 juin 1941 (fichier national du DAVCC), par la police française, dans le cadre de la grande rafle commencée le jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique (22 juin) 1941. Sous le nom « d’Aktion Theodorich », les Allemands arrêtent ou font arrêter plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française.
D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht et qui ce jour là devient un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”, le Frontstalag 122.
A Compiègne il reçoit le matricule N° 635.
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Louis Thiéry est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Aushwitz-Birkenau.

Louis Thiéry est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 46141 » selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz a été retrouvée  
parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks. La photo d’immatriculation portant ce numéro a été identifiée en comparaison d’une photo de famille (association « Mémoire Vive »).

Louis Thiéry meurt à Auschwitz le 20 août 1942 d’après les registres du camp, Sterbebücher von Auschwitz (registre des morts). Cette date est reprise par son avis officiel de décès. Son nom est inscrit sur le monument au morts de Donjeux.

  • Note 1: 522 photos d’immatriculation des « 45000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres
    de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Max Thiéry, son fils, membre du bureau de la section de la Haute-Marne de l’Association des Orphelins de Déportés, Fusillés, Massacrés, victimes de la barbarie nazie : lettre et réponse à un questionnaire de l’Association « Mémoire Vive », 2-02-2008
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel consulté en 1992).
  • © « Club Mémoires 52 », association de recherches historiques consacrées au département de la Haute-Marne, créée, en 1991, par Jean-Marie Chirol (1929-2002). Les déportés Haut-Marnais.

Notice biographique rédigée en novembre 2010, complétée en 2015, 2018 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942«  Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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