Henri Berton : né en 1886 à Secondigny-en-Gâtine (Deux-Sèvres) ; domicilié à Chartres (Eure-et-Loir) ; boulanger, cheminot ; communiste ; arrêté le 26 janvier 1941 ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 28 septembre 1942.

Henri Berton est né le 20 juillet 1886 au bourg de Secondigny-en-Gâtine (Deux-Sèvres).
Il habite 13, rue du Frou à Chartres (Eure-et-Loir) au moment de son arrestation, ou 8, rue de la Grenouillère (1).
Il est le fils d’Irma, Sylvanie Bonneau, 40 ans, ménagère née en 1846 et de Jean, Auguste Berton, 39 ans, né en 1847, journalier, son époux. Son père décède l’année de sa naissance.
Henri Berton est boulanger au moment de son engagement dans la Marine. Conscrit de la classe 1906, il s’engage pour comme apprenti-marin pour cinq ans, le 17 août 1906 à la mairie de Rochefort (Charente-Inférieure/ Charente-Maritime).

Son registre matricule militaire nous apprend qu’il mesure 1m 61, a les cheveux châtain et les yeux gris, le nez moyen, le visage ovale. Il possède un niveau d’instruction n° 3 (possède une instruction primaire développée). Il est incorporé au 4è dépôt des équipages de la Flotte. Le 12 décembre 1906, il est nommé matelot de deuxième classe Boulanger-coq.
Le 17 août 1911, date de fin de son engagement, il passe d’office dans la Réserve de l’armée de Terre (certificat de « bonne conduite » refusé).
Il habite alors au 6, rue Thiers à Rochefort (6 septembre 1911).

Le 6 janvier 1912 à Rochefort, Henri Berton épouse Marie-Thérèse Mestier.
Fleuriste, née en 1889 à l’Ile d’Yeu, elle est veuve de Victor Lauvet.
Le couple Berton a une fille.

Henri Berton a été embauché aux Chemins de fer de l’Etat : il est de ce fait classé « affecté spécial » le 5 février 1914 au titre de la Réserve de l’armée de Terre.
Du 2 août 1914 au 1er septembre de la même année, il est « affecté spécial » aux chemins de fer de campagne. Pour la Marine, il est réserviste, mis à disposition de l’autorité militaire après la mobilisation générale. Il est affecté au 4è Dépôt des équipages de la flotte. Il arrive au corps le 19 septembre 1914 et y demeure jusqu’au 22 décembre 1914. Puis il est affecté au Dépôt des équipages à Paris du 23 décembre 1914 au 25 janvier 1916. Le 4 avril 1916, il est définitivement affecté aux chemins de fer de campagne (à
la 4è subdivision, en qualité d’homme d’équipe à Chartres). Il passe dans la Réserve au 3è Dépôt du 5 avril 1916 au 11 novembre 1918.
En 1926 et août 1927, ils habitent à Chartres au 4, rue des Grandes Filles Dieu. Son épouse travaille comme fleuriste chez Lefèvre.
Le registre matricule militaire d’Henri Berton indique qu’il est alors « conducteur » aux chemins de fer.
Cheminot « roulant », il est retraité de la SNCF. Après sa retraite, il est possible qu’Henri Berton ait travaillé en complément à la Compagnie des Eaux et de l’Ozone à Chartres au  5, rue Charles Coulomb.
Il est militant communiste.

Juin 1940 : la Wehrmacht défile à Bois

Les 14 et 15 juin de violents bombardements allemands ravagent Montrichard, Vendôme et Voves. A Chartres, le 17 juin 1940 au soir, les troupes françaises laissent la place à la Werhmacht qui occupent la ville. De violents combats ont lieu le long du Cher jusqu’à l’armistice. Le 25 juin la « ligne de démarcation » passe par la vallée du Cher.
Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Début janvier 1941, Henri Berton, met en place des groupes de deux militants pour distribuer des tracts communistes clandestins. La répartition se fait au café où Gérard Gillot prend ses repas, café tenu par Marguerite Maréchal (née en 1891 à Versailles) et ses deux filles, Renée (1917) et Jeanne (1933), au 10, rue des Grandes Filles Dieu.

Henri Berton est arrêté le 26 janvier 1941.  Pour relater les évènements qui conduisent à cette arrestation nous reprenons ci-après une partie de la notice du site « Mémoire Vive » rédigée à partir des recherches de madame Ginette Petiot et de l’ARMREL, « les sentinelles de la Mémoire », Association de Recherche pour la Mémoire de la Résistance en Eure-et-Loir.
« Sous l’occupation, il se rend chaque jour dans le café tenu par Marguerite Maréchal (49 ans, veuve) au 10, rue des Grandes-Filles-Dieu, afin d’aider la propriétaire « dans son commerce, à titre d’ami ». L’établissement est fréquenté par des ouvriers – notamment des électriciens – venus de la région parisienne travailler au camp d’aviation de Chartres-Champhol, base aérienne militaire réquisitionnée par l’armée de l’air allemande (Luftwaffe). Dans cette période, selon des procès verbaux de police ultérieurs, Henri Berton et Roger Rebière, 28 ans, un chauffagiste parisien en pension dans le café, préparent des tracts et journaux communistes, ainsi que des “papillons” rouges gommés (collants), au premier étage, dans la chambre de Marguerite Maréchal, laquelle est au courant de leur activité mais n’y participe pas. Henri Berton est mentionné comme faisant entrer des paquets de tracts. Mis sous enveloppe portant l’adresse d’un destinataire ou simplement pliés en deux, les imprimés sont ensuite remis à quatre équipes de deux hommes, auxquels Henri Berton indique un circuit des rues où les déposer. Avec l’aide d’un jeune membre de son groupe, c’est également lui qui écrit les adresses sur les enveloppes. Actif dans une des équipes de distribution, Gérard Gillot, effectue les tournées des 22, 23 et 24 janvier avec Roger Rebière (tracts sous enveloppes). Au cours du mois de janvier 1941, cette activité est connue du commissaire de police de la ville. Entre le 27 et le 30 janvier, il lance une série de mesures afin d’en trouver les responsables, interrogeant tous les communistes notoirement connus à Chartres et effectuant chez chacun d’eux une visite domiciliaire (perquisition). Apprenant que cette propagande pourrait venir du café Maréchal, il y procède « à une rafle » [sic] au cours de laquelle sont identifiées trente personnes. Il semble cependant que ce soit un habitant de la rue de Rechèvres, sorti de chez lui au moment d’une distribution de tracts, le 28 janvier vers 20 heures (la nuit étant tombée), qui fasse avancer l’enquête de manière décisive en désignant un jeune voisin qu’il a reconnu à la lueur de sa lampe électrique. Interrogé par la police, soumis à une pression certaine, impressionné ou rudoyé, ce garçon de 17 ans finit par dire ce qu’on lui demande, entraînant les aveux circonstanciés d’un autre. À partir du 30 janvier et pendant trois jours, de nombreux protagonistes de l’« Affaire Berton et tous autres » sont interrogés au commissariat et soumis à des confrontations. Les autres personnes mises en cause réfutent toute implication. Ainsi, Marguerite Maréchal « se refuse à faire toute déclaration et répond “C’est faux” invariablement à toutes les questions qui lui sont posées et même avant qu’on ne lui pose de question ». Finalement, les sept personnes identifiées du groupe sont mises à la disposition du Procureur de la République sous l’inculpation d’infraction au décret-loi du 26 septembre 1939. Le Tribunal correctionnel de Chartres condamne certains à des peines d’emprisonnement : six mois pour Henri Berton qui est écroué à la Maison d’arrêt de Chartres le 8 février.. Le 25 février, le café – alors tenu par une fille de Marguerite Maréchal – est fermé par arrêté préfectoral (…). Le 25 septembre suivant, en réponse à un courrier du ministère de l’Intérieur du gouvernement de collaboration datée du 24 juin « demandant quelles mesures avaient été prises dans le département contre les communistes français et étrangers par les autorités d’occupation », le commissaire spécial de Chartres transmet au préfet d’Eure-et-Loir « la liste complète des communistes arrêtés par les autorités allemandes » à cette date, soit trente-trois hommes, sur laquelle est inscrit Berton. Le 27 octobre, le préfet d’Eure-et-Loir précise au préfet délégué du ministère de l’Intérieur dans les territoires occupés que les six hommes inculpés dans l’affaire Berton sont les seules personnes de son département arrêtés par la police française pour activité communiste. Dans un brouillon de cette lettre, il est précisé que « ces individus ont été condamnés et ont purgé leur peine » ; mais la mention que « les éléments suspects au point de vue politique ou national ont été arrêtés préventivement par les soins des autorités d’occupation » est biffée ».  

Henri Berton est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (leFrontstalag122).
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Agé de presque 56 ans, Henri Berton est le plus âgé des internés du camp allemand de Royallieu qui sera déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45 000 ». 

Depuis le camp de Compiègne, Henri Berton est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

On ignore son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942. Le numéro «45 232 ?» figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai partiellement reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date

Dessin de Franz Reisz, 1946

Henri Berton meurt à Auschwitz le 28 septembre 1942 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz, Tome 2, page 82). Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
L’arrêté du 19 mars 2008 paru au Journal Officiel du 26 mars 2008 portant apposition de la mention «Mort en déportation» sur les actes et jugements déclaratifs de décès d’Henri Berton porte une date et un lieu erronés : décédé le 15 juillet à Auschwitz (Pologne). Il serait souhaitable que le Ministère prenne en compte, par un nouvel arrêté, la date portée sur son certificat de décès de l’état civil d’Auschwitz, accessible depuis 1995 et consultables sur le site internet du © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Lire dans le blog l’article expliquant les différences de dates entre celle inscrite dans les «Death books» et celle portée sur l’acte décès de l’état civil français) lire dans le site : Les dates de décès des « 45000 » à Auschwitz

Henri Berton est homologué au titre de la Résistance Intérieure Française (RIF, Front national) comme appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL). Cf. service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 54705.

  • Note 1 : On trouve ces deux adresses sur des listes différentes. Nous n’avons pu les vérifier avec les recensements de population. Le plus ancien consultable sur internet, celui de 1936, n’indique pas sa présence à l’une de ces deux adresses.

Sources

  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Livre Mémorial FMD Tome 1 page 407.
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946). 
  • Registre matricule militaire des Deux Sèvres.
  • Photo : la Wehrmacht défile à Blois © AD 28 /11F1 04210

Notice biographique rédigée en décembre 2010 (complétée en 2015, 2021 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45 000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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