Matricule « 45.667 » à Auschwitz Rescapé
Germain Houard : né en 1909 à Chartres (Eure-et-Loir), où il habite ; fondeur, chauffeur ; responsable communiste clandestin ; arrêté le 2 juillet 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, Sachsenhausen, Kochendorf, Dachau : décédé le 16 août 1965
Germain Houard est né le 5 mars 1909 au domicile de ses parents, 5, rue des rouliers à Chartres (Eure-et-Loir).
Il habite 3, rue de la Mairie à Chartres au moment de son arrestation.
Il est le fils de Germaine Désirée Pineau, 21 ans, sans profession et de Félix, René Houard, 39 ans, né le 14 septembre 1879 à Chartres, son époux. Son père est terrassier.
Il a trois frères : André, René né le 1er novembre 1904, et Marcel Félix, né le 4 juin 1907, et deux sœurs selon le DAVCC (« 2 frères et 2 sœurs »).
Il épouse Léone, Georgina, Églantine Lecoq le 6 août 1927 à Chartres. Il a 18 ans, elle en a 16.
Conscrit de la classe 1929, Germain Houard effectue son service militaire au 401ème régiment d’Artillerie.
Le jeune couple Houard a un garçon, Georges, qui naît le 29 juillet 1931 à Jouy, où Germain Houard
travaille comme ouvrier agricole. Le couple habite alors à Mainvilliers, faubourg de Chartres.
Pompier bénévole, il pratique la gymnastique à L’Avenir de la Beauce, club fondé en 1884 (le club est toujours en activité).
Germain Houard est embauché à la fonderie Tessier-Rose-Brault au 7, quai des Filles Dieu.
Chez « TBR », on fabrique des appareils de meunerie, huilerie, alimentation, turbines hydrauliques). Le couple habite rue de la Mairie à Chartres. Il y travaille en 1936.
Germain Houard est licencié pour avoir participé à une grève dans son entreprise.
Il est alors embauché comme chauffeur à la ville de Chartres.
Adhérent au Parti communiste et à la CGT, «Il aurait été secrétaire régional du Parti communiste en 1939» (le Maitron).
Militant communiste, il assure, avec Eugène Gilles, depuis septembre 1939 les liaisons entre l’Eure-et-Loir et le Comité central du PCF à Paris. Il sont chargés par le Comité central de la réorganisation du parti à la suite de sa dissolution. Nous ignorons s’il est mobilisé après la déclaration de guerre (comme affecté spécial, défense passive ou « aux armées).
Les 14 et 15 juin 1940 de violents bombardements allemands ravagent Montrichard, Vendôme et Voves. A Chartres, le 17 juin 1940 au soir, les troupes françaises laissent la place à la Werhmacht qui occupent la ville. De violents combats ont lieu le long du Cher jusqu’à l’armistice.
Le 25 juin la « ligne de démarcation » passe par la vallée du Cher.
Germain Houard est arrêté le 2 juillet 1941, pour « fait de résistance » selon son fils, à la même période qu’Eugène Gilles. Il est probable que son arrestation ait lieu dans le cadre de la grande rafle commencée le 22 juin, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique. Sous le nom « d’Aktion Theoderich », les Allemands arrêteront plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française (les préfectures ayant fourni les listes de communistes et syndicalistes à la demande des Allemands).
les deux militants sont remis aux autorités allemandes à leur demande.
Celles-ci les internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122), le 21 juillet 1941. Il y reçoit le matricule n°1358. Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Germain Houard est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante trois « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45667 ».
Sa photo d’immatriculation (1) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Entre le 14 août 1943 et le 12 décembre 1943, il est en quarantaine au Block 11, avec la quasi totalité des survivants français du convoi.
Lire l’article du site « les 45000 au block 11.
Le 29 août 1944, il est transféré avec 29 autres « 45000 » du camp d’Auschwitz à celui de Sachsenhausen.
Il y reçoit le matricule « 94259 ».
Lire dans le site , « les itinéraires suivis par les survivants ».
Germain Houard est à nouveau transféré à Kochendorf (kommando de Natzweiler-Struthof), situé sur le Neckar à 50 km de Stuttgart, (mines de sel et usines souterraines).
Il y arrive le 5 octobre 1944 avec Georges Gourdon, Henri Hannhart, Louis Jouvin, Lahoussine Ben Ali, Guy Lecrux, Gabriel Lejard, Maurice Martin (qui sera transféré à Innsbruck).
Il y reçoit le matricule « 33.713 ».
Fin mars 1945, sept « 45000 » sont évacués sur Dachau : à pied jusqu’à Augsburg, puis en train jusqu’à Dachau où ils arrivent le 8 avril 1945.
Germain Houard y reçoit le n° matricule « 140 715 ».
Métier inscrit sur la fiche verte de Dachau : autoschlosser (mécanicien), arrivée le 8 avril 1945.
Gabriel Lejard a raconté cette terrible marche entre Kochendorf et Augsburg.
« Avec Germain Houard (« le Germain« ), nous sommes à la fin de la colonne et devons enterrer les morts et mourants entassés dans une charrette ».
Partis à 1500, les déportés ne sont plus que 200 à l’arrivée à Dachau. Les sept « 45.000 » de la colonne ont survécu.
Concernant le camp de Kochendorf et la marche de la mort Kochendorf-Augburg, lire dans le site les souvenirs de Gabriel Lejard.
Récit : d’Auschwitz à Kochendorf et les marches de la mort de Kochendorf à Augsburg, puis Dachau
Le 29 avril 1945, les troupes américaines libèrent le camp, mais le rapatriement tarde à venir et Germain Houard s’évade du camp avec 5 de ses camarades : Lahoussine Ben Ali est mort et Guy Lecrux est resté à l’hôpital.
Le 15 mai, ils sont à Paris, ramenés par le train, « en wagons à bestiaux, comme on était venus« .
Le titre de « Déporté politique » a été attribué à Germain Houard. Il a reçu la médaille de la Déportation.
Après son retour à Chartres, il est élu président départemental de la FNDIRP.
Le couple tient un café.
En 1965, au retour d’un pèlerinage commémoratif à Auschwitz qui l’a bouleversé, il met fin à ses jours le 16 août 1965.
Léone Houard est décédée le 3 mai 1987 à Chartres (elle s’était remariée en 1969 avec André Houard, le frère aîné de Germain).
Georges Houard, qui avait répondu à mon questionnaire en 1989, est décédé à Coudray (28) le 10 mai 2017.
- Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Renseignements communiqués par M. Maurice Ollivier et Mme Martin Roussel (FNDIRP 28) en 1972.
- Archives en ligne d’Eure-et-Loir.
- Lettre de M. Georges Houard, son fils, le 11 août 1989.
- Témoignage et cassette de Gabriel Lejard.
- Lettre de Georges Gourdon à Roger Abada qui témoigne de sa présence à Kochendorf.
- Questionnaire rempli par Georges Houard (1989).
- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom. Tome 31, page 392.
- Documents recueillis par Georges Dudal, avec qui Georges Houard a été en contact après la Libération.
- Fonderies TRB © Centre France.
- Photo : la Wehrmacht défile à Blois © AD 28 /11F1 04210
- Fiches de Dachau : © International Center on Nazi Persecution, Bad Arolsen Deutschland.
Notice biographique rédigée en décembre 2010 (complétée en 2015 et 2021) par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com