Deux négatifs ont été superposés : il s’agit des visages d’Henri Aubry et d’Alexandre Antonini de Clichy (92).

Matricule « 45 183 » à Auschwitz

Henri Aubry : né en 1893 à Emerainville (Seine-et-Marne) ; domicilié à Croissy-Beaubourg (Seine-et-Marne) ; ouvrier chocolatier, imprimeur ; communiste ; arrêté le 19 octobre 1940 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 14 septembre 1942.

Henri Aubry est né le 9 juin 1893 à Emerainville (Seine-et-Marne). Il habite au 26, rue de Torcy à Croissy-Beaubourg (Seine-et-Marne) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Sophie, Louise Maison, 42 ans, sans profession et d’Albert Aubry, 49 ans, maçon, son époux.
Henri Aubry travaille comme manœuvre chocolatier à Croissy-Beaubourg (Seine-et-Marne) au moment de son incorporation sous les drapeaux en 1913.
Son registre matricule militaire nous apprend qu’il mesure 1m 68, a les cheveux châtain et les yeux gris, le nez cave.
Conscrit de la classe 1913, il est appelé au service militaire le 28 novembre 1913. Il est incorporé au 94è Régiment d’Infanterie.
Il est nommé caporal le 26 novembre 1914. Il est blessé par balle à la fesse droite le 2 mars 1915, devant La Harasée (Marne), lors de la Bataille de l’Argonne. Il est classé « service auxiliaire » par la commission de réforme de Coëtquidan en 1915, confirmé en 1916.
Il aura une pension militaire (de 365 F, arrêté ministériel 30 mai 1927, avec jouissance rétroactive au 15 décembre 1915). Il passe au 48è RI le 16 juillet 1916, puis au 129è le 17 janvier 1917 et au 66è le 1er mars de la même année. Il va successivement ensuite être affecté à deux Régiments territoriaux d’infanterie (46è en novembre 1917 et 36è en mai 1918).
Il est démobilisé le 28 mars 1919, « certificat de bonne conduite accordé. Se retire à Lagny ».
Après sa démobilisation, Henri Aubry est embauché à la Compagnie du Métropolitain, à Paris (du 18 mai 1919 au 1er avril 1920).
En juin 1919 il vient habiter au 5, boulevard Diderot à Paris 12ème. En janvier 1920 il a déménagé au 209, rue de Charenton à Paris 12è.

Le 22 juin 1920, Henri Aubry épouse Renée
, Denise, Constance Hue à Croissy-Beaubourg. Elle est née le 6 novembre 1898 dans cette commune. Le couple a trois enfants : Gisèle, Nicole née le 12 avril 1925, Paul, Georges né le 29 octobre 1926, et Denise, Léone née le 14 décembre 1929, tous à Croissy-Beaubourg.
Le 7 août 1920 le couple habite Lognes (Seine-et-Marne). En octobre 1923, ils sont revenus habiter Croissy-Beaubourg.
D’avril 1920  jusqu’au mois de mai 1931, il retrouve du travail comme ouvrier chocolatier à l’usine Meunier de Noisiel.
En 1931, Henri Aubry est embauché au titre des “emplois réservés” (invalides de guerre ou militaires de carrière retraités de l’armée) en tant qu’expéditionnaire à l’Imprimerie Nationale, 9, rue de la Convention à Paris 15è.
Henri Aubry est membre du Parti communiste. En 1936, il est responsable de la  diffusion de L’Humanité dans sa commune.
Lors du recensement de 1936 la famille habite 26, rue de Torcy à Croissy-Beaubourg (il est alors indiqué comme imprimeur).
Lors d’élections municipales complémentaires à Croissy-Beaubourg, Henri Aubry est présenté comme candidat par le Parti communiste.

Le 14 juin, les troupes allemandes sont à Meaux ; le 15 juin à Brie-Comte-Robert et à Melun. Le dimanche 16 juin 1940, des éléments motorisés de la Werhmacht franchissent la Seine à Valvins sur un pont de bateaux. Ils traversent Avon avant d’entrer dans Fontainebleau, précédant le gros des troupes. .Le 14 juin, l’armée allemande était entrée par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cessant d’être la capitale du pays et devenant le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne et les départements voisins les jours suivants.  Le 22 juin, l’armistice est signé.
Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Renée Aubry, son épouse, décède le 7 juillet 1941, après une longue maladie.

Henri Aubry est arrêté à son domicile par la police française et la Feldgendarmerie le 19 octobre 1941 à Croissy-Beaubourg. De nombreux élus ou militants communistes du département sont arrêtés les 19 et 20 octobre. 44 d’entre eux seront déportés à Auschwitz. Lire dans le site la rafle des communistes en Seine-et-Marne, octobre 1941.
Sa fiche individuelle au DAVCC porte la mention «activités communistes» comme cause de l’arrestation.

A la demande des autorités allemandes Henri Aubry est transféré au camp de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), le 19 octobre 1941.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Henri Aubry est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi.
Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45183 ». Sa photo d’immatriculation à Auschwitz a été retrouvée (malheureusement superposée avec celle d’un autre « 45000 ») parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Henri Aubry meurt à Auschwitz le 14 septembre 1942 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 35).
Sa fiche d’état civil établie en France à la Libération porte toujours la mention « décédé le 31 décembre 1942 à Auschwitz (Pologne).» Il serait souhaitable que le ministère corrige ces dates fictives qui furent apposées dans les années d’après guerre sur les état civils, afin de donner accès aux titres et pensions aux familles des déportés. Cette démarche est rendue possible depuis la parution de l’ouvrage « Death Books from Auschwitz » publié par les historiens polonais du Musée d’Auschwitz en 1995.
Lire dans le site
Les dates de décès à Auschwitz.

Il a été déclaré « Mort pour la France« .
Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué.
Son nom est inscrit sur le Mémorial de Croissy-Beaubourg.
Une rue de la ville porte son nom (
Allée Henri Aubry), le long de la Ferme du Pas de la Mule..

Ses enfants ont honoré la mémoire de leur père, sur la tombe de leur mère au cimetière municipal.
Paul Aubry y repose également.

Sources

  • La photo d’immatriculation n’est pas certaine : il s’agit d’un négatif superposé à celui d’un autre déporté
  • Registre matricule militaire, Etat civil © Archives en ligne de la Marne.
  • Bureau des archives des Victimes des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen (fiche individuelle consultée en juin 1992).
  • « La Résistance en Seine et Marne« , Claude Cherrier et René Roy, (Presses du Village).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Division des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Source photo du monument : Alain Senée, © Mémorial-GenWeb 2000-2011.
  • Recensement de 1936 de Croissy-Beaubourg.
  • Archives départementales de Seine-et-Marne, Dammarie-les-Lys, cabinet du préfet.

Notice biographique installée en novembre 2013, complétée en 2017 et 2022 par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) .  Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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