Matricule « 45 283 » à Auschwitz   

Rescapé

André Boulandet à Auschwitz le 8 juillet 1942
Fiche d’immatriculation à Mauthausen, 1945
André Boulandet : né en 1914 à Lognes (Seine-et-Marne) où il est domicilié ; chocolatier, ébéniste ; communiste ; arrêté comme otage le 19 octobre 1941; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, Mauthausen, Melk, Ebensee : rescapé, décédé le 7 février 1988 à Chelles (Seine-et-Marne).

André, Etienne Boulandet est né le 10 mars 1914 à Lognes (Seine-et-Marne) et il y habite au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Hortense Jeanguyot, 22 ans, née en 1892 et de Pierre Boulandet, 27 ans, né en 1887, domiciliés rue Bacot à Lognes.
Ses parents sont chocolatiers chez Moreuil.
Il est déclaré pupille de la Nation, le 17 août 1924. Il est issu d’une fratrie de 7 enfants (Armand, né en 1912, Denise, née en 1918, Jeanne née en 1920, Paul, né en 1922, Simone, née en 1926 et René, né en 1932).

L’école des métiers de Champagne sur Seine pour les pupilles de la nation

André Boulandet obtient le Certificat d’études primaires à Lognes, et de 1927 à 1929 devient élève en internat à l’Ecole des métiers La Fayette, de Champagne-sur-Seine, créée par l’œuvre des Pupilles de l’école publique du département de Seine-et-Marne et réservée aux Pupilles de la Nation.
Il y obtient un diplôme d’ébéniste ou de modeleur sur bois.
En 1926, il travaille comme chocolatier aux établissements Meunier de Noisiel, comme ses parents, et ses frères et sœurs en âge de travailler (registre du recensement).
En 1931, la famille Boulandet habite au n° 40 (pas de nom de rue).
André Boulandet travaille modeleur bois chez Bordes, et son frère Armand, est modeleur chez Dimes. Une autre famille Boulandet (Auguste, né en 1897) habite au n° 25.
Militant syndical, André Boulandet est membre du Parti communiste.
En 1936, la famille habite au n° 55. Son frère aîné Armand, modeleur comme lui, est au chômage.
André Boulandet n’est pas recensé à Lognes en 1936 (conscrit de la classe 1934, il est vraisemblablement au service militaire qui est repassé à deux ans en 1935).
Lors de la mobilisation générale, André Boulandet est mobilisé d’août 1939 à janvier 1940, puis il est “affecté spécial” en tant que « modeleur sur bois » à l’usine Borel à Laval (Mayenne), spécialisée dans l’équipement aéronautique et qui travaille pour l’armée de l’air (elle est créée en octobre 1938, la ville de Laval ayant été choisie pour implanter loin d’un front prévisible une industrie métallurgique axée sur la construction aéronautique).

Le 1er juin 1940 à Bussy-Saint-Georges (Seine-et-Marne), il épouse Andrée Suinot, née le 24 mars 1918 à Paris 17ème.
Elle est ouvrière à la chocolaterie Meunier. Le couple a un enfant, Jean-Pierre, qui naît le 22 juillet 1941.

Le 14 juin 1940, les troupes allemandes sont à Meaux ; le 15 juin à Brie-Comte-Robert et à Melun. Le dimanche 16 juin 1940, des éléments motorisés de la Werhmacht franchissent la Seine à Valvins sur un pont de bateaux. Ils traversent Avon avant d’entrer dans Fontainebleau, précédant le gros des troupes. Le 14 juin, l’armée allemande était entrée par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cessant d’être la capitale du pays et devenant le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne et les départements voisins les jours suivants.  Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Au début de l’Occupation, le nom d’André Boulandet figure sur une liste d’otages préparée le 25 août 1941 (In document XLIV- 59-60, Saint Germain, 24 décembre 1941), avec la mention : « ouvrier d’usine, fonctionnaire communiste » (dans le cadre de la politique des otages, ce terme est fréquemment utilisé comme « motif » d’arrestation par l’occupant, sans qu’il corresponde à une quelconque réalité salariale : les « permanents » (salariés) du Parti communiste étaient fort peu nombreux avant guerre. Pour les nazis, « fonctionnaire communiste » équivaut donc à « responsable » dans l’organigramme du Parti…).

Des Feldgendarmes venus de Meaux arrêtent André Boulandet à son domicile le 19 octobre 1941, comme otage. De nombreux élus ou militants communistes du département sont arrêtés les 19 et 20 octobre. Parmi eux, 42 seront déportés à Auschwitz.
Lire dans le site : la rafle des communistes en Seine-et-Marne, octobre 1941.

André Boulandet et ses camarades de Seine-et-Marne sont transférés par cars au camp de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), les 19 et 20 octobre 1941. Il figure au numéro N° 1810 sur la liste de recensement (décembre 1941) des communistes du camp de Compiègne nés entre 1912 et 1922 «aptes à être déportés à l’Est», en application de l’avis du 14 décembre 1941 du commandant militaire en France, Otto von Stülpnagel (archives du CDJC IV 198).
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. <

Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, André Boulandet est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau

Il est immatriculé le 8 juillet 1942

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45 283 ». Son matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard. Sa photo d’immatriculation (1) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

A Auschwitz I, compte tenu de son métier initial, il est affecté au Block 22.
Entre le 14 août 1943 et le 12 décembre 1943, il est en quarantaine au Block 11 avec la quasi totalité des français survivants.
Lire l’article du site « les 45000 au block 11.

Dès 1944, devant l'avancée des armées soviétiques, les SS commencent à ramener vers le centre de l’Allemagne les déportés des camps à l’Est du Reich, dont Auschwitz. Les premiers transferts de "45.000" ont lieu en février 1944 et ne concernent que six d’entre eux. Quatre-vingt-neuf autres "45 000" sont transférés au cours de l'été 1944, dans trois camps situés plus à l'Ouest - Flossenbürg, Sachsenhausen, Gross-Rosen - en trois groupes, composés initialement de trente "45 000" sur la base de leurs numéros matricules à Auschwitz.  Une trentaine de "45 000" restent à Auschwitz jusqu'en janvier 1945.  Lire dans le site : "les itinéraires suivis par les survivants".

Il se trouve avec 19 autres « 45 000 » dans le dernier groupe qui est dirigé sur Mauthausen le 18 janvier 1945. Ils y arrivent le 25 janvier : André Boulandet reçoit le matricule 118 607.
Une partie d’entre eux sont rapidement transférés dans des kommandos extérieurs de Mauthausen : Le 28 ou 29 janvier 1945, treize « 45 000 » sont affectés à Melk (usines souterraines) dont André Boulandet. Puis, le 15 ou 17 avril 1945, ils sont évacués à pied sur Ebensee (aménagement d’usines souterraines, province de Salzbourg en Autriche) où ils seront libérés le 6 mai 1945.
Lire dans le site, « les itinéraires suivis par les survivants ».

Il est rapatrié le même mois, via l’Hôtel Lutétia.

Lettre pour Raymond Boudou

Le titre de « déporté politique » lui a été attribué en 1953. André Boulandet a témoigné de la présence à Auschwitz de plusieurs de ses camarades, dans le cadre de l’établissement de leurs dossiers administratifs.
Ci contre le témoignage pour Raymond Boudou pour lequel il souligne la « tenue irréprochable » le 1er septembre 1947.

André Boulandet est mort le 7 février 1988 à Chelles (Seine-et-Marne).
Sa veuve est décédée le 30 janvier 2016 à Saint-Georges d’Oléron (Loire-Atlantique).

  • Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Questionnaire biographique (contribution à l’histoire de la déportation du convoi du 6 juillet 1942), envoyé aux mairies, associations et familles au début de mes recherches, en 1987, rempli par André Boulandet, le 12 octobre 1987.
  • Site Internet mémorial « GenWeb ».
  • Fiche d’otages du 25 août 1941.
  • Archives départementales de Seine-et-Marne, Dammarie-les-Lys, cabinet du préfet.
  • ACVG : novembre 1993
  • Lettre d’André Montagne à André Boulandet (9 décembre 1983).
  • Etat civil de la mairie de Lognes (10 mars 1994).

Notice biographique installée en 2011, complétée en 2017 et 2022 par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) .  Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *