Fernand Bouyssou : né en 1902 à Châteaudun (Eure-et-Loir) ; domicilié à Quessy-Centre (Aisne) ; ouvrier du bâtiment ; communiste ; arrêté le 1er mai 1942 ; prison d’Amiens, interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 4 novembre 1942.
Fernand Bouyssou est né le mercredi 19 février 1902 à Châteaudun (Eure-et-Loir). Il habite à Quessy-Centre (Aisne / aujourd’hui commune de Tergnier) au 7, rue Pierre-Curieau moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie, Emilienne Langot, 28 ans, couturière, née le 8 avril 1873 à Chartres (Eure-et-Loir) et de Léonard Bouyssou, 30 ans, typographe, né le 22 avril 1871. Ses parents se sont mariés à Brive-la-Gaillarde (Corrèze) le 20 mars 1896. Le mariage légitime Emile Bouyssou, né le 15 janvier 1896 à Brive, son frère aîné.
Leur père, qui a abandonné le domicile familial (il est condamné à 3 mois de prison pour délaissement d’enfants), meurt en 1904 à Etampes. Fernand Boussou sera ouvrier agricole, puis ouvrier du bâtiment.
Il est d’abord ouvrier agricole, domicilié à Billancelles (Eure-et-Loir).
Fernand Bouyssou épouse Jeanne Chaboche le 3 mars 1923 à Saint-Arnoult-les-Bois (Eure-et-Loir). Née le 17 septembre 1905 à Digny (Eure-et-Loir), domestique, elle habitait alors Besnez, commune de Saint-Arnoult (elle est décédée le 6 janvier 1983, à La Fère / Aisne). Le couple a quatre enfants (Yvonne, née le 25 mars 1925, Marcel, né le 15 mai 1927, tous deux à Billancelles, Jeannine, né le 22 novembre 1928, et Gérard, né le 15 novembre 1935, tous deux à Quessy).
Fernand Bouyssou est membre du Parti communiste.
Dès le 14 mai 1940, de Montcornet à Hirson, de Crécy-sur-Serre à Wassigny, les chars allemands bousculent tout sur leur chemin, non sans combats héroïques d’unités françaises, avant de toucher le Vermandois, le Chaunois, les confins du Laonnois et du Soissonnais puis le Sud du département jusqu’au 13 juin. Dès le 15 mai, 150.000 belges et axonais se sont réfugiés en Mayenne. Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes défilent sur
les Champs-Élysées. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ».
«En septembre 1940, trois anciens militants communistes de Tergnier Paul Caille, Marcel Gouillard et Anselme Arsa (cheminot communiste, lieutenant-colonel FFI à la Libération) réorganisent le parti communiste clandestin en créant un triangle de direction. « Une grande part de l’activité déployée était dévolue à la diffusion de propagande communiste. En décembre, Anselme Arsa et Fernand Bouyssou, recrutèrent Roger Debarre – qui n’est pas communiste – afin que celui-ci constitue des groupes de jeunes à Quessy-centre et, plus largement, dans le secteur de Tergnier. Tergnier se trouvait alors à proximité de la limite entre la zone occupée et la zone interdite, rattachée par l’administration allemande au commandement militaire de Bruxelles. En raison de son nœud ferroviaire, la ville était ainsi un point de passage obligé pour un certain nombre de prisonniers de guerre français évadés, de réfugiés et de jeunes voulant rejoindre le général de Gaulle. Une des tâches des premiers résistants du secteur fut de créer des filières pour les aider à franchir la frontière, puis à s’en éloigner. Les cheminots étaient au cœur de ce dispositif ». Le Maitron, Frédéric Stévenot, notice de Fernand Bouyssou.
Dès septembre 1940, Roger Debarre sympathisant communiste – crée un groupe de jeunes, composé de jeunes communistes et de sympathisants, groupe qui sera apparenté au Front national « avec l’objectif surtout d’aider au passage de réfugiés du Nord de la France (aqueduc du canal de St Quentin), d’aider les jeunes à partir vers l’armée du Général De Gaulle ou à passer en zone libre –sabotage des lignes électriques et des voies de chemin de fer – distributions de tracts appelant les Français à résister à l’occupant, étude et construction d’un poste émetteur ». Témoignage de Roger Debarre dans la notice biographique de ce site).
La nuit qui précède le 1er mai 1942, le groupe opère différentes actions de propagande à Quessy-centre : inscriptions sur la route, oriflammes accrochés dans les fils électriques, distribution de tracts. « Peu avant le 1er mai 1942, le groupe ternois, alors dirigé par Anselme Arsa, décida d’organiser une journée d’action en pavoisant les rues avec des oriflammes accrochés dans les lignes téléphoniques. Fernand Bouyssou commandait un groupe de trois jeunes impliqué dans cette action. Dans la nuit du 30 avril au 1er
mai, cependant, la brigade de gendarmerie fut « alertée sur une distribution de tracts ». Une patrouille surprit Charles Lépine et Jean
Toussaint, « porteurs de banderoles rouges ornées de la faucille et du marteau [ainsi que] de pots de peinture rouge. Les gendarmes récupèrent des tracts sur la voie publique et sept banderoles à Quessy et Fargniers. Une perquisition eut lieu chez Toussaint… »Le Maitron.
Fernand Bouyssou est arrêté le 1ermai 1942, à Quessy-Centre, par la gendarmerie française (le même jour que Roger Debarre («46231», rescapé du convoi et Jean Toussaint). « Ainsi qu’en rendit compte le commissaire de police de la ville, l’effort de propagande ne resta pas sans effet, lors de ce même 1er mai : « Soirée animations inaccoutumées à Tergnier : vers 18 heures, de nombreuses personnes sont passées devant la mairie […] répondant ainsi à l’initiative de la radio anglaise et de tracts : 800 personnes en une heure de temps. Une délégation d’employés SNCF est reçue en mairie. À 18 h 30, un rassemblement d’une trentaine d’hommes est dispersé place de la mairie ». Le Maitron.
Le 2 mai, Charles Lépine, Jean Toussaint, Fernand Bouyssou et Roger Debarre sont transférés à la prison d’Amiens. Le 6 mai, la
cour spéciale de la ville condamne Fernand Bouyssou à trois ans d’emprisonnement et à 1200 francs d’amende, Roger Debarre, Charles Lépine et Jean Toussaint à un an d’emprisonnement et à 1200 francs d’amende chacun.
Le 21 mai, remis aux autorités d’occupation à leur demande, Fernand Bouyssou est transféré au quartier allemand de la prison, puis il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), le 22 mai 1942, en vue de sa déportation comme otage.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Fernand Bouyssou est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation à Auschwitz n’est pas connu. Le numéro «46222 ? ?» figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai partiellement reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz. De plus, la photo du déporté portant ce numéro matricule prise à Auschwitz lors de la séance d’immatriculation le 8 juillet 1942, n’a pas été retrouvée, aucune comparaison avec sa photo d’avant-guerre n’est possible.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.
Fernand Bouyssou meurt à Auschwitz le 4 novembre 1942 (date inscrite dans les registres du camp et transcrite à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz ; in Death Books from Auschwitz, Tome 2, page 124). Roger Debarre a raconté la mort d’un autre déporté de Ternier (cassette audio 4 février 1972) : «Toussaint, au Kommando « Kanal », a la jambe cassée en plusieurs endroits par la chute d’un drain. On ne l’avait pas soigné avant le retour du Kommando au camp. A l’infirmerie, il était resté quelques jours sans soins. D’où infection et gangrène. Son état ne cesse d’empirer». Roger Debarre le voit partir «en camion, en chemin pour Birkenau. Ce départ équivalait à la mort». « Ses derniers mots que j’ai pu entendre «Vive la France. Au revoir les copains. Courage« .
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
Sa fiche d’état civil établie en France à la Libération porte toujours la mention «décédé au début de l’année 1943 à Auschwitz (Pologne)». Il est regrettable que le ministère n’ait pas corrigé cette date, à l’occasion de l’inscription de la mention « mort en déportation » sur son acte de décès (Journal officiel du 1 janvier 2006), ceci étant rendu possible depuis la parution de l’ouvrage publié par les historiens polonais du Musée d’Auschwitz en 1995.
Lire dans le site : Les dates de décès à Auschwitz.
Une rue Fernand Bouyssou honorant sa mémoire à Quessy-Tergnier (ancienne rue Paul Doumer où se situe le monument aux morts de la commune) a été inaugurée le 26 avril 1972 (en même temps que la place et les rues portant les noms de Paul Caille, Gaston Millet (1901-1944, déporté à Neungamme, mort à Braunschweig) et Paul Doloy (né en 1891, déporté à Dachau, rescapé en 1945) par le président de la FNDIRP de Tergnier-la Fère, Roger Debarre).
Fernand Bouyssou a été déclaré «Mort pour la France». Le titre de « Déporté Politique » lui a été attribué en 1954. Son nom figure sur le monument aux morts de Ternier.
Fernand Bouyssou est homologué comme Résistant (au titre de la Résistance intérieure française, RIF) et comme Déporté Résistant (DIR), comme appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL). Cf. Service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 85867.
Son nom a également été honoré lors de l’exposition et conférence à la galerie Gilbert Ardoin à Hirson, en mars 2015, à l’initiative de Michel Briset, de l’Institut CGT d’histoire sociale de l’Aisne et de l’Association « Mémoire vive » des « 31000 » et « 45000 », à la mémoire des dix-neuf Axonais, tous déportés à Auschwitz-Birkenau. En présence de Fernand Devaux, rescapé (photo © blog de
M. Jean-Jacques Thomas, maire de Hirson).
Sources
- Témoignages de Roger Debarre (cassette audio 1987 et questionnaire du 11 novembre 1987).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (fiche individuelle consultée en octobre 1993).
- « L’Aisne Nouvelle » d’avril 1972 (coupures de presse communiquées par Roger Debarre).
- Archives départementales de l’Aisne ; dossiers du commissariat régional aux Renseignements généraux, surveillance des communistes (SC11276).
- © Site Internet Mémorial-GenWeb
- © Site www.mortsdanslescamps.com
- © Photos de Fernand Bouyssou, in Le Maitron, Mémorial Gen-Web (licence CC BY-NC-SA 2.0.) et « Mémoire Vive »
n° 55 de mai 2014 page 15, lettre de l’association des « 45000 » et des « 31000 » d’Auschwitz-Birkenau.
Notice biographique rédigée en janvier 2011, complétée en 2019, 2020 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de « Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 »« , éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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