Paul Caille : né en 1895 à Flavy-le-Martel (Aisne) ; domicilié à Quessy-centre (Aisne) ; cheminot ; dirigeant Cgt, membre du bureau régional du PC ; arrêté le 30 mars 1941 ; interné à Chateaubriant, Voves, Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 17 septembre 1942.
Paul Caille est né le 4 octobre 1895 à Flavy-le-Martel (Aisne), canton de Saint Simon. Il habite au 81, rue Pasteur à Quessy-centre (Aisne) au moment de son arrestation. Il est le fils de Joséphine Floquet, couturière et de Julien Caille, employé aux Chemins de fer, son époux.
Le 27 juin 1909, Paul Caille est embauché comme apprenti ouvrier menuisier aux ateliers de la Compagnie des chemins de fer du Nord. Conscrit de la classe 1925, il aurait dû être mobilisé par anticipation le 15 décembre 1914. Mais Flavy-le-Châtel est occupé par les Allemands dès le 26 août 1914. C’est pourquoi son registre matricule militaire porte la mention « non recensé en temps utile par cas de force majeure. Pris bon service armé par la commission de réforme de Beauvais. Recensé tardivement, n’a pu être appelé à l’activité, sa classe étant démobilisée ». Il est donc affecté dans le cadre de la Réserve (1) au 45è régiment d’infanterie (14/10/1919).
Il se marie à Flavy-le-Martel le 21 juin 1919 avec Juliette Ravissot. Le couple a trois enfants (âgés de 13, 19, 20 ans au moment de son arrestation : Paulette, l’aînée, est née le 17 avril 1920, vit toujours à Palaiseau, Marcel, né en novembre 1922 (1) vivait à sa retraite à Vaires-sur-Marne et Simone, née le 31 janvier 1927. Information Michel Specht, décembre 2017).
Le 13 mai 1920 Paul Caille et son épouse habitent à la Cité nouvelle à Tergnier.
Il a repris son travail aux Chemins de fer du Nord à Ternier. Pour la Réserve militaire il est classé « Affecté spécial » le 14 février 1920 à la 5è section des chemins de fer de campagne, (affectation confirmée en 1936).
Le premier octobre 1923, il est rattaché à la classe 1911, étant père de 2 enfants (article 58 de la loi de recrutement militaire).
Paul Caille est ouvrier à l’atelier des voitures et des wagons de Ternier.
Issu d’une famille ouvrière, Paul Caille est selon une longue notice du Dictionnaire du mouvement ouvrier (Le Maitron) : «Entré à la Compagnie des chemins de fer du Nord au lendemain de la Première Guerre mondiale, comme menuisier à Tergnier (Aisne). Paul Caille se syndiqua à la CGT en 1919. Il adhéra au Parti communiste français à la mort de Lénine en 1924 dans la promotion qui porte le nom de ce dernier. Après la première scission syndicale il devint un militant actif de la CGTU et fut un ardent défenseur de ses camarades cheminots dans le centre ferroviaire de Tergnier dans l’Aisne (trois mille cheminots). Délégué du personnel auprès du directeur du réseau ferroviaire Nord, il fut également secrétaire général du syndicat des cheminots, secrétaire de l’Union locale CGT de la région de Tergnier et délégué au VIIIe congrès national de la CGTU à Issy les Moulineaux (24-27 septembre 1935), puis au congrès de la CGT réunifiée tenu à Toulouse en mars 1936 et à Nantes (14-17 novembre 1938). Membre du bureau régional du PCF de Picardie jusqu’à la dissolution du PCF en 1939, il fut candidat au conseil général en octobre 1937 dans le canton de la Fère (Aisne). Caille recueillit 1377 voix sur 7438 inscrits et se désista en faveur du représentant du Parti socialiste SFIO qui fut élu».
Dès le 14 mai 1940, de Montcornet à Hirson, de Crécy-sur-Serre à Wassigny, les chars allemands bousculent tout sur leur chemin, non sans combats héroïques d’unités françaises, avant de toucher le Vermandois, le Chaunois, les confins du Laonnois et du Soissonnais puis le Sud du département jusqu’au 13 juin.
En septembre 1940, trois anciens militants communistes de Tergnier Paul Caille, Marcel Gouillard et Anselme Arsa (cheminot communiste, lieutenant-colonel FFI à la Libération) réorganisent le parti communiste clandestin en créant un triangle de direction. « Une grande part de l’activité déployée était dévolue à la diffusion de propagande communiste. En décembre, Anselme Arsa et Fernand Bouyssou, recrutèrent Roger Debarre – qui n’est pas communiste – afin que celui-ci constitue des groupes de jeunes à Quessy-centre et, plus largement, dans le secteur de Tergnier. Tergnier se trouvait alors à proximité de la limite entre la zone occupée et la zone interdite, rattachée par l’administration allemande au commandement militaire de Bruxelles. En raison de son nœud ferroviaire, la ville était ainsi un point de passage obligé pour un certain nombre de prisonniers de guerre français évadés, de réfugiés et de jeunes voulant rejoindre le général de Gaulle. Une des tâches des premiers résistants du secteur fut de créer des filières pour les aider à franchir la frontière, puis à s’en éloigner. Les cheminots étaient au cœur de ce dispositif ». Le Maitron, Frédéric Stévenot, notice de Fernand Bouyssou.
Roger Debarre écrit, concernant ce groupe composé de jeunes communistes et de sympathisants, groupe qui sera apparenté au Front national «avec l’objectif surtout d’aider au passage de réfugiés du Nord de la France (aqueduc du canal de St Quentin), d’aider les jeunes à partir vers l’armée du Général De Gaulle ou à passer en zone libre – sabotage des lignes électriques et des voies de chemin de fer – distributions de tracts appelant les Français à résister à l’occupant, étude et construction d’un poste émetteur ».
La nuit qui précède le 1er mai 1942, le groupe opère différentes actions de Propagande à Quessy-centre : inscriptions sur la route pour la Résistance, oriflammes accrochés dans les fils électriques, distribution de tracts.
Dès août 1940 «il organisa l’action clandestine parmi les cheminots et dans toute la région de Tergnier. Le gouvernement de Vichy le licencia de la SNCF le 14 novembre 1940 pour avoir refusé de renier son Parti. Contraint de travailler dans une scierie où il fut victime d’un accident qui nécessita l’amputation de plusieurs doigts, subissant perquisition sur perquisition de la part des nazis, il fut arrêté le 30 mars 1941 avec son camarade Marcel Goulliard, par la gendarmerie française ». Le Maitron.
Arrêté le 30 mars 1941 sur ordre de la préfecture de l’Aisne (daté du 28 mars 1941), Paul Caille est interné au camp de Choisel- Châteaubriant de mars 1941 au 7 mai 1942. Il y reçoit le matricule 395. Son camarade Marcel Gouillard porte le n° 396. Il est affecté au bâtiment 22.
Depuis le camp, il écrit à son frère Abel (carte lettre ci-contre). Il y commente les nouvelles qu’il a reçues de sa famille dans une lettre du 11 mars. « j’ai été content d’apprendre aussi que c’est au mois de mai que Mireille (3) devrait être maman et qu’elle allait bien, car vraiment être dans une telle position par ces temps de dures restrictions ce n’est pas très gai ».
Il donne également des informations sur la vie dans le camp de Choisel-Châteaubriant « Ici la discipline ne se desserre pas, bien au contraire, elle est de plus en plus dure. La nourriture est toujours aussi mauvaise, rutabagas, navets et… de l’eau ».
Le 7 mai 1942 il est transféré au camp de Voves (4) où il reçoit le numéro 649.
Lire dans le site : Le camp de Voves.
Le 2 juin, à la demande de la Feldkommandantur d’Orléans – après intervention de celle de Laon, il est transféré à la prison de Chartres avec Edouard Bonnet et Marcel Gouillard, cheminot comme lui.
Son nom figure sur une liste de communistes susceptibles d’être choisis comme otages, avec la mention « responsable communiste » et «Chateaubriant». Cette liste KF 602 qui émane de la préfecture de l’Aisne est transmise aux autorités allemandes le 19 mars 1942 (in document du CDJC – XLIV- 2).
Le 3 juin 1942, Paul Caille est interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), en vue de sa déportation comme otage. Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Paul Caille est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation à Auschwitz n’est pas connu.
Le numéro «46226 ??» figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai partiellement reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.
De plus, la photo du déporté portant ce numéro matricule prise à Auschwitz lors de la séance d’immatriculation le 8 juillet 1942, n’a pas été retrouvée, aucune comparaison avec sa photo d’avant-guerre n’est possible.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date
Paul Caille meurt à Auschwitz le 17 septembre 1942 (date inscrite sur son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz; in Death Books from Auschwitz, Tome 2, page 157).
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
Lire dans le site Les dates de décès à Auschwitz
Paul Caille est homologué comme lieutenant dans les cadres de l’armée au titre des FFI. Ila été déclaré « Mort pour la France« . Le titre de « déporté politique » lui a été attribué le 25 janvier 1954.
Une plaque rappelle son souvenir à son domicile, et à son lieu de naissance. Une place de Quessy-Centre porte son nom (ancienne Place de la Mairie).
Son nom a été donné à une rue de son lieu de naissance, Flavy-le-Martel, et à une mairie annexe de Tergnier (délibération du conseil municipal du 17/11/1971).
Son nom figure également sur deux plaques commémoratives aux ateliers SNCF.
Lors de l’inauguration (le 26 avril 1972) de la stèle de la Résistance et de la Déportation et des rues portant les noms de Paul Caille, Fernand Bouyssou, Gaston Millet et Paul Doloy, puis du monument de la Résistance et de la Déportation, le président de la FNDIRP de Tergnier-la Fère, Roger Debarre, rescapé du convoi du 6 juillet 1942, a rappelé que Paul Caille « a toujours fait preuve d’un courage dynamique, et d’une ardeur patriotique que les épreuves n’ont pas réussi à entamer« .
Son fils aîné, Marcel Caille, a fait partie dès septembre 1940 d’un groupe de jeunes résistants. Cheminot, syndicaliste, il sera élu en 1954 au bureau confédéral de la CGT jusqu’en 1978, et membre du Comité central du PCF jusqu’en 1964.
Le 27 avril 2021, une plaque est inaugurée à Tergnier, à l’initiative de l’Institut d’Histoire sociale de la CGT
- Note 1 : Marcel Caille est né le 22 novembre 1921 à Flavy-le-Martel (Aisne), mort le 14 octobre 2012 ; cheminot ; syndicaliste et communiste, secrétaire général de l’Union locale CGT de Tergnier (Aisne) à partir de 1948, membre de la commission exécutive de l’Union départementale CGT de l’Aisne, membre du bureau confédéral de la CGT (1955-1981), membre du comité central du PCF (1956-1964).
- Note 2 : la loi du 7 août 1913 rétablit le service militaire à 3 ans et allonge les obligations totales à 28 ans en prolongeant jusqu’à 11 ans le service dans l’armée de réserve de l’armée d’active (cette notion est modifiée en 1923 par le terme de « disponibilité »).
- Note 3 : Mireille est la fille d’Abel, le frère de Paul Caille. Michel Specht, petit neveu de Paul Caille qui m’a envoyé cette carte, écrit « Je suis l’enfant que porte Mireille, ma mère, dont parle Paul ».
- Note 4 : Lire dans le site : Le camp de Voves. Michel Specht note : « Mon père, René Specht, enrôlé au 11è Génie en 1939 (à 40 ans !) a pu participer à la construction du camp de Voves en question ».
Sources
- Fiche d’otages XL IV 2 – KF 602 – Département de l’Aisne – Il porte le n° 6 de cette liste. –
- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom. Tome 21, page 62 (notice rédigée par Jean Maitron et Claude Pennetier)
- Stéphane Fourmas, Le centre de séjour surveillé de Voves (Eure-et-Loir) janvier 1942 – mai 1944, mémoire de maîtrise, Paris-I (Panthéon-Sorbonne), 1998-1999.
- Louis Oury, écrivain, chercheur ayant travaillé sur les archives de la Felkommandantur de Nantes et du camp de Châteaubriant. Correspondance d’avril et mai1991.
- « L’Aisne Nouvelle » d’avril 1972 (coupures de presse communiquées par Roger Debarre).
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (fiche individuelle consultée en octobre 1992).
- Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- © Site Site Internet « Rail et mémoire ».
- © Photo plaque par Didier Mahu, in site Site Internet Mémorial-GenWeb
- © Photos de Paul Caille, Mémorial Genweb et « Mémoire Vive » n° 55 de mai 2014 page 15, lettre de l’association des 45000 et des 31000 d’Auschwitz-Birkenau.
- © en ligne de l’Aisne. Etat civil et Registre matricule militaire.
- Mail de Michel Specht, petit neveu de Paul Caille (2017).
Notice biographique rédigée en janvier 2011, complétée en 2019, 2020 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de « Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 »« , éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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