Marcel Magnat : né en 1897 à Fransèches (Creuse) ; domicilié à Champagne-sur-Seine (Seine-et-Marne) ; cultivateur, cimentier, bobinier électricien ; communiste, militant CGT ; arrêté en juin 1941, interné à Aincourt, libéré, arrêté le 19 octobre 1941 comme otage ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 13 octobre 1942.

Jérôme Désiré Magnat (il se fait appeler et signe Marcel) est né le 8 mai 1897 chez sa grand-mère (son père étant sur un chantier), au lieu-dit Montgermain, commune de Fransèches (Creuse).
Il habite au 25, rue de Ségogne à Champagne-sur-Seine (Seine-et-Marne), aujourd’hui rue du Général de Gaulle, au moment de son arrestation.
I

Manifestation du souvenir en 1965 à Champagne sur Seine

l est le fils de Pauline Augustin, 28 ans, cultivatrice et d’Henri Magnat, 33 ans, maçon, son époux.
Il sera successivement cultivateur, cimentier, maçon, aide-bobineur électricien, bobineur.
Au moment de son arrestation il est bobineur à l’usine Schneider-Westinghouse de Champagne-sur-Seine.
Lors du conseil de révision, Marcel Magnat habite à Chambéraud (Creuse). Il y travaille comme cultivateur. Son registre matricule militaire indique qu’il mesure 1m 75, a les cheveux châtain, les yeux gris, le front rond, le nez moyen et le visage ovale. Il a un niveau d’instruction « n°3 » pour l’armée (sait lire, écrire et compter, instruction primaire développée).
Conscrit de la classe 1917, il est mobilisé par anticipation en mai 1916, comme tous les jeunes hommes de sa classe depuis la déclaration de guerre. Mais la commission de réforme de Guéret le classe en 5ème partie de la liste pour « faiblesse ». Il est ajourné d’un an. Cette même commission le déclare « bon pour le service armé » le 23 mai 1917. Il est incorporé au 78è Régiment d’infanterie le 3 septembre 1917. Le 24 avril 1918, la commission de réforme de Guéret le propose pour un changement d’arme (artillerie de campagne) « pour insuffisance de développement et de musculature. Indice 31 » (calcul de l’indice de masse musculaire). Il passe au 21ème régiment d’artillerie le 6 mai 1918. Le 24 mai 1918, il est « aux armées » (il monte au front). Puis le 13 juin au 13ème régiment d’artillerie de campagne) et le 24 juillet 1919 au 40ème régiment d’artillerie de campagne.
Il est démobilisé le 26 septembre 1919 et « se retire » à Chambéraud (Creuse).

Marcel Magnat épouse Jeanne, Andrée, Julie, Françoise Lagrange le 2 avril 1922 à Chambéraud
(elle est née le 1er décembre 1891 dans cette commune et décèdera le 24 août 1961 à Champagne-sur-Seine).
En avril 1923, le couple habite Champagne-sur-Seine à l’hôtel Borgeas. En octobre de la même année, Marcel Magnat travaille comme cimentier à Chemilly (Yonne).
En juillet 1925, Marcel Magnat est ouvrier maçon à Champagne-sur-Seine.
Le couple Magnat a un garçon, René qui naît le 14 août 1925 à Champagne-sur-Seine.
En 1928, Marcel Magnat et sa famille habitent au 25, rue Ségogne à Champagne-sur-Seine.

Usine Schneider-Westinghouse

Il a été embauché comme aide-bobineur-électricien à l’usine Schneider et Cie devenue Schneider-Westinghouse (SW) en 1929.
Il est adhérent au Parti communiste, membre du bureau de la cellule de Champagne-sur-Seine. Il est adhérent à la CGT (trésorier).

Grève chez Schneider 1936

Marcel Magnat participe activement aux grèves de 1936.
En janvier 1939, la Sûreté nationale sollicite les Préfets pour obtenir des rapports sur « l’organisation et l’activité de chacun des partis extrémistes » de leur département. Dans ces documents doivent figurer  des éléments concernant les cellules du Parti communiste. Pour Champagne-sur-Seine, le rapport préfectoral indique : « Le nombre des adhérents est de 280 environ, dont une centaine pour la cellule de la société S.W. (Schneider et Cie) (…). Les réunions se tiennent chaque semaine chez M. Rateau, chef de secteur».

Le dimanche 16 juin 1940, des éléments motorisés de la Werhmacht franchissent la Seine à Valvins sur un pont de bateaux. Ils traversent Avon avant d’entrer dans Fontainebleau, précédant le gros des troupes. Le 14 juin, l’armée allemande était entrée par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cessant d’être la capitale du pays et devenant le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne et les départements voisins les jours suivants.  Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

A l’automne 1940 des militants communistes diffusent les tracts et journaux du Parti clandestin. Fin octobre 1940, les services de police notent une recrudescence de la propagande communiste.  Marcel Magnat est membre du Parti communiste clandestin et distribue des tracts anti-allemands.
Le 1er mai 1941, à la suite d’une lettre de dénonciation signalant des activités communiste dans la région de Champagne-sur-Seine, un inspecteur du commissariat spécial de Melun rédige un rapport d’enquête : l’Usine SW (Schneider-Westinghouse)…occupe environ 700 ouvriers.  Une vingtaine environ s’était fait remarquer par son attitude communiste, parmi eux : Jay René, Magnat Jérôme, Ménager André, Rousset Georges, Tolet François (pour chacun d’entre eux date de naissance, adresse, profession) (…). Ces divers militants de l’ex-parti communiste sont encore en relations et, à plusieurs reprises, on a constaté des allées et venues. Depuis le mois de mars, trois distributions de tracts communistes ont eu lieu à Champagne-sur-Seine ; elles ont été effectuées principalement dans le quartier de l’Aubépine, […] habité par les ouvriers de S.W. Les deux dernières diffusions remontent au 23 avril […] et, enfin, dans la nuit du 19 au 30 avril […].À noter que Jay René et Ménager André, tous deux militants convaincus, sont titulaires d’un laissez-passer de nuit pour le service de garde du pont de Champagne-sur-Seine demandé par la maison Delattre et Frouard de Dammarie-les-Lys, chargée de la réfection du pont de cette commune. (…) La direction de l’usine, que j’ai consultée, ne donne aucun nom de personnes pouvant servir d’agents de renseignement. Bien que déplorant la propagande antinationale communiste, la direction invoque qu’il serait délicat de déléguer un ouvrier pour la surveiller. On peut le regretter ». Le 6 mai, le préfet de Seine-et-Marne signe un arrêté « astreignant Magnat à résider au centre de séjour surveillé d’Aincourt.

Marcel Magnat est
arrêté une première fois par la police française le 9 mai 1941 et interné au camp d’Aincourt avec plusieurs autres de ses camarades (André Ménager, François Trolet (tous deux seront comme lui déportés à Auschwitz), Lucien Guérard, Georges Rousset, René Jay. Le camp de « séjour surveillé » d’Aincourt, dans le département de la Seine-et-Oise (aujourd’hui dans le Val d’Oise), près de Mantes, avait été ouvert spécialement, en octobre 1940, pour y enfermer les communistes arrêtés dans la région parisienne par le gouvernement de Vichy.
Lire dans ce site : Le camp d’Aincourt 
Après plusieurs interventions – auprès du Maire de Champagne et du Préfet de Seine-et-Marne – des épouses des ouvriers arrêtés qui sont désormais sans ressources et qui insistent sur le fait qu’aucun fait précis n’ait été relevé à l’encontre de leurs époux),  le Préfet Pierre Voisard rapporte la mesure d’internement et fait savoir à l’intéressé  « que la mesure de bienveillance dont il a été l’objet n’a été prise qu’à titre d’essai et qu’il est tenu pour responsable de toute propagande qui pourrait se manifester dans la localité ».
Ils sont libérés (excepté René Jay qui resta interné), écrit le fils de fils de Marcel Magnat.

Marcel Magnat est arrêté une deuxième fois comme otage, le 19 octobre 1941 à son domicile par des policiers allemands et français. Son fils pensait qu’il s’agissait du 10 octobre, mais c’est bien la date du 19 qui figure sur l’acte de disparition daté du 12 octobre 1946 et la date du 20 octobre qui figure  sur la carte-lettre qu’il envoie depuis Compiègne le confirme « je suis arrivé hier soir à destination, par car. Nous sommes tous ensemble ».
De nombreux élus ou militants communistes du département sont arrêtés les 19 et 20 octobre. Parmi eux, 42 seront déportés à Auschwitz.
Lire dans le site la rafle des communistes en Seine-et-Marne, octobre 1941. 

Carte lettre FT 122
Carte lettre FT 122

Marcel Magnat et ses camarades de Seine-et-Marne sont transférés par car au camp de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122), le 19 octobre 1941.
A Compiègne Marcel Magnat reçoit le numéro matricule 1704, bâtiment A3. Le 20 octobre, au lendemain de son arrivée, il écrit à sa famille (document ci-contre).
La lettre est expédiée le 28 par la direction du camp (documents ci-dessus).

Lettre jetée sur le ballast depuis le train

Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Marcel Magnat est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 ». Ce même jour, il jette un mot pour la famille Chirol avec la mention « ayez la bonté de mettre à la poste et cacheter. Merci ». Ce mot sera ramassé et posté (document ci contre).

Depuis le camp de Compiègne, Marcel Magnat est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau

On ignore son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942. Le numéro «45810 ?» inscrit dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Il ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

On ignore dans quel camp il est affecté à cette date.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Marcel Magnat meurt à Auschwitz le 13 octobre 1942, d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz ; in Death Books from Auschwitz, Tome 3, page 759).

Son acte de disparition établi en France à la Libération porte toujours la mention « décédé le 6 juillet 1942 »  sans autre renseignement. Il serait souhaitable que le ministère corrige ces dates fictives qui furent apposées dans les années d’après guerre sur les état civils, afin de donner accès aux titres et pensions aux familles des déportés. Cette démarche est rendue possible depuis la parution de l’ouvrage « Death Books from Auschwitz » publié par les historiens polonais du Musée d’Auschwitz en 1995. D’autant plus que deux rescapés, Georges Brumm et Lucien Penner, ont témoigné de sa mort à Auschwitz et que cela figure dans son dossier individuel (consulté au DAVCC Caen en 1992) !
Lire dans le site Les dates de décès à Auschwitz.

Il a été déclaré « Mort pour la France« . Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué à titre posthume le 13 novembre 1955 (carte délivrée à son épouse, Jeanne, Andrée).
Une plaque commémorative avec sa photo est apposée place Paul Jay (fusillé au Mont Valérien).

Sources

  • Questionnaire biographique (contribution à l’histoire de la déportation du convoi du 6 juillet 1942), envoyé aux mairies, associations et familles au début de mes recherches, en 1987, rempli par son fils, René Magnat (29 février 1991).
  • Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen (fiche individuelle consultée en 1991 et 92).
  • Photo sur Site Internet mémorial « GenWeb ». Fiche Jacky Vinière.
  • Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Photo de manifestation en février 1965 envoyée à la FNDIRP par Raymond Montégut (45892)
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946). 
  • Photo de l’usine Schneider-Westinghouse,© Ville de Champagne-sur-Seine.
  • © Archives en ligne : Etat civil et Registres matricules militaires de la Creuse.
  • Archives départementales de Seine-et-Marne, Dammarie-les-Lys, cabinet du préfet.

Notice biographique installée en novembre 2013, complétée en 2017 et 2022 par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) .  Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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