Albert Stoltz : né en 1905 à Mulhouse-Dornach (Haut-Rhin) ; domicilié à Belfort (Territoire de Belfort) ; ouvrier perceur ; syndicaliste CGT, communiste ; arrêté le 1er mai 1941 ; condamné à un an de prison, écroué à la maison d'arrêt de Belfort, puis prison d'Epinal ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt en 1942.
Albert Stoltz est né le 11 novembre 1905 à Mulhouse-Dornach (Haut-Rhin). Il habite au 15, rue de la Poissonnerie, à Belfort (Territoire de Belfort) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Caroline Scleich et d’Albert Stoltz, ouvrier d’usine, son époux. Il a un frère, Eugène.
Le 22 septembre 1928, à Belfort (Territoire de Belfort), Albert Stoltz épouse Marcelle, Julie, Grime, née le 22 septembre 1903, ouvrière d’usine (elle est décédée en 1984).
Le couple a un garçon, Michel, qui naît le 10 juillet 1931.
Albert Stoltz fait son service militaire au 152è Régiment d’Infanterie de Colmar, comme armurier.
Albert Stoltz est ouvrier perceur chez Alsthom. Il est syndicaliste, trésorier du syndicat des métaux CGT chez Alsthom à Belfort. Il est membre du Parti communiste.
Les troupes allemandes envahissent le Doubs et le Territoire de Belfort : les combats durent entre le 15 et le 18 juin 1940. En vertu des conventions d’armistice du 22 juin 1940, le Territoire de Belfort appartient à la « zone réservée ». La présence des autorités allemandes y est plus contraignante que dans d’autres territoires occupés, même si le département échappe à l’annexion qu’ont connus ses voisins alsaciens.
Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Face à l’occupation allemande, Albert Stoltz fait partie du groupe communiste clandestin animé par Charles
Grosperrin (1) et diffuse des tracts et des journaux à l’intérieur de son entreprise. Dans la nuit du 30 avril au 1er mai 1941, il fait le guet et assure la protection de ses camarades qui tracent des inscriptions sur la chaussée et le pont de la rue de l’Est et distribuent des tracts appelant à la lutte contre l’occupant.
Albert Stoltz est arrêté le 1er mai 1941 par la police française des renseignements généraux et la police municipale de Belfort, dans son jardin à Pérouse. Charles Grosperrin est arrêté – lui aussi pour propagande communiste et distribution de tracts – le même jour (selon Marcel Mugner, liquidateur national du Front national, leur arrestation est consécutive à celle d’un de leurs camarades arrêté plus tôt et pris en train de distribuer des tracts (attestation du 28 novembre 1952). Le 24 juillet suivant, le tribunal correctionnel de Belfort condamne Albert Stoltz à un an d’emprisonnement et 100 francs d’amende et Charles Grosperrin, à trois ans de prison et 300 francs d’amende. Albert Stoltz est détenu à la maison d’arrêt de Belfort pendant 5 mois.
Le 24 juillet 1941 Albert Stoltz comparaît devant le tribunal correctionnel de Belfort.
« Prévenu d’avoir à Belfort en 1941 et notamment en avril, en tout cas dans le Territoire de Belfort, et depuis temps non prescrit. A/ Ensemble et de concert comme auteurs, coauteurs ou complices, manifesté une activité ayant directement pour objet de propagande des mots d’ordre émanant ou relevant de la Troisième internationale communiste ou d’organismes contrôles en fait par cette Troisième internationale. B/ chacun, publié, mis en circulation, distribué ou offert au public des écrits tendant à propager les mots d’ordre de la Troisième internationale ou des organismes s’y rattachant ».
Albert Stoltz est condamné à un an de prison. Il est incarcéré pendant 6 mois à la prison d’Epinal et devait être libéré le premier mai 1942. Son frère Eugène, qui s’est rendu à Epinal à vélo, obtient un « parloir » de quelques minutes. Pour obtenir cette autorisation de visite, il a dû passer par la Kommandantur. Le militaire allemand lui dit « Stoltz, ach, Kommunist« .
Son frère est remis aux autorités allemandes à leur demande.
Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), en vue de sa déportation comme otage.
A Compiègne il porte le numéro matricule « 5306 ».
Son épouse reçoit – comme toutes les famille des déportés – un avis du camp daté du 16 juillet 1942, qui indique le transfert de son mari.
« Par décision de nos services, le détenu susnommé a été transféré dans un camp pour y travailler. Sa destination étant inconnue, il vous faudra attendre pour avoir de ses nouvelles ».
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Le 6 juillet 1942 il jette deux pages de carnet entre les planches du wagon qui les emmènent vers cette destination inconnue.
Elles sont ramassées sur la voie et postées par des inconnus (la plupart du temps des cheminots) au domicile indiqué (chez mademoiselle Grime, sa belle-sœur).
«Et après çà plus jamais rien» écrit son fils, hormis la lettre-carte verte de l’administration du camp de Compiègne postée le 16 juillet 1942.
De nombreuses demandes faites par madame Stoltz auprès des allemands resteront sans réponse, quant à celle des services du maréchal Pétain (21 avril 1943) elle renvoie sur les services de De Brinon (délégation générale du gouvernement dans les territoires occupés)… Qui répondent qu’ils transmettent aux autorités allemandes (5 mai 1943).
Depuis le camp de Compiègne, Albert Stoltz est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation à Auschwitz n’est pas connu. Le numéro « 46123 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun document des archives SS préservées de la destruction ne permet de connaître la date exacte du décès d’Albert Stoltz à Auschwitz.
Toutefois, une lettre de Giobbé Pasini (« 45949 », de Jarny) à sa veuve (le 26 janvier 1947) témoigne de sa présence à Birkenau : «J’ai bien connu votre mari (…). Le 12 juillet 1942, c’est-à-dire 4 jours après notre arrivée au camp, nous fumes séparés : il est resté au camp de Birkenau. Je l’ai revu au mois de septembre, déjà bien affaibli : c’était la dernière fois que je l’ai vu. Au mois de février 1943, je fus envoyé en commando à Birkenau. Sur les 600 camarades qui étaient restés là, il en restait 20 dans un état pitoyable. Votre mari ne se trouvait déjà plus parmi eux. A ma demande auprès de ces camarades fut répondu : hélas ils sont tous morts suite de mauvais traitements ».
Un autre rescapé, Albert Morel de Lure (Jura), a répondu aux sollicitations des familles de ses camarades déportés décédés à Auschwitz dès son retour des camps. Dans la lettre ci-contre, il répond à Mme Mathiez, belle-sœur d’Albert Stoltz que celui-ci est resté à Birkenau le 13 juillet 1942, alors que lui était ramené à Auschwitz 1.
Dans les années d’après-guerre, l’état civil français a fixé sa date de décès au 31 juillet 1942 à Auschwitz (jugement déclaratif daté du 12 février 1947). Malgré le jugement de 1947 et le témoignage de Giobbé Pasini, son état civil porte désormais la mention décédé le 6 juillet juillet 1942, en déportation» (rectification à l’occasion de l’apposition de la mention «Mort en déportation» sur les actes de décès : arrêté ministériel du 29 septembre 2003 paru au Journal Officiel du 29 novembre 2003.
Albert Stoltz a été déclaré « Mort pour la France« . Il a été homologué Déporté politique.
Le titre de «Déporté Résistant» lui a été attribué en 1954.
Son nom est inscrit sur le monument aux morts, square du souvenir.
- Note 1 : Charles Grosperrin s’évade de la maison d’arrêt de Belfort le 26 juin 1941. Il séjourne à Marseille, puis dans le Var et à Dijon. Il devient responsable interrégional du Parti clandestin pour l’Aube, la Marne, la Haute-Marne et l’Yonne. En avril 1942 il échappe à une arrestation à Saint-André-les-Vergers. Il est ensuite interrégional FTP pour les régions Paris-Est et Paris-Nord. Il est arrêté le 19 octobre 1942. Condamné à mort le 16 février 1943, il a été fusillé le 26 février 1943 au Mont-Valérien. On peut lire sa notice biographique complète dans le Maitron édition électronique désormais en accès public.
Sources
- Questionnaire biographique (contribution à l’histoire de la déportation du convoi du 6 juillet 1942), envoyé aux mairies, associations et familles au début de mes recherches, en 1987, envoyé à son frère Eugène Stoltz et rempli par son fils, Michel Stoltz (3 février 2000).
- Photo d’Albert Stoltz tirée de « Des communistes dans la Résistance » brochure éditée par la fédération du Parti communiste du Territoire de Belfort en 1996. Les informations de cette brochure concernant Albert Stoltz ont été recueillis auprès de son frère, Eugène Stoltz.
- Mairie de Belfort, M. Y. Pagnot, archiviste municipal (11 mai 1990 – 24 mars 1992).
- Musée de la Résistance, Besançon, Mme E. Pastwa, conservateur (27 déc.1990).
- © Site Site Internet Mémorial-GenWeb
- © Site www.mortsdanslescamps.com
- Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
- Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (fiche individuelle consultée en 1991).
- Lettre d’Albert Morel à Madame Mathiez, belle-sœur d’Albert Stoltz.
Notice biographique rédigée en janvier 2011, complétée en 2017, 2018, 2022 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de « Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 » », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographie.
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