Auschwitz le 8 juillet 1942
Photo d’identité famille et Musée de la Résistance, Blois

Matricule « 45 540 » à Auschwitz

André Filloux : né en 1924 à Villefranche-sur-Cher (Loir-et-Cher), où il habite ; apprenti boucher ; arrêté le 1er mai 1942 avec son père, comme otage communiste ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 4 décembre 1942. 

André Filloux est né le 22 novembre 1924 à Villefranche-sur-Cher (Loir-et-Cher).
Il est le plus jeune déporté du convoi du 6 juillet 1942.
Il habite à Villefranche-sur-Cher au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marthe, Madeleine Maubert et de Joseph Filloux, son époux, né le 22 mars 1899.
Il est apprenti boucher au moment de l’arrestation et célibataire.
Si son père Joseph Filloux avait une carte de sympathisant du Parti communiste, selon les informations de la Mairie de Villeneuve-sur-Cher, André Filloux âgé de 17 ans ne semble pas avoir eu d’affiliation politique.

1940, la Wehrmacht défile à Blois

Le 14 juin 1940, la Wehrmacht défile à Paris, sur les Champs-Élysées. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. la moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Les 15 et 16 juin 1940, bombardements allemands sur Montrichard, Blois et Vendôme. Le 22 juin, l’armistice est signé : la moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le pays est coupé en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée et celle administrée par Vichy. Le 1er juillet, elle passe par le département du Loir-et-Cher en suivant le cours du Cher, de Châtres jusqu’à Chissay (à l’exception de Selles-sur-Cher qui demeure en zone occupée). Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

André Filloux est arrêté avec son père à Villefranche-sur-Cher le 1er mai 1942, dans la rafle des 1er et 2 mai 1942 qui concerne 20 communistes ou présumés tels (dont certains avaient déjà été arrêtés en 1941), rafle opérée en représailles à l’agression contre deux gendarmes allemands à Romorantin le 30 avril 1942 (1). L’un des gendarmes est tué, l’autre blessé. Parmi les militants arrêtés, 5 seront fusillés le 5 mai 1942.  Treize d’entre eux seront déportés à Auschwitz, comme les trois Filloux (André Filloux, son père Joseph Filloux et son oncle Mathieu Filloux). Il s’agit de Victor BudinGustave CrochetOctave HervauxCamille ImpérialEdouard RoguetJean MatriscianoAlbert RobertIsidore PetatDaniel Pesson, et Céleste Serreau.

Le père et le fils Filloux

Sur les circonstances de l’arrestation d’André Filloux et des quatre autres franvillois, la mairie de Villefranche-sur-Cher m’a communiqué les informations suivantes (mais la Loi d’amnistie préservant l’anonymat des personnes incriminées dans les actes de collaboration, je ne les mentionnerais que par XX).
« Le maire Emile Leroy avait été suspendu de ses fonctions par la délégation spéciale aux ordres de Vichy… Me XX, notaire, faisait fonction de responsable en tant que sympathisant allemand avec MM XX et XX. Me XX devait désigner 3 personnes de tendances « communistes » pour être déportées suite au meurtre d’un gendarme Allemand à Romorantin. En fait 5 personnes furent prises en otages. Me XX fut jugé après la guerre pour collaboration, à Blois ».

André Filloux et son père sont remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci les internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), le 5 ou le 9 mai 1942, en vue de leur déportation comme otage.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation

Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, André Filloux est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf l’article du site : Les wagons de la Déportation

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »).

Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Aushwitz-Birkenau.

Il est immatriculé le 8 juillet 1942

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45540 ».
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz (2) a été retrouvée p
armi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Henri Peiffer a raconté l’entrée au block des contagieux du père et du fils.
André Filloux a contracté la dysenterie. « Le Pfleger du Block 12 à Birkenau, Sentkellet, ordonna le transfert d’André à l’Isolerstation (block des contagieux). Le père ne voulut pas quitter ou abandonner son enfant. Il est parti avec lui, malgré nos tentatives pour l’en dissuader. Le père était de petite taille,1m 55, le fils 1,70 m environ, le fait est resté dans ma mémoire. Ils ont été exterminés tous les deux ». Les archives d’Auschwitz ont conservé la date des décès de Joseph et d’André Filloux, morts le 17 août et le 4 décembre 1942 (in « Mille otages pour Auschwitz… » p. 253).
André Filloux est mort après son père, le 4 décembre 1942 (date inscrite dans les registres du camp et transcrite à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz ; in Death Books from Auschwitz, Tome 2, page 287). Sa fiche d’état civil établie en France à la Libération portait la mention «décédé le 20 octobre 1942 à Auschwitz (Pologne)». Il est regrettable que le ministère n’ait pas corrigé cette date, à l’occasion de l’inscription de la mention « mort en déportation » sur son acte de décès (Journal officiel du 18 avril 2009), ceci étant rendu possible depuis la parution de l’ouvrage publié par les historiens polonais du Musée d’Auschwitz en 1995. Surtout que la date de décès – exacte – de son père figure dans le même arrêté 27 février 2009 ! Lire dans le blog Les dates de décès à Auschwitz

Le 13 janvier 1972, Marthe Filloux écrivait au « Patriote-Résistant » en communiquant les numéros matricule : « Je viens de lire le journal et comme je suis malheureusement en mesure de vous donner des numéros du convoi du 6 juillet 1942 pour Auschwitz, puisque mon mari, mon fils et mon beau-frère ne sont pas revenus, voici les noms (…) ».
André Filloux a été déclaré « Mort pour la France« . Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué.

Villefranche-sur-Cher © Pierre Cardon

Une rue de Villefranche-sur-Cher porte son nom et celui de son père Joseph Filloux. Une autre celui de son oncle Emile. Les noms d’André Filloux, Joseph Filloux, Mathieu Filloux, Marcel Geré et Marcel Renaud sont gravés sur le monument de Villefranche-sur-Cher, à la mémoire des « victimes civiles de la guerre ».

  • Note (1) Le président de l’ADIRP du Loir et Cher, Georges Larcade, a communiqué en 1977 à la commission d’histoire dela FNDIRPle résultat de son enquête auprès des familles de résistants et déportés à propos des causes de l’arrestation des Loir et Chériens le 1ermai 1942. Il me l’a confirmé par lettre en 1990. «Dans la nuit du 31 avril au 1er mai 1942, de jeunes FTP distribuaient des tracts et collaient des affiches à Romorantin lorsqu’ils furent surpris par deux Feldgendarmen. Un jeune, chargé de la protection des afficheurs, ouvrit le feu. Un Feldgendarme a été tué, l’autre grièvement blessé. Dès le lendemain, une vague de répression s’abattit dans la circonscription de la Kreiskommandantur de Romorantin. Cinq jeunes communistes du Loir et Cher, déjà arrêtés soit par les Allemands, soit par la police françaises, certains même incarcérés depuis plusieurs mois, furent fusillés le 5 mai. Une cinquantaine d’hommes soupçonnés d’être communistes furent arrêtés les 1er et 2 mai. Certains ont été relâchés par la suite, les autres, après avoir été transférés à Compiègne, ont fait partie (avec cinq autres Loir et Chériens arrêtés le 22 juin 1941 et déjà à Compiègne depuis plusieurs mois), du fameux convoi du 6 juillet 1942 pour Auschwitz». Dans «Combattants de la Liberté – La Résistance dans le Cher» Marcel Cherrier relatant le 1erMai 1942 évoque cet évènement «le hasard veut qu’au même moment, à Romorantin, une équipe de jeunes conduite par Max Tenon exécute deux Feldgendarmen» et il cite le nom des huit militants fusillés parmi les quarante otages arrêtés dans le Cher à cette occasion (c’est la même région militaire, les représailles décidées par les Allemands).
  • Note 2 : 522 photos d’immatriculation des « 45000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés. 

Sources

  • Tirage d’une Photo d’identité (famille), elle existe aussi au Musée de la résistance à Blois
  • Questionnaire biographique (contribution à l’histoire de la déportation du convoi du 6 juillet 1942), envoyé aux mairies, associations et familles au début de mes recherches, en 1987, rempli par la mairie de Villefranche-sur-Cher (juillet 1990).
  • « La Résistance dans le Loir-et-Cher « , Op. édité par l’ANACR en 1964.
  • Liste établie en 1977 par le président de l’ADIRP du Loir et Cher, Georges Larcade, et communiquée à la commission d’histoire de la FNDIRP.
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau indiquant généralement la date de décès au camp (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen).
  • Témoignage d’Henri Peiffer.
  • © Site Site Internet Mémorial-GenWeb
  • © Site www.mortsdanslescamps.com
  • Photo plaque de rue à Villefranche © Pierre Cardon

Notice biographique rédigée en février 2011, complétée en 2017 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de « Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 » », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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