Marcel Renaud : né en 1899 à Germiny-l’Exempt (Cher) ; domicilié à Villefranche-sur-Cher (Loir-et-Cher) ; électricien, monteur en lignes PTT ; arrêté le 1er mai 1942 comme otage communiste ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 27 août 1942.

Marcel Renaud est né le 27 janvier 1899 aux Pierrots, à Germiny-l’Exempt (Cher). Il habite à Villefranche-sur-Cher (Loir-et-Cher) au moment de son arrestation. Marcel Renaud est le fils de Joséphine Billebaut, journalière, puis couturière, née le 12 décembre 1881 à Germigny. Il a été reconnu et  légitimé par le mariage de sa mère avec Alphonse Renaud (né à Bessais le 10 novembre 1880),  le 5 novembre 1904, à Germigny. La famille habite à Dennemarie en 1905 (Seine-et-Marne), puis au 7, rue de Henrieu à Bray-sur-Seine dans le même département en 1906 à 1920, où son père est cantonnier.

Marcel Renaud épouse Simone, Marie, Sineau le 9 avril 1922 à Villefranche-sur-Cher. Le couple a un enfant.
Il est électricien, monteur sur les lignes aux PTT de Romorantin (information ADIRP 41), comme Joseph Filloux qui sera déporté à Auschwitz avec lui.
Selon le président de l’ADIRP du Loir et Cher, Georges Larcade, il n’était pas membre d’un Parti politique, mais était «sans doute fiché parce qu’il avait été reconnu sur une photo d’une manifestation CGT prise avant la guerre».

La Wehrmacht défile à Blois

Le 14 juin 1940, la Wehrmacht défile à Paris, sur les Champs-Élysées. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. la moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Les 15 et 16 juin 1940, bombardements allemands sur Montrichard, Blois et Vendôme. Les troupes allemandes entrent dans Romorantin le 19 juin 1940.
Le 22 juin, l’armistice est signé : la moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le pays est coupé en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée et celle administrée par Vichy. Le 1er juillet, elle passe par le département du Loir-et-Cher en suivant le cours du Cher, de Châtres jusqu’à Chissay (à l’exception de Selles-sur-Cher qui demeure en zone occupée). Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Pêcheur invétéré, Marcel Renaud est surnommé « poiscaille« . Selon la municipalité de Villefranche, il est arrêté « pour avoir favorisé le passage de la ligne de démarcation » et pour cela, « allait à la pêche avec les allemands »  (réponse de la municipalité à mon questionnaire en 1990).

Marcel Renaud est arrêté le 1er mai 1942 à Villefranche, dans la rafle des 1er et 2 mai 1942 qui concerne 20 communistes ou présumés tels (dont certains avaient déjà été arrêtés en 1941), rafle opérée en représailles à l’accrochage de jeunes FTP avec deux gendarmes allemands à Romorantin le 30 avril 1942 (1). L’un des gendarmes est tué, l’autre blessé. Parmi les militants arrêtés, 5 seront fusillés le 5 mai 1942.
41 – Romorantin le 1er mai 1942 : un Feldgendarme est tué, un autreblessé. Arrestations, exécutions et déportations

Treize d’entre eux seront déportés à Auschwitz comme Marcel Renaud : les trois Filloux, Victor Budin, Robert Hervaux, Camille Impérial, Edouard Roguet, Jean Matrischiano, Marcel Géré, Albert Robert, Isidore Petat, Daniel Pesson, Céleste Serreau.

Sur les circonstances de l’arrestation de Marcel Renaud et des quatre autres franvillois, la mairie de Villefranche-sur-Cher m’a communiqué les informations suivantes (la Loi d’amnistie préservant l’anonymat des personnes incriminées dans les actes de collaboration, je ne les mentionnerais que par XX). « Le maire Emile Leroy avait été suspendu de ses fonctions par la délégation spéciale aux ordres de Vichy… Me XX, notaire, faisait fonction de responsable en tant que sympathisant allemand avec MM XX et XX. Me XX devait désigner 3 personnes de tendances « communistes » pour être déportées suite au meurtre d’un gendarme Allemand à Romorantin. En fait 5 personnes furent prises en otages. Me XX fut jugé après la guerre pour collaboration, à Blois ».
Marcel Renaud aurait été soupçonné de favoriser le passage de la ligne de démarcation.
Marcel Renaud est interné à la maison d’arrêt d’Orléans, puis remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), le 5 ou le 9 mai 1942, en vue de sa déportation comme otage.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Marcel Renaud est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf l’article du site : Les wagons de la Déportation

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, ,anciens responsables politiques et élus du Parti communiste,syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Aushwitz-Birkenau.

Son numéro d’immatriculation à Auschwitz n’est pas encore connu.
Le numéro « 46 049» figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) est cependant probable : il correspond à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules, qui n’a pu aboutir complètement en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. La publication de cette photo d’immatriculation prise le 8 juillet 1942 permettra peut-être de confirmer cette probabilité. Marcel Renaud meurt à Auschwitz le 17 septembre 1942, date qui suit une importante «sélection» des «inaptes au travail» destinés à être éliminés dans les chambres à gaz de Birkenau (elle est inscrite dans les registres du camp et transcrite à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz ; in Death Books from Auschwitz, Tome 3, page 1002).

Sa fiche d’état civil établie en France à la Libération portait la mention «décédé en août 1942 à Auschwitz (Pologne) ». Il est regrettable que le ministère n’ait pas corrigé cette date, à l’occasion de l’inscription de la mention « mort en déportation » sur son acte de décès (Journal officiel du 31 juillet 1997), ceci étant rendu possible depuis la parution de l’ouvrage publié par les historiens polonais  du Musée d’Auschwitz en 1995. Lire dans le blog Les dates de décès à Auschwitz. 

Musée de la Résistance, © ARMREL

Marcel Renaud a été déclaré «Mort pour la France» et le titre de « Déporté politique » lui a été attribué.
Une rue de Villefranche-sur-Cher porte son nom.  Son nom est également gravé sur la stèle située dans le hall d’entrée de La Poste, à Romorantin « A nos camarades des PTT victimes de leur devoir » avec celui de Joseph Filloux et Roger Morand.

Stèle à sa mémoire

Les noms d’André Filloux, Joseph Filloux, Mathieu Filloux, Marcel Geré et Marcel Renaud sont gravés sur le monument de Villefranche-sur-Cher, à la mémoire des « victimes civiles de la guerre ».

Note 1 : Le président de l’ADIRP du Loir et Cher, Georges Larcade, a communiqué en 1977 à la commission d’histoire dela FNDIRPle résultat de son enquête auprès des familles de résistants et déportés à propos des causes de l’arrestation des Loir et Chériens le 1ermai 1942. Il me l’a confirmé par lettre en 1990. «Dans la nuit du 31 avril au 1er mai 1942, de jeunes FTP distribuaient des tracts et collaient des affiches à Romorantin lorsqu’ils furent surpris par deux Feldgendarmen. Un jeune, chargé de la protection des afficheurs, ouvrit le feu. Un Feldgendarme a été tué, l’autre grièvement blessé. Dès le lendemain, une vague de répression s’abattit dans la circonscription de la Kreiskommandantur de Romorantin. Cinq jeunes communistes du Loir et Cher, déjà arrêtés soit par les Allemands, soit par la police françaises, certains même incarcérés depuis plusieurs mois, furent fusillés le 5 mai. Une cinquantaine d’hommes soupçonnés d’être communistes furent arrêtés les 1er et 2 mai. Certains ont été relâchés par la suite, les autres, après avoir été transférés à Compiègne, ont fait partie (avec cinq autres Loir et Chériens arrêtés le 22 juin 1941 et déjà à Compiègne depuis plusieurs mois), du fameux convoi du 6 juillet 1942 pour Auschwitz». Dans «Combattants de la Liberté – La Résistance dans le Cher» Marcel Cherrier relatant le 1erMai 1942 évoque cet évènement «le hasard veut qu’au même moment, à Romorantin, une équipe de jeunes conduite par Max Tenon exécute deux Feldgendarmen» et il cite le nom des huit militants fusillés parmi les quarante otages arrêtés dans le Cher à cette occasion ( les représailles décidées par les Allemands concernent la même région militaire).

Sources

  • Questionnaire biographique (contribution à l’histoire de la déportation du convoi du 6 juillet 1942), envoyé aux mairies, associations et familles au début de mes recherches, en 1987, rempli par la mairie de Villefranche (1990).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), SHD Ministère de la Défense, Caen (fiche individuelle consultée en 1992).
  • Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
  • « La Résistance dans le Loir-et-Cher « , Op. édité par l’ANACR en 1964.
  • Liste et fiche établie en 1977 par le président de l’ADIRP du Loir et Cher, Georges Larcade, et communiquée à la commission d’histoire de la FNDIRP.
  • Site « Les plaques commémoratives, sources de mémoire ». © Photo Jean Jacques Guilloteau.
  • © Site Internet Mémorial-GenWeb
  • © Site www.mortsdanslescamps.com
  • @ Relevé stèle PTT : Christine Fabre-Helynck
    Archives en ligne du Cher, état civil, registre matricule militaire de son père.

Notice biographique rédigée en février 2011, modifiée en  2015 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de « Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 » », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographiquee.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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