Alfred Meniens est candidat aux élections du conseil d’arrondissement en 1937.

Matricule « 45 869 » à Auschwitz

Alfred Meniens : né en 1899 à Aslonnes (Vienne) ; domicilié à Poitiers (Vienne) ; chauffeur de chaudière, électricien ; communiste ; arrêté le 23 juillet 1941, interné aux camps allemands de la Chauvinerie, puis de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 22 novembre 1942.

Alfred Meniens est né le 10 octobre 1899 à Aslonnes (Vienne). Il habite au 35, rue de Rochereuil dans le faubourg du même nom à Poitiers (Vienne) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie Métayer, 24 ans, couturière, née le 1eravril 1875 à Aslonnes, domiciliée chez son père (Jean Métayer, 59 ans, scieur de long) au village de Laverré. Alfred Métayer est légitimé par le mariage de Marie Métayer et de François Méniens le 2 octobre 1905 à Iteuil (Vienne).
Son registre matricule militaire indique qu’il habite Iteuil, où il travaille d’abord comme cultivateur, puis chauffeur de chaudière. Il sera par
la suite électricien. Il mesure 1m 67, a les cheveux châtains, les yeux marrons, le front fuyant, le nez rectiligne et le visage ovale. Il a un niveau d’instruction « n°3 » pour l’armée (sait lire, écrire et compter, instruction primaire développée).

Le cuirassé Paris © Wikipédia

Conscrit de la classe 1919, Alfred Meniens est mobilisé par anticipation au début de 1918, comme tous les jeunes gens de sa classe, depuis la déclaration de guerre. Le 17 avril 1918, il est incorporé au 3è dépôt des équipages de la Flotte à Lorient. Du 12 juillet 1918 au 23 octobre 1919, il est affecté sur le cuirassé « Paris », alors en couverture au barrage d’Otrante (blocus visant à interdire à un accès à la marine austro-hongroise en Méditerranée et à la cantonner en Adriatique, d’après Wikipédia).
Après l’Armistice, il est toujours sur le « Paris » du 24 octobre 1919 au 21 mars 1921.Alfred Meniens est nommé matelot de 2è classe-chauffeur le 1er septembre 1920.
le 21 mars 1921 il est renvoyé dans ses foyers, certificat de bonne conduite accordé, démobilisé le 11 avril 1921 par le 4è dépôt des équipages de la Flotte à Rochefort.

Célibataire, il vit avec sa mère, Marie Métayer, veuve sans ressources et âgée (elle est née en 1875).
En 1923, embauché aux chemins de fer du Nord comme chauffeur de chaudière, il habite Cambrai au dépôt de la gare.
En 1924, il est revenu à
Poitiers
au 62, côte de Montbernage.
Du 6 juin 1928 au 1er juillet 1929, il est embauché comme agent de secteur stagiaire de la Régie Intercommunale d’Electricité du département de la Vienne, 11, rue des Grandes écoles à Poitiers. Le 1er mars 1930, il devient titulaire, puis chef de secteur.
En 1934, la Commission de réforme militaire de Poitiers le classe dans le service auxiliaire de l’armée de réserve pour séquelles de fracture ouverte des deux os de la jambe gauche et raideur tibio-tarsienne et l’affecte comme réserviste en service auxiliaire à la poudrerie nationale d’Angoulème.
En décembre 1934, il habite au 37, rue de la Tranchée à Poitiers. En mars 1936, il habite chemin de la Cueille-Aigüe (quartier Montbernage).

L’Humanité du 8 octobre 1937

Membre du Parti communiste et connu comme tel des services de police, il distribue les tracts et vend l’Humanité. Il est présenté par le Parti communiste aux élections d’octobre 1937 pour le Conseil d’arrondissement de Civray.
En 1939, il est nommé surveillant d’atelier, puis chef d’équipe. A ce titre il est classé « affecté spécial » pour 3 mois au titre du tableau III, pour la
réserve de l’armée en cas de mobilisation (mai 1939).  Il habite alors au 13, rue des Carmélites à Poitiers.
En septembre 1939, à l’interdiction du Parti communiste, Alfred Méniens et Alphonse Rousseau distribuent des tracts pour dénoncer la «drôle de guerre» et la «cinquième colonne»(1).
Le 27 janvier 1940, il est « rayé » de l’Affectation Spéciale par décision du général commandant de la 9è région militaire (Indre, Indre et Loire, Maine et Loire, Deux-sèvres et Vienne), comme la quasi-totalité des « affectés spéciaux » connus comme syndicalistes ou communistes ou
soupçonnés d’appartenance au Parti communiste. L
e lendemain, il est affecté au dépôt d’infanterie n° 95. Mais, le 15 mars suivant, la commission de réforme de Brive le déclare « réformé définitif n° 2 pour fracture ancienne des deux os de la jambe gauche à la partie moyenne, péroné consolidé en baguette, pas ostéite, pas séquestre, pas coquille. Raccourcissement : 2 cm ».

Soldats et véhicules allemands à Poitiers

Le 14 juin 1940, l’armée allemande entre par la Porte de la Villette dans Paris. Le 22 juin 1940, l’armistice est signé. 3000 Allemands occupent Châtellerault le 23 juin 1940. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). Dans le cadre de la réorganisation administrative opérée par Vichy le 19 avril 1941, Poitiers devient la capitale de la «région de Poitiers», qui comprend les départements de la Vienne, la Vendée, les Deux-Sèvres, la Charente et la Charente Maritime.

Alfred Meniens est arrêté le 23 juin 1941 à son domicile par des policiers français et des soldats allemands, dans le cadre de la grande rafle commencée le 22 juin, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique, sous le nom « d’Aktion Theoderich ».
Lire dans le site l’article « L’Aktion Theoderich dans la Vienne »,
sur l’arrestation des 33 militants communistes et syndicalistes de la Vienne. Liste et récits des internements à Poitiers et à Compiègne.

Alfred Meniens est d’abord interné au camp allemand de la Chauvinerie-Poitiers (Denise Amand écrit – 25 janvier 1973 – l’y avoir vu en même temps que Sallier, Couradeau et Boisson, lorsqu’elle eut l’autorisation de rendre visite à son mari René Amand), puis au camp de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), administré par la Wehrmacht, à partir du 11 juillet. Raymond Montégut, dans sa description du départ du convoi de Compiègne vers Auschwitz des futurs « 45000 », écrit qu’Alfred Méniens avait réussi à cacher « en dépit de la fouille du départ une petite égoïne, qui lui servit par la suite » dans l’intention de s’évader. Mais il constatera que le plancher est trop épais.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

 Depuis le camp de Compiègne, Alfred Meniens est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45 869 ». Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Alfred Méniens meurt à Auschwitz le 22 novembre 1942 (liste par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau). Raymond Montégut pensait l’avoir vu au Revier en 1943 (d’où la date fictive du 1er janvier 1943 retenue par l’état civil des ACVG).
Sa mère est décédée peu après
la Libération. Il n’y a pas eu de démarches pour l’obtention d’un titre de déporté.

Sources

  • 1. Selon le témoignage d’Aristide Pouilloux, instituteur à Châtellerault, arrêté le 23 juin 1941. Déporté à Sachsenhausen, rescapé.
  • Cf. toutes les notes de l’article sur l’arrestation des 33 militant-e-s communistes et syndicalistes de la Vienne.
  • Correspondance de Raymond Jamain et Roger Arnould (1972-1989).
  • Témoignages d’Emile Lecointre (23 février 1989), Maurice Rideau (2 octobre 1971). Raymond Montégut (novembre 1972), recueillis par Michel Bloch.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Allemands à Poitiers © photo Gérard Simmat, bibliothèque François Mitterrand.
  • © Etat civil et Registres matricules militaires de la Vienne en ligne.

Notice biographique rédigée à l’occasion de l’exposition organisée en octobre 2001 par l’AFMD de la Vienne à Châtellerault, complétée en 2011 et 2022 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942», Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com .

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