Matricule « 45 901 » à Auschwitz
Jacques Moron : né en 1920 à Châtellerault (Vienne); domicilié à Naintré (Vienne), où il habite ; tourneur sur métaux (usineur) ; jeune communiste ; arrêté le 21 juillet 1941, interné aux camps allemands de la Chauvinerie, puis de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 18 septembre 1942.
Jacques Moron est né le 1erdécembre 1920 à Châtellerault (Vienne). Il est domicilié à Chézelles, commune de Naintré, où il habite avec son épouse jusqu’à son arrestation.
Il est tourneur sur métaux (usineur) à la Manufacture nationale d’armes de la Vienne, à Châtellerault.
Jacques Moron est membre du secrétariat des Jeunesses communistes de Châtellerault.
Le 2 février 1941, il se marie avec Suzanne Destouches de Naintré (Vienne). Elle est née le 26 mai 1915 à Naintré.
Le 14 juin 1940, l’armée allemande entre par la Porte de la Villette dans Paris. Le 22 juin 1940, l’armistice est signé. 3000 Allemands occupent Châtellerault le 23 juin 1940. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). Dans le cadre de la réorganisation administrative opérée par Vichy le 19 avril 1941, Poitiers devient la capitale de la «région de Poitiers», qui comprend les départements de la Vienne, la Vendée, les Deux-Sèvres, la Charente et la Charente Maritime.
De 1940 à 1941, Jacques Moron fait partie du triangle de direction clandestin des Jeunesses communistes avec Paul Bailly et Marcel Pilorget .
Il participe avec d’autres jeunes communistes aux inscriptions sur le pont Henri IV, à l’occasion du 1ermai 1941.
Le 23 juin 1941, l’occupant rafle tous les responsables communistes du département de la Vienne : 33 d’entre eux sont arrêtés. Parmi eux, Jacques Moron est arrêté à Châtellerault par des Feldgendarmen et un inspecteur de la police française. Cette arrestation s’inscrit dans la grande rafle commencée le 22 juin 1941 ,jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique, sous le nom «d’Aktion Theoderich».
Lire dans le site l’article «L’Aktion Theoderich dans la Vienne», sur l’arrestation des 33 militants communistes et syndicalistes de la Vienne. Liste et récits des internements à Poitiers et à Compiègne..
Il est incarcéré au camp allemand de Poitiers-la Chauvinerie, puis est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstallag 122) le 11 juillet 1941 où il est immatriculé sous le numéro matricule « 1201 ».
Son nom figure sur la liste de recensement des jeunes communistes du camp de Compiègne aptes à être déportés « à l’Est« , en application de l’avis du 14 décembre 1941 du commandant militaire en France, Otto von Stülpnagel (archives du CDJC). Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Jacques Moron est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
On sait qu’il a été immatriculé sous le numéro « 45901 » à son arrivée à Auschwitz, le 8 juillet 1942, grâce à la photo d’immatriculation ci-dessus, identifiée par sa famille après 1945 et classée dans les archives de l’ADIRP de la Vienne (envoi de Jean Amand, fils de René Amand, 45167).
Sa photo d’immatriculation (1) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
A Auschwitz-I, il est affecté au Block 15 avec Louis Cerceau, qui a témoigné que sa mort se situe à la mi-septembre 1942.
Jacques Moron meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz, tome 3, page 829). Ce jour-là et lendemain, 19 septembre, 148 «45000» sont déclarés décédés dans les registres du camp en même temps qu’un nombre important d’autres détenus du camp. On peut penser qu’ils sont morts dans une chambre à gaz à la suite d’une vaste « sélection » interne des «inaptes au travail», opérée le camp et/ou les « blocks d’infirmerie ».
Sa fiche d’état civil établie en France après la Libération (jugement du 28 février 1947) porte toujours la mention «décédé le 1erjuillet 1942 en Allemagne». Il est regrettable que le ministère n’ait pas corrigé cette date, à l’occasion de l’inscription de la mention « mort en déportation » sur son acte de décès (Journal officiel du 14 décembre 1997). Ceci était pourtant rendu possible depuis la parution de l’ouvrage publié par les historiens polonais du Musée d’Auschwitz en 1995 et la création du site internet du Musée d’Auschwitz-Birkenau.
Lire dans le site Les dates de décès à Auschwitz.
Par un arrêté de 1949 paru au Journal Officiel du 23 avril 1949, Jacques Moron est homologué « adjudant à titre posthume » au titre de la Résistance intérieure française, avec prise de rang au 1er décembre 1941.
Son nom et celui des 3 autres Chatelraudais du convoi du 6 juillet 1942 morts à Auschwitz est inscrit sur la plaque apposée dans le hall de la mairie en « Hommage aux victimes de la guerre 1939-1945 de la commune de Châtellerault ».
Sa veuve, remariée en 1948 avec M. Bertlillon, Bois Bourgeot à Décize, a rempli un formulaire pour la FNDIRP.
- Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Recherches de Paul-Raymond Jamain, de l’ADIRP de la Vienne, arrêté le 23 juin 1941 à Nantes, déporté à Sachsenhausen, (1973).
- Témoignages de Maurice Rideau, rescapé de la Vienne « 46.056 ».
- Recherches de Michel Bloch, historien, professeur honoraire à l’université de Poitiers.
- Lettre d’Emile Lecointre (23 février 1989) : souvenirs concernant 15 de ses camarades arrêtés avec lui le 23 juin 1941.
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- © Site Internet Mémorial-GenWeb
- © Site « les morts dans les camps ».
- Photo « Les Allemands sur la place d’armes à Poitiers » © Médiathèque François Mitterrand de Poitiers (don de M. Gérard Simmat).
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
Notice biographique rédigée à l’occasion de l’exposition organisée en octobre 2001 par l’AFMD de la Vienne à Châtellerault, et complétée en 2012 et 2019 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942», Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com.