Collection Laurent Francin

Matricule « 45.599 » à Auschwitz

Eugène Gilles : né en 1896 à Arrou (Eure-et-Loir) ; domicilié à Chartres (Eure-et-Loir) ; coiffeur, chef de train SNCF, délégué, secrétaire UD Cgt, responsable communiste clandestin ; arrêté le arrêté le 1er juillet 1941 ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 21 août 1942.

Eugène Gilles est né le 26 août 1896 à Arrou (Eure-et-Loir).  Il habite 8, rue Muret à Chartres (Eure-et-Loir) depuis 1920, au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Ernestine Landier, 29 ans, sans profession et de Julien, Désiré, Valentin Gilles, 32 ans, pâtissier. Ses parents se sont mariés à Arrou le le 29 septembre 1886. A cette date son père est boulanger au Gault (Loir-et-Cher).
Il est coiffeur jusqu’à sa mobilisation le 8 avril 1915 au 31èmeRégiment d’Infanterie.
Il part au front le 4 décembre 1915. Il est affecté dans une compagnie de mitrailleuses le 18 avril 1916. Il est cité à l’ordre du 31èmeRégiment d’Infanterie « pour avoir contribué par la précision de son tir à repousser une puissante contre-attaque ennemie le 20 septembre 1916« .

Croix de guerre étoile de bronze

Il reçoit pour ce fait d’armes la Croix de guerre avec étoile de bronze. Il est promu soldat de première classe le 31 décembre 1916. Il est évacué, malade, souffrant d’une phlébite le 27 mars 1917 : il rejoint son régiment le 24 juin 1917. Il est libéré de ses obligations militaires le 23 septembre 1919.

Eugène Gilles épouse Aline, Valentine Legendre à Arrou (Eure-et-Loir) le 9 septembre 1919. Elle est née le 1eroctobre 1895 à Arrou. Le couple a deux filles : Solange, née le 30 juillet 1920 et Gisèle, née le 17 janvier 1922, toutes deux à Chartres.

Avec son épouse Aline, Collection Laurent Francin

Eugène Gilles entre aux Chemins de fer le 10 décembre 1920.  Il sera chef de train à la SNCF où il dépend de la gare de Chartres.  Militant syndical, il est archiviste et membre du bureau du syndicat CGT des cheminots de Chartres (Le Maitron).
Eugène Gilles est délégué des agents CGT, secrétaire de l’union départementale CGT de 1937 à 1939, et secrétaire de l’union locale CGT de Chartres. 

Eugène Gilles Collection Laurent Francin

Militant communiste, il assure, avec Germain Houard, depuis septembre 1939 les liaisons entre l’Eure-et-Loir et le Comité central du PCF à Paris. Il est chargé par le Comité central de la réorganisation du parti à la suite de sa dissolution.  A la déclaration de guerre, mobilisable au 135ème
Régiment d’infanterie, Eugène Gilles est classé «affecté spécial» en raison de son travail de chef de train à la SNCF. Il peut ainsi continuer ses activités clandestines. 

Juin 1940 : la Wehrmacht défile à Blois

Les 14 et 15 juin 1940 de violents bombardements allemands ravagent Montrichard, Vendôme et Voves. A Chartres, le 17 juin 1940 au soir, les troupes françaises laissent la place à la Werhmacht qui occupent la ville.
De violents combats ont lieu le long du Cher jusqu’à l’armistice. Le 25 juin 1940 la « ligne de démarcation » passe par la vallée du Cher.

Eugène Gilles est arrêté à son domicile 8, Rue Muret à Chartres le mercredi 2 juillet 1941. Son épouse indique « les Allemands sont venus accompagnés de policiers français le matin à 9 heures, mais comme mon mari n’était pas présent, ils sont revenus à 15 heures et l’ont emmené»Il est probable que son arrestation ait lieu dans le cadre de la grande rafle commencée le 22 juin, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique. Sous le nom « d’Aktion Theoderich », les Allemands arrêteront plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française (les préfectures ayant fourni les listes de communistes et syndicalistes à la demande des Allemands).
Il est écroué à la prison de Chartres jusqu’au 21 juillet 1941. Puis il est remis aux autorités allemandes à leur demande.
Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne le 21 juillet 1941. 
Il y reçoit le matricule n° 1352. Il donne des nouvelles à sa famille jusqu’à sa déportation.
«C’est au camp de Compiègne que sa fille aînée, Solange lui présente son premier petit enfant, James né le 16 février 1942» (in Rail et Mémoire).
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Eugène

Gilles est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante trois « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

 Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45 599« .

Sa photo d’immatriculation (1) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
On ignore dans quel camp il est affecté à cette date.
Eugène Gilles meurt à Auschwitz le 21 août 1942 d’après les registres du camp.
Le titre de «Déporté politique» lui a été attribué.
Il a été déclaré « Mort pour la France » le 28 septembre 1948. L’arrêté du 6 juillet 1993 publié au JO du 18 août 1993 portant apposition de la mention « Mort en déportation » porte une date erronée «décédé le 15 septembre 1942 à Auschwitz». Afin de donner accès aux titres et pensions pour les familles des déportés, l’état civil français n’ayant pas eu accès après-guerre aux archives d’Auschwitz emportées par les armées soviétiques, a fixé celle-ci à une date fictive (le 1er, 15 ou 30 d’un mois estimé) sur la base du témoignage de deux de ses compagnons de déportation
qui se souvenaient de lui.

Eugène Gilles est homologué au titre de la Résistance Intérieure Française (RIF, Front national) comme appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL). Cf. service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 255563.
L’association « Rail et Mémoire » a fait donner le nom d’Eugène Gilles à une salle de l’établissement commercial Trains de Paris-Montparnasse (site des Chefs de trains et Contrôleurs).
Son épouse, Aline, est décédée le 12 juillet 1980 à Dampierre sur Salon. Elle a eu cinq petits enfants : James (le père de Laurent Francin), Chantal, Serge, Françoise et Hervé.

  • Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis à André Montagne, vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Eléments biographiques, dossiers SNCF, photo et numéro matricule identifié par son arrière petit-fils, Laurent Francin (courriels  d’octobre 2010, puis 2011 et 2012).
  • Photo de son mariage (envoi de Laurent Francin).
  • Photo peu avant son arrestation, in site internet « Rail et Mémoire« .
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la
    Défense, Caen.
  • Information de Bernard Gasté, secrétaire de Rail & Mémoire. SNCF Gare de Chartres.
  • Liste «de noms de camarades du camp de Compiègne» (matricules 283 à 3800) collectés avant le départ du convoi et transmis à sa famille par Georges Prévoteau de Paris 18ème, mort à Auschwitz le 19 septembre
    1942  (DAVCC, Caen).
  • Photo : la Wehrmacht défile à Blois © AD 28 /11F1 04210

Notice biographique rédigée en décembre 2010 (complétée en 2015 et 2021) par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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