Matricule « 45 953 » à Auschwitz

André Paulin : né en 1924 à Craon (Mayenne) ; il habite à Clamart (Seine) ; chaudronnier ; membre des jeunesses communistes ; arrêté le 21 avril 1941, condamné à 4 mois de prison (Fresnes) ; interné le 9 octobre 1941 aux camps de Rouillé, puis de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt

André Paulin est né le 22 juin 1924 à Craon (Mayenne). Il habite au moment de son arrestation au 2 bis rue de Sèvres, devenue rue Paul Vaillant-Couturier, à Clamart (Seine / Hauts-de-Seine).
Il est le fils d’Alice Maignan et de Maurice Paulin, son époux.
Selon la notice du Maitron il est « apprenti chaudronnier à l’école professionnelle de la Société anonyme des Avions Caudron à Issy-les-Moulineaux« .
Il travaille comme chaudronnier. La famille s’établit au 2 bis rue de Sèvres après 1936.
André Paulin est membre des Jeunesses communistes. Il a 15 ans à la déclaration de guerre.

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Toute la banlieue parisienne est occupée les jours suivants. Un premier détachement allemand occupe la mairie de Nanterre et l’état-major s’y installe.
Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

L’Avant-Garde du 16 avril 1941

Jeune militant communiste connu des services de Police, André Paulin est arrêté le 21 avril 1941 pour « activités communistes » (fiche au DAVCC). Pour avoir distribué « l’Avant-Garde », journal des Jeunesses communistes clandestines, sur son lieu de travail précise le Mémorial des Déportés de la Mayenne .

Le Maitron : « Vers le 15 avril 1941, l’un des professeurs de l’école d’apprentissage, Alexis de Prittwitz, alerté par des apprentis, constata que les vestiaires contenaient une grande quantité d’exemplaires du journal communiste L’Avant-Garde (divers numéros de février et de mars 1941) dont on avait même bourré les poches des manteaux. Comme les gardiens allemands de l’usine opéraient des fouilles fréquentes à la sortie, le professeur décida d’aviser par téléphone le directeur de l’école, Louis Baron, afin que des élèves ne se fissent pas surprendre. Ill donna, du mois, cette justification à la Libération devant le comité d’épuration. Cette initiative allait toutefois entraîner des réactions en chaîne. Alerté par téléphone, Louis Baron en référa à son tour au directeur du personnel, Paul Ruelle, qui demanda au chef du service du gardiennage, Gauthier, de mener une enquête à l’issue de laquelle les responsables de la distribution des journaux, André Paulin et André Lescat, furent identifiés sur dénonciation du professeur de chaudronnerie, Léon Geindre. Les dirigeants prirent une décision qui eut de très lourdes conséquences. Après en avoir reçu l’instruction du directeur administratif, Lucien Ménard, le chef du personnel, Paul Ruelle, informa le commissariat de Boulogne-Billancourt. Et, au retour des vacances de Pâques, le lundi 21 avril 1941, les apprentis André Paulin, André Lescat et Serge Sens, élève de deuxième année dans la même école, furent interpellés. Paulin et Lescat retrouvèrent la liberté le lendemain mais Serge Sens fut incarcéré dès le 23 avril. Les interrogatoires avaient en effet révélé aux enquêteurs que Sens était « l’instigateur » de la distribution de tracts que lui remettaient régulièrement deux autres jeunes militants communistes : Jacques Fillion et Lucien Germa.
Le chef du personnel, Paul Ruelle convoqua Paulin et Lescat et leur signifia leur licenciement sans préavis ni indemnité, ajoutant (d’après Lescat à la Libération) qu’il ne pouvait tolérer de tels éléments au sein de l’école professionnelle ». Le Maitron, notice de Laurent Dingli

On ignore son sort entre le 21 avril et le 2 juillet 1941 : à cette date il est écroué à la prison de la Santé.
Il est jugé et condamné le 21 août 1941, par le tribunal de la 15è chambre correctionnelle à 4 mois de prison – en application des décrets du 26 septembre 1939 portant interdiction des organisations communistes. Il est incarcéré à la prison de Fresnes à partir du 2 septembre1941.

Le camp de Rouillé in © VRID

A l’expiration de sa peine, il n’est pas libéré(1), mais interné le 9 octobre 1941, sur décision du préfet de police de Paris, François Bard, au Centre de «séjour surveillé» de Rouillé(2) avec 60 communistes de la région parisienne (40 détenus venant comme lui du dépôt de la Préfecture de Police de Paris et 20 autres venant de la caserne des Tourelles).
Lire dans le site : le-camp-de-Rouillé ‎

Le 9 février 1942, il est parmi les 52 internés du CSS de Rouillé transférés à la demande des autorités allemandes au camp allemand de Compiègne-Royalieu, (le Frontstalag 122). Trente-sept d’entre eux seront déportés à Auschwitz.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, André Paulin est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45 953», selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz (Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau).
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Dessin de Franz Reisz, 1946

André Paulin meurt le 27 septembre 1942 à Auschwitz d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz et destiné à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau, avec le prénom d’Andri).

Si l’arrêté ministériel du 4 janvier 1996 portant apposition de la mention «Mort en déportation» sur son acte de
décès et paru au Journal Officiel du 8 mars 1997, a reconnu sa mort en déportation en modifiant sa date de décès «décédé le 11 juillet 1942, à Auschwitz (Pologne) et non le 6 juillet 1942 à Compiègne (Oise)», il est regrettable que le ministère n’ait pas pris en compte la date du certificat de décès établi au camp d’Auschwitz, accessible depuis 1995.

André Paulin est homologué « Déporté politique« . La carte est délivrée à sa mère, madame Alice Paulin.
Son nom est inscrit sur le monument aux morts de la commune.

  • Note 1 : Classée «secret», la circulaire n°12 du 14 décembre 1939, signée Albert Sarraut, ministre de l’Intérieur, fixe les conditions d’application du décret du 18 novembre 1939 qui donne aux préfets le pouvoir de décider l’éloignement et, en cas de nécessité, l’assignation à résidence dans un centre de séjour surveillé, des «individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique», qu’ils aient été ou non jugés. Lire
    l’article très documenté et illustré sur le blog de Jacky Tronel (Histoire pénitentiaire et justice militaire) : Circulaire d’application du décret-loi du 18 novembre 1939 |
  • Note 2 : «Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles». In site de l’Amicale de Chateaubriant-Voves-Rouillé.

Sources

  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère dela
    Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en février 1992.
  • Camp de Rouillé : archives départementales de la Vienne.
  • © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau.
  • © Vienne Résistance Internement Déportation, association loi 1901, constitué de représentants d’associations mémorielles de résistants, d’internés et de déportés, et d’historiens.
  • Le Maitron, notice de Laurent Dingli
  • Recensement de 1936, Clamart

Notice biographique rédigée en novembre 2005 (complétée en 2016,  2019, 2021 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par l’association « Mémoire vive » et la municipalité de Gennevilliers.  Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *