Lucien Alessandri : dit "Lulu le Marseillais", né en 1906 à Marseille (Bouches-du-Rhône) ; arrêté à Paris ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz ; décédé à Auschwitz-Birkenau.  

Lucien Alessandri, dit « Lulu le Marseillais« , est né le 8 octobre 1906 à Marseille (Bouches-du-Rhône).  Il est domicilié au 24, rue Saint-Jean à Caen (qui est l’adresse de sa mère), au moment de son arrestation qui a lieu à Paris à sa sortie de la Santé. Il ne semble pas avoir vraiment de liens avec cette ville, ayant passé au moins les trente premières années de sa vie à Marseille.
Il est le fils de Limpia, Marie Quaglia, née le 20 janvier 1886 à Castelnuovo Belbo (Piémont), tailleuse, cantinière et  Henri, Frédéric François Alessandri, né le 10 avril 1879 à Marseille, charretier puis camionneur. Il a un frère : Marius (1904-1933) et deux frères et une sœur n’ayant pas survécu l’année de leur naissance. Leurs parents se sont mariés le 12 mars 1904 à Marseille. Son père est « tué à l’ennemi » lors des combats le 25 septembre 1914 dans l’Aisne.
En 1929 il habite au 12, rue Mission de France à Marseille. A 23 ans, il connaît sa première arrestation pour vol d’une somme d’argent et d’une machine à écrire (Le Petit Marseillais 6-4/1929).
Il est célibataire et père d’une fille qu’il a reconnu. Il déclare la profession de garçon de restaurant.
En 1936, il est arrêté pour avoir tiré des coups de feu ayant entraîné blessures pour une affaire de stupéfiants à Marseille (Le petit Provençal 12/12/1936).

Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 18 juin 1940, les troupes allemandes arrivant de Falaise occupent la ville de Caen, et toute la Basse Normandie le 19 juin.
Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

En août huit divisions d’infanterie allemande – qu’il faut nourrir et loger – cantonnent dans la région. L’heure allemande remplace l’heure française.

D’après sa mère, Lucien Alessandri était serveur au «Restaurant de l’Hôtel de Ville» en 1942″. Et toujours d’après elle c’est au cours d’un passage à Paris qu’il est arrêté en possession d’une fausse carte d’alimentation.
Mais selon les archives de la Police judiciaire et des Renseignements généraux, Lucien Alessandri, dit « Lulu le Marseillais« , « n’avait aucun moyen d’existence légal et avait été condamné à plusieurs reprises pour des délits de droit commun » (1).

Il est arrêté le 5 janvier 1942
, à sa sortie de la prison de la Santé en vertu d’un arrêté d’internement administratif du Préfet de Police de la Seine. Il avait été condamné à 2 mois de prison et 1000 francs d’amende par la 10è chambre correctionnelle pour fausses cartes d’alimentation (infraction à la loi du 17 septembre 1940 sur le ravitaillement).
On présume que sa détention préventive avait couvert la peine.
Il est interné au centre de séjour surveillé des Tourelles, une ancienne caserne désaffectée, où sont internés tous les « indésirables », c’est à dire les communistes et les « droits communs ».
Le 5 mai 1942, il est transféré par les autorités d’occupation au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), au sein d’un groupe de 38 hommes en vue de sa déportation comme otage « asocial » (« dangereux pour la sécurité publique », « titulaire » de 14 condamnations), avec treize autres détenus de droit commun et 25 communistes et anciens des Brigades internationales.
A Compiègne,
il reçoit le matricule « 5180 »

Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Lucien Alessandri est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Comme pour les autres déportés de ce convoi, sa famille (sa mère) reçoit une carte-lettre datée du 16 juillet 1942 l’informant que
«
le détenu a été transféré vers un autre camp».
On ignore son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942. Un numéro plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Seule la reconnaissance, par un membre de sa famille ou ami de la photo d’immatriculation publiée au début de cette notice biographique correspondant au déporté portant ce numéro matricule pourrait désormais en fournir la preuve.

LLire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Arrivé le 8 juillet 1942 au camp principal d’Auschwitz, il est conduit le lendemain à Birkenau avec les autres membres du convoi. Alors que le 13 juillet la moitié de ses compagnons de déportation sont ramenés au camp principal, il est de ceux qui restent dans ce camp annexe dont la mortalité est plus élevée.
On ignore sa date de décès à Birkenau. Il est déclaré décédé par le tribunal civil de Caen le 1 juillet 1946, « lieu inconnu »..  Sa famille a déposé un dossier d’homologation en tant que résistant au titre de la Résistance intérieure française, RIF (service
historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 6918). Cette démarche n’a pas abouti (aucun dossier des « 45 000 » du convoi déportés comme « droit communs » n’a abouti à une homologation).

  • Note 1 : « n’avait aucun moyen d’existence et tirait ses revenus du fruit de la prostitution de filles soumises et insoumises, en outre il favorisait la débauche de jeunes filles inexpérimentées et pourvoyait en filles soumises les maisons de tolérance de Paris et la province, noté aux Sommiers Judiciaires comme ayant encouru 9 condamnations, la dernière à deux mois de prison 1000 francs d’amende (10è Chambre) le 05/01/1942 pour infraction à la loi du 17/09/1940 (ravitaillement) » in Archives de la Police judiciaire et des RG.

Sources

  • Bureau des archives des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel, AFMD Caen).
  • Archives de la préfecture de police de Paris, carton “occupation allemande” : BA 1837
  • Témoignage de Georges Marin, rescapé du convoi.

Notice biographique rédigée en janvier 2001 (complétée en 2016, 2017, 2021 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), à l’occasion de l’exposition organisée par des enseignants et élèves du collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association « Mémoire Vive ». Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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