Matricule « 45 840 » à Auschwitz   Rescapé 

Sa fiche de détenu à Mittelbau-Dora
Récépissé d’un colis envoyé à Auschwitz par ses parents, adressé au Block 11.

 

Jacques Marteaux : né en 1923 à Saint-Quentin (Aisne) ; domicilié à Boulogne-Billancourt (Seine) ; ajusteur ; communiste ; arrêté le 13 mars 1941, puis le 28 avril 1942 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, Gross-Rosen, Dora ; rescapé ; décédé le 21 octobre 1991

Jacques Marteaux est né le 1er juillet 1923, au 21, rue du Moulin à Saint-Quentin (Aisne).
Jacques Marteaux habite au 4, rue d’Issy à Boulogne-Billancourt (Seine / Hauts-de-Seine) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Henriette Gombaud, 27 ans, sans profession, née le 14 octobre 1895 à La Tremblade (Charnte Inférieure)  et de Narcisse Marteaux, 26 ans, commis d’architecte, son époux, né le 22 aôut 1896 à Ternier (Aisne).
Selon son fils, il est apprenti-ajusteur à l’Usine S.N.C.A.C. de Billancourt, (Société nationale des constructions aéronautiques du Centre) née de la nationalisation en 1936 des constructeurs d’avions (regroupement des usines Hanriot de Bourges et Arcueil et celle de Farman de Boulogne Billancourt).
Jacques Marteaux est membre des Jeunesses communistes et militant cégétiste actif.
A la déclaration de guerre, conscrit de la classe 1943, il n’est pas mobilisable.

Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes défilent sur les Champs-Élysées. Elles occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants. Un premier détachement allemand occupe la mairie de Nanterre et l’état-major s’y installe.
Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Jacques Marteaux est arrêté une première fois le 13 ou 18 mars 1941 à son domicile par des policiers allemands et français, pour « collage de papillons communistes ». Le lendemain, il est placé sous mandat de dépôt pour « propagande anti-allemande et sabotage dans l’usine » et condamné à trois mois de prison selon son fils et selon le certificat de Marcel Mugnier, liquidateur national du FN.
Il est incarcéré à la Santé et à Fresnes. Selon les archives de la Police Jacques Marteaux comparaît le 12 juin 1941, avec six autres jeunes militants devant la 15è chambre des mineurs  du Tribunal correctionnel de la Seine qui le condamne à un mois d’emprisonnement. Civilement responsable, son père, alors infirmier, est convoqué à l’audience.

Certificat d’appartenance à la Résistance Intérieure

Jacques Marteaux est remis en liberté surveillée le 19 juin 1941.
Il continue alors son activité militante (son fils nous a transmis la reproduction du certificat d’appartenance à la Résistance Intérieure Française, 29 janvier 1951, signé de Marcel Mugnier, qui relate cette période).
Le 28 avril 1942, les mêmes forces de police l’arrêtent à nouveau, pour « récidive pendant la période de liberté surveillée« . Il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp de Royallieu à Compiègne, le Frontstalag 122, le même jour, en vue de sa déportation comme otage.

Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Jacques Marteaux est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante trois « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Jacques Marteaux est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942, sous le numéro matricule « 45 840« .
Ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard.
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet : Nous sommes interrogés sur nos professions. Les spécialistes dont ils ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et s’en retournent à Auschwitz I, ils sont approximativement la moitié de ceux qui
restaient de notre convoi
. Pierre Monjault.

Récépissés des envois de colis à Auschwitz adressés à Jacques Marteaux.

Il est affecté au Block 22 / 5.
En application d’une directive datée du 21 juin 1943 accordant aux détenus français des KL la possibilité de correspondre avec leur famille et de recevoir des colis renfermant des vivres, il reçoit le 4 juillet 1943, l’autorisation d’échanger des lettres avec sa famille – rédigées en allemand et soumises à la censure – et de recevoir des colis contenant des aliments (ci contre les récépissés des envois de colis de sa famille).
Entre le 14 août 1943 et le 12 décembre 1943, il est en quarantaine au Block 11 avec la
quasi totalité des Français survivants.

Lire l’article du site « les 45000 au block 11.
Il y est à la chambrée 5 (cf adresse de colis)
Le 12 décembre 1943, les Français quittent le Block 11 et retournent dans leurs anciens Kommandos.

Dès 1944, devant l'avancée des armées soviétiques, les SS commencent à ramener vers le centre de l’Allemagne les déportés des camps à l’Est du Reich, dont Auschwitz. Les premiers transferts de "45.000" ont lieu en février 1944 et ne concernent que six d’entre eux. Quatre-vingt-neuf autres "45 000" sont transférés au cours de l'été 1944, dans trois camps situés plus à l'Ouest - Flossenbürg, Sachsenhausen, Gross-Rosen - en trois groupes, composés initialement de trente "45 000" sur la base de leurs numéros matricules à Auschwitz.  Une trentaine de "45 000" restent à Auschwitz jusqu'en janvier 1945.  Lire dans le site : "les itinéraires suivis par les survivants".
La carte de détenu de Jacques Marteaux à Dora

Le 21 janvier 1945, il est transféré d’Auschwitz à Gross-Rosen avec 10 autres «45 000» (1) avec René Besse, Raymond Boudou, Henri Charlier, Maurice Courteaux, Pierre Felten, Georges Gallot, Adrien Humbert, Francis Joly, Pierre Monjault, Albert Rosse.
Le 9 février 1945, le camp de Gross-Rosen est évacué.

Montage des V2 au Camp de Dora (images de propagande SS)

Jacques Marteaux est transféré à Mittelbau-Dora (camp dépendant du KE Buchenwald), le 8 février 1945, avec quatorze autres « 45 000 » : Roger Abada, Gaston Aubert, René Besse, Raymond Boudou, Louis Cerceau, Cyrille Chaumette, Marcel Cimier, Clément Coudert, Maurice Courteaux , Robert Daune, Lucien Ducastel, Pierre Felten, Georges Gallot, Georges Gaudray , Pierre Monjault.
Il y reçoit le matricule « 116 089 ». Profession indiquée mécanicien auto. la date d’arrivée au Kommando est le 11 février 1945.

De Mittelbau-Dora, il est affecté à Dora-Osterode, avec Maurice Courteaux et Pierre Felten.
Le 11 avril 1945, Dora est évacué : Jacques Marteaux voit mourir le 8 avril 1945 son cmarade Pierre Felten, très affaibli après une marche de vingt-six kilomètres, au cours de l’évacuation d’Osterode.

Lire dans le site, « les itinéraires suivis par les survivants« .

Jacques Marteaux est libéré le 11 avril à Bruschweg (au nord de Dresden) par les troupes de la 4è division américaine
Il est retenu en quarantaine au camp de Coblence-Rebstoc (dépendant du KZ Buchenwald) jusqu’au 29 avril.
Il est rapatrié le 2 mai 1945.

Le 6 octobre 1945 Jacques Marteaux épouse Renée, Marguerite, Olga Colas à Boulogne-Billancourt.  Le couple a un fils.
A son retour sa santé est très affectée, il souffre de tuberculose et d’asthénie.
Il habite d’abord au 12 bis, rue de Clamart, à Boulogne, puis il va habiter au 44, rue Michelet à Bondy (Seine / Seine-Saint-Denis).
Il divorce d’avec Renée Colas le 11 mai 1971.

Le titre de «Déporté politique» lui a été attribué. Il est homologué (GR 16 P 396533) au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance.
Il est homologué au grade de sergent au titre de la Résistance Intérieure Française (Front national) le 15 juin 1948.
Cette reconnaissance au titre de la RIF ne lui suffira pas pour être homologué « Déporté Résistant », titre qui lui est refusé, comme à de nombreux rescapés communistes.
Selon le témoignage de Madame Hélène Dupoirieux (le 11 février 2023) : « Entre son divorce et son remariage il a vécu avec Madame Reine Nilles et a eu deux enfants : un garçon Dominique et moi même, Hélène. Mes parents n’étaient pas mariés et Jacques Marteaux mon père ne nous a pas reconnus !  »
Jacques Marteaux se remarie à Bondy le 7 décembre 1985 avec Marie Jeanne Goarnisson.

Jacques Marteaux est décédé le 21 octobre 1991
à Mespaul (Finistère), où il s’était retiré dans le bourg de Sainte-Catherine. Il avait 68 ans.

Sources

  • Questionnaire rempli par son fils, qui y a joint de nombreux documents : Certificat d’appartenance à la RIF (15 janvier 1948), attestation d’appartenance au Front National ( 29 janvier 1951), Certificat de déportation (ACVG : 6 décembre 1945), récépissés de colis d’Auschwitz : août, novembre 1943, janvier 1944.
  • Etat-civil, mairie de Saint Quentin : 11 mars 1994.
  • Fichier national de la Division des archives des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
  • Dix déportés travaillant au montage des fusées V2 à Dora (photo en couleur prise par Walter Frentz, photographe officiel nazi, pour Albert Speer, ministre de l’armement, mars-juillet 1944).

Notice biographique rédigée en novembre 2005 (mise à jour en 2012, 2017 et 2019) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de T à l’occasion de l’exposition organisée par l’association «Mémoire vive» et la municipalité de Gennevilliers. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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