Matricule « 45 349 » à Auschwitz
Marcel Chabot : né en 1900 à Saint-Séverin (Charente) ; domicilié à Nanterre (Seine) ; ouvrier papetier ; communiste ; arrêté le 13 juillet 1941, condamné à 4 mois de prison ; interné aux camps de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 22 août 1942.
Marcel Chabot est né le 5 février 1900 dans le village de Chez-Jeannet au domicile de ses parents
commune de Saint-Séverin (Charente). Il habite au 53, rue Jean Allemane à Nanterre (Seine / Hauts-de-Seine) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie Bayonne, 23 ans, née en 1875 à Celles (Dordogne), cultivatrice et de Charles Chabot, 25 ans, né à Brantôme en 1874, cultivateur, son époux. Ses parents se sont mariés le 14 avril 1899.
Il a un frère, André, né en 1909 à Saint-Séverin.
En 1911, la famille habite à Torsac, quartier Chamoulard. Son père y travaille comme ouvrier papetier.
Au moment du conseil de révision, Marcel Chabot habite à La Couronne, au sud d’Angoulême.
En 1921, la famille habite au quartier Grand-Girac, à la Couronne. Sa mère n’est pas mentionnée sur le registre du recensement. Son père, son frère et lui travaillent tous à la papeterie Laroche-Joubert. Une servante, Laeticia Ferrort, âgée de 35 ans, habite avec eux.
Marcel Chabot travaille ensuite comme ouvrier papetier aux papeteries Kieffer à La Couronne.
Son registre matricule militaire indique qu’il mesure 1m 66, a les cheveux blonds foncé, les yeux marron foncé, le front vertical, le nez rectiligne et le visage rond.
Il a un niveau d’instruction « n°2 » pour l’armée (sait lire et écrire). Conscrit de la classe 1920, il est incorporé au 119è Régiment d’infanterie le 7 avril 1921. Nommé soldat de 1è classe le 19 septembre 1921, Marcel
Chabot est envoyé en congé de disponibilité le 26 septembre 1922 en attendant son passage dans la réserve, le 1er octobre 1922, « certificat de bonne conduite » accordé. Il se retire à La Couronne.
Il épouse Louise, Renée Michelot à La Couronne, le 28 avril 1923. Elle est née le 18 mai 1904 à La Couronne et travaille également comme papetière. Le couple a deux filles. Raymonde, née le 4 février 1924, et Ginette, née le 23 décembre 1925, toutes deux à La Couronne (elles sont âgées de 17 et 15 ans en 1941).
Puis ils viennent s’installer à Nanterre, où Marcel Chabot a trouvé du travail aux Papeteries de la Seine.
En janvier 1933 le couple habite 14, impasse du Gymnase à Nanterre.
En juillet 1933, ils ont déménagé au 53, rue de Chatou, puis par la suite au 53, rue Jean Allemane.
Marcel Chabot est adhérent au Parti communiste. Il a participé à l’occupation de l’entreprise en 1936 et figure vraisemblablement sur la photo ci-contre.
A la déclaration de guerre, Marcel Chabot est mobilisé le 9 septembre 1939. Il est affecté à la compagnie de travailleurs militaires, rattaché au dépôt d’artillerie n°9, le 19 avril 1940.
Le vendredi 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Un premier détachement allemand occupe la mairie de Nanterre et l’état-major s’y installe. La nuit du 14 au 15 juin, de nombreuses troupes allemandes arrivent à Nanterre et sans s’adresser à la municipalité, occupent maisons et villas de plusieurs quartiers. En ce début de l’été 1940, l’effectif des troupes d’occupation à Nanterre s’élève par moments à 3500 hommes et près de deux cents officiers.
Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Marcel Chabot est arrêté le 13 juillet 1941, par des policiers du commissariat de Puteaux. Il est trouvé « porteur de quatre cartes du Secours Populaire de France, vendues au profit des communistes emprisonnés », qu’il déclarera avoir achetées « à l’entrée du camp de La Folie – Nanterre en croyant venir en aide aux prisonniers de guerre ». Il reconnait au cours de l’interrogatoire « avoir distribué des tracts où il était question de salaires » reçus d’un homme qu’il connaît seulement de vue. Le 19 juillet, le commissaire de police de Puteaux l’envoie au Dépôt de la Préfecture pour « propagande communiste ».
Le 16 juillet 1941, Marcel Chabot comparaît devant la 14e Chambre du tribunal correctionnel de la Seine avec cinq autres militants (dont François Ossot d’Aubervilliers – qui a été arrêté par les hommes du commissaire Betchen (1).
Marcel Chabot est condamné à quatre mois de prison. A l’expiration de sa peine, Marcel Chabot n’est pas libéré : le Préfet de police de Paris, Charles Paul Magny, signe un arrêté ordonnant son internement administratif, le 8 novembre 1941.
Le 10 novembre 1941, après avoir été écroué au Dépôt de la préfecture de Paris, il est interné avec un groupe de 57 autres militants communistes
parisiens au “centre de séjour surveillé” (CCS) de Rouillé (2). Lire dans le site : le-camp-de-Rouillé
Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au directeur du camp de Rouillé une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp allemand de Compiègne (le Frontstalag 122). Le nom de Marcel Chabot (n°49) y figure.
C’est avec un groupe d’environ 160 internés (3) qu’il arrive à Compiègne le 22 mai 1942. La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Marcel Chabot est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Marcel Chabot est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45349» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz et consultable in © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau.
Il se déclare ouvrier agricole et de religion catholique.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz (4) a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Marcel Chabot meurt à Auschwitz le 22 août 1942, d’après le certificat de décès établi au camp
d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 162 et © Mémorial et Musée d’Etat
d’Auschwitz-Birkenau).
La mention Mort en déportation est apposée sur son acte de décès (arrêté du 6 octobre 1987 paru au Journal Officiel du 20 novembre 1987. Cet arrêté porte néanmoins une mention erronée : décédé le 15 octobre 1942 à Auschwitz. Il serait souhaitable que le ministère prenne
désormais en compte par un nouvel arrêté la date portée sur son certificat de décès de l’état civil d’Auschwitz, accessible depuis 1995 (Death
Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau et consultable sur le site © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau). Lire dans le blog l’article expliquant les différences de dates entre celle inscrite dans les «Death books» et celle portée sur l’acte décès de l’état civil
français) Les dates de décès des « 45000 » à Auschwitz.
Marcel Chabot est homologué « Déporté politique ». Il est homologué (GR 16 P 116046) au titre des Forces Françaises Combattantes (FFC), constituées des agents des réseaux de renseignement, d’action et d’évasion .
Son nom est honoré sur le monument aux morts de Nanterre et sur le monument aux martyrs de la déportation et de la résistance, avenue Frédéric et Irène Joliot-Curie, parc André Malraux.
- Note 1 : « Ces policiers appartenaient à ce que l’on appelait alors à Aubervilliers « la brigade politique ». Cette brigade placée sous le commandement du commissaire Georges Betchen groupait 12 membres. Cet effectif doit être rapporté à celui du commissariat qui s’élevait à 225 hommes, ce qui est très important, mais il faut le rappeler le commissariat couvrait les territoires d’Aubervilliers, de La Courneuve et du Bourget. Statistiques de la « brigade politique » du commissariat d’Aubervilliers pour la période octobre 1940-décembre 1941 : 18 personnes inculpées pour propagande gaulliste, 22 pour reconstitution du Parti communiste ; 81 pour propagande communiste ; 1334 arrestations de suspects ; 465 visites domiciliaires ; 44 arrestations en vue d’internement administratif ; constitution d’un fichier de 2139 personnes avec 124 photographies ; constitution d’un fichier d’israélites ». In © Blog du PCF
d’Aubervilliers, 24 octobre 2010. - Note 2 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. Il a été fermé en juin 1944. In site de l’Amicale de Chateaubriant-Voves-Rouillé.
- Note 3 : Dix-neuf internés de cette liste de 187 noms ont été soit libérés, soit transférés dans d’autres camps, ou sont hospitalisés. Trois se sont évadés. Cinq d’entre eux ont été fusillés.
- Note 4 : 522 photos d’immatriculation des « 45000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance
intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Liste XLI 42, N° 49 (CDJC).
- Mairie de Nanterre, liste de déportés (1992).
- Acte de décès, ACVG, avril 1992.
- Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- © Photo de la porte d’entrée du camp d’Auschwitz : Musée d’Auschwitz-Birkenau.
- © Site Internet Mémorial-GenWeb.
- Archives de la Préfecture de police de Paris – Le Pré Saint-Gervais.
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© Archives en ligne des Charentes. Etat civil et Registres matricules militaires.
Notice biographique rédigée en novembre 2005 (complétée en 2016, 2019 et 2022) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par l’association « Mémoire vive » et la municipalité de Gennevilliers. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com