Maurice Fontès en uniforme des Brigades internationales

Matricule « 45.550 » à Auschwitz 

Maurice Fontès : né en 1907 à Paris XVème ; à Choisy-le-Roy (Seine / Val-de-Marne) ; ajusteur chez Gnöme et Rhône ; Cgt, communiste ; volontaire des Brigades internationales, amputé d’une jambe ; arrêté le 24 décembre 1941 ; interné à la caserne des Tourelles et au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 10 octobre 1942.

 Maurice Fontès est né le 17 février 1907 dans le XVème arrondissement de Paris au domicile de ses parents, au 3 bis, rue Payen.  Il habite au 89, puis au 32, rue Anatole France à Choisy-le-Roy (Seine / Val-de-Marne).
Il est le fils de Louise Annat, journalière et d’Albert Fontès, 24 ans, né le 10 avril 1882 à Saint Etienne près Allègres (Haute Vienne), ouvrier mouleur chez Panhard, son époux.
Son père l’avait reconnu à sa naissance : ses parents se marient le 17 mai 1913.
Il suit une formation d’ajusteur à l’atelier de formation de Panhard, réservé aux fils des ouvriers de l’entreprise.
Il est embauché un temps chez Citroën.
Il effectue son service militaire dans l’aviation maritime entre 1927 et 1929.
En 1924, il habite avec ses parents au 89, avenue de l’Hôtel de ville à Choisy. Au recensement de 1928, il a déménagé au 89, avenue Anatole France.
Il se marie avec Simone Chéron, le 1er avril 1933 à Choisy-le-Roy. Elle est née le 17 septembre 1912 à Paris 14ème et travaille comme artisane couturière. Le couple a une fille, Monique, qui naît le 25 février 1933.
Maurice Fontès travaille à la Société des moteurs Gnome et Rhône / Industrie de matériel de guerre, au 68 – 86 boulevard Kellermann, quartier Maison Blanche Paris XIIIème (future SNECMA).
Il adhère à la CGT (1) et au Parti communiste pendant les grèves de 1936. Il est le secrétaire d’une des cellules de l’entreprise (il côtoie dans cette usine Lucien Godard, Marceau Tellier et Henri Marti qui seront déportés avec lui à Auschwitz).
Il participe, comme 80 % des 225 000 métallos parisiens à la grève du 7 septembre 1937 pour la levée de l’embargo des armes vers l’Espagne républicaine en lutte contre la rébellion du général Franco. Lors du recensement de 1936, il est au chômage, sa femme étant couturière à domicile.

Des canons, des avions pour l’Espagne,1937 manifestation à Paris

Maurice Fontès s’engage dans les Brigades Internationales durant la guerre d’Espagne, le 14 février 1938. Il est affecté à la 14ème Brigade, au sein d’une compagnie de sapeurs.
La 14ème brigade internationale, retirée du front le 19 octobre 1937 après avoir perdu 1200 hommes à la bataille de La Cuesta de la Reina, passe sous le commandement du français
Marcel Sagnier. Maurice Fontès devient sergent à la première section des sapeurs (3).
Il est grièvement blessé à Alicia-Valldeperz le 20 juillet 1938. Il est évacué et hospitalisé à Cambrils, où il est amputé d’une jambe, puis à Terrassa, et ensuite à Vic à cause de l’avancée des troupes franquistes. Le 8 décembre 1938, il est « récusé comme « inutile total » par la commission de réforme de Barcelone » (Le Maitron).
lire dans le site : Liste des « 45000 » ayant combattu pour l’Espagne Républicaine (1936-1938)

Maurice Fontès. Photo Gnome et Rhône

De retour en France, « Il est réembauché à l’usine du boulevard Kellermann de la SMGR le 16 mai 1940 et « porté sorti » lors de « l’exode » au 30 juin 1940  » In « Gnôme et Rhône : 39-45 parcours de 67 salariés » P. 98.

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France.. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne et les départements voisins les jours suivants.  Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Note de service des RG 23 décembre 1941

Maurice Fontès est arrêté le 24 décembre 1941, victime selon certains témoignages, d’une dénonciation. Il est alors domicilié au 32, avenue Anatole France à Choisy-le-Roi.

Mais il s’agit en fait d’une rafle qui concerne les anciens membres des Brigades internationales connus des services de police. Maurice Fontès est conduit comme la plupart de ses camarades anciens brigadistes à la caserne des Tourelles (4).
Parmi les 20 brigadistes de la région parisienne déportés à Auschwitz dont nous connaissons pour le moment les dates d’arrestation, 7 autres de ses camarades sont arrêtés dans la même période (du 23 au 25 décembre).
Il s’agit de Jean Cazorla d’Aubervilliers, Elie Delville de Paris 19ème, Fernand Godefroy d’Epinay, Raymond Legrand de Paris 3è, Louis, Pierre Piazzalunga de Bondy, André
Steff de Vanves
, Fernand Tilliet de Vanves.

Le 5 mai 1942, à la demande des autorités allemandes, Maurice Fontès est transféré au camp allemand de Compiègne (le Frontsatalg 122) avec 24 autres internés. Ils sont convoyés par des gendarmes français. A Compiègne, il est  choisi par les Allemands comme otage à déporter et  jugé  « apte  au travail », malgré sa jambe de bois.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». Le 6 juillet, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.

Depuis le camp de Compiègne, Maurice Fontès est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Le 8 juillet 1942, Auschwitz I

Maurice Fontès est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45550».
Ce numéro que je lui avais attribué comme hypothèse de travail semble pouvoir être validé en comparant la photo d’immatriculation correspondant à ce numéro avec sa photo d’avant-guerre.

Maurice Fontès meurt à Birkenau le 10 octobre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp
d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 300). La mention «Mort en déportation» est apposée sur son acte de décès, arrêté du 10 avril 2009, paru au Journal Officiel du 18 juin 2009.
Il est homologué comme « Déporté politique » et déclaré « Mort pour la France » le 23 mai
1951.
Maurice Fontès est homologué comme Résistant, au titre de la Résistance Intérieure Française (RIF) comme appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL).
Cf. service historique de la Défense, Vincennes  GR 16 P 228118.
Son nom et son parcours avant guerre sont mentionnés dans un article du bulletin municipal « Choisy Info » n°143 (avril 2011), consacré aux déportés de Choisy du convoi du 6 juillet 1942, avec une interview de Fernand Devaux .

  • Note 1 : La CGT des métaux est restée adhérente à la FSI (Fédération syndicale internationale) au moment de la réunification de la
    centrale ouvrière en 1936. Cette fédération a joué un rôle important dans l’orientation de la CGT concernant la Guerre d’Espagne.
  • Note 2 : « La CGT française adresse au peuple espagnol et à l’UGT l’expression de son admiration fraternelle pour sa lutte contre la réaction et le fascisme. Elle assure le prolétariat espagnol de sa complète solidarité et lui affirme sa conviction profonde que la levée en masse des travailleurs sera victorieuse des factieux et des généraux du coup d’État […]. Travailleurs espagnols, nos frères, les travailleurs groupés dans la CGT française sont avec vous entièrement de cœur et d’esprit dans cette bataille contre l’oppression. » Adresse de la CGT au peuple espagnol, Le Peuple, 24 juillet 1936.
  • Note 3 : La 14ème brigade participe à la contre offensive sur le front de l’Ebre. Elle est engagée à Caspe le 14 mars 1938, mais doit se retirer jusqu’à la rivière Guadalupe et au Matarrana. La brigade tente d’organiser la résistance entre Calaceite et Caseres mais est de nouveau repoussée jusqu’à Gandesa. Le 18 mars, la XIVème Brigade couvre les Brigades Internationales qui traversent l’Ebre près de Tortosa. Henry Rol-Tanguy est nommé commissaire politique de la brigade.
  • Note 4 : Le « centre de séjour surveillé » des Tourelles : Ouvert d’abord aux Républicains espagnols, entassés par familles entières, aux combattants des Brigades internationales, interdits dans leurs propres pays. Les rejoignent de nombreux réfugiés d’Europe centrale fuyant la terreur nazie, des indésirables en tous genres, y compris, bien sûr, les indésirables français : communistes, gaullistes et autres patriotes (on ratissait large), juifs saisis dans les rafles, «droit commun» aux causes bien datées (marché noir). France Hamelin in Le Patriote Résistant N° 839 – février 2010. Ce Centre de séjour surveillé fonctionne dans l’ancienne caserne d’infanterie coloniale du boulevard Mortier à Paris. En 1942, deux bâtiments seulement étaient utilisés, un pour les hommes et un pour les femmes. Ils étaient entourés de fil de fer barbelé. Chaque bâtiment disposait de 3 WC à chasse d’eau, largement insuffisants. Des latrines à tinette mobile étaient en outre disposées dans l’étroit espace réservé à la promenade. La nuit, une tinette était placée dans chaque dortoir. C’est peu dire les conditions épouvantables imposées à des internés dont le nombre variera de 400 à 600 personnes. A cela s’ajoutait une sous-alimentation chronique entraînant bon nombre de maladies : entérites
    gastro-intestinales, affections cardiaques, tuberculose… © In site Internet Association Philatélique de Rouen et Agglomération.

Sources

  • « La CGT et la guerre d’Espagne (1936-1939) » article de Morgan Poggioli in © cahiers de l’IHS-CGT.
  • Archives en ligne de Paris et Choisy-le-Roi, état civil, registre matricule militaire de son père, fiches élections et recensement à Choisy.
  • Dossier de Maurice Fontès à la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC), Université Paris Ouest Nanterre La Défense (ex Université Paris X Nanterre).
  • Death Books from Auschwitz (registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
  • Le Maitron, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom édition 1997.
  • © Archives en ligne du Val de Marne
  • Photo d’immatriculation à Auschwitz : Musée d’état Auschwitz-Birkenau / collection André Montagne.
  • © Mémorial de la Shoah, Centre de documentation juive contemporaine (CDJC). Paris IVème.
  • « Gnome et Rhône : 39-45 parcours de 67 salariés » par Serge Boucheny et Dominique Guyot. Association d’Histoire Sociale CGT de la SNECMA 2018.
  • © Photo du service du personnel de Gnome et Rhône / Archives Safran Aircraft Engines.

Notice biographique mise en ligne en mai 2012, complétée en 2017, 2020 et 2022 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce blog) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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