Jean Christian : né en 1921 à Paris 15ème où il habite ; aide-mécanicien; arrêté le 15 décembre 1940, condamné à 6 mois de prison ; arrêté comme otage le 28 février 1942 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt.
Jean, Adolphe, Christian est né le 13 décembre 1921 à Paris (15ème). Il habite au 54, rue Olivier de Serres à Paris (15ème). Il est le fils de Paulette Chauchard et d’Adolphe Christian son époux. Célibataire,
il est aide-mécanicien, au chômage au moment de son arrestation. Pendant l’interrogatoire par la Brigade spéciale, il se déclare étudiant.
Conscrit de la classe 1941, il n’est pas mobilisé à la déclaration de guerre.
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
On sait par les procès verbaux d’interrogatoire du commissariat du 15ème, qu’il fait partie depuis septembre 1940 d’un groupe de quatre jeunes
communistes « placés sous l’autorité de Jeannine Gagnebin, à savoir Nicolaï, Paul Gianni et lui-même ».
Jean Christian est arrêté le 15 décembre 1940, vers 22 heures en flagrant délit de collage d’affichettes « pour que vos enfants aient du pain », rue
des Volontaires, par des agents cyclistes du commissariat Saint-Lambert du 15ème arrondissement. Lire dans le site détails du procès des « JC » des 14ème et 15ème arrondissements de Paris. Si Camille Gianni, qui participe au collage avec lui, réussit à s’enfuir, Jean Christian est arrêté et emmené au commissariat de police Saint-Lambert du 15ème arrondissement.
« Les agents ramassèrent quatre exemplaires de l’affiche en question. Cinq exemplaires ronéotypés de l’Humanité. Un exemplaire du numéro 85 du même journal. Un écrit dactylographié de quatre pages intitulé « Union des comités populaires des jeunes chômeurs de Paris » qui donne des renseignements de nature à favoriser le développement des comités populaires de jeunes chômeurs. 15 bons à tarif réduit du comité populaire pour les jeunes chômeurs. Fouillé, Jean Christian fut trouvé porteur de quinze bons à tarif réduit, de deux papillons gommés portant la suscription « Pas de camp de Travail ! Du travail ! » (Extraits du Procès verbal d’arrestation).
Pendant qu’il est interrogé par le commissaire de police, le domicile de Jean Christian est perquisitionné : des écrits communistes sont saisis ainsi qu’un carnet de poche où il notait des noms et portait des indications sur les différents chefs de groupe. « C’est par la perquisition faite chez lui que Jean Christian avoua le rôle qu’avait chaque co-inculpé ici présent » (audience du 1er mars 1941).
Jean Christian reconnaît faire partie d’un groupe de quatre jeunes communistes « anciens camarades d’école » (minutes du procès) : Jean Nicolaï (qu’il a connu à l’école Jean Baptiste Say, selon les minutes du procès), Paul Gianni et Jeannine Gagnebin âgée de 24 ans, dont il affirme qu’elle en est la responsable. Il désigne comme chefs de groupe Julien Baudois et Camille Gianni. Suzanne Helembrand serait la responsable politique de l’arrondissement et Jean Nicolaï chargé du secteur des jeunes chômeurs. Le flagrant délit, la perquisition et l’interrogatoire ont très certainement entraîné un marchandage entre Jean Christian et les policiers. En effet, lors du procès, Suzanne Helembrand, dira d’ailleurs « j’ai la certitude qu’il nous a fait tous arrêter pour éviter l’arrestation d’un être cher ».
Christian est incarcéré à la Santé le 19 décembre 1940. Il est jugé avec ses co-inculpés le 1er mars 1941 au tribunal de 1ère instance du département de la Seine, police correctionnelle, 15ème chambre. Il est condamné à 6 mois de prison.
Il est libéré en mai 1941, une fois sa peine effectuée. Il est exclu des Jeunesses communistes clandestines pour avoir collaboré avec la police.
Il s’engage alors comme volontaire pour travailler en Allemagne le 25 septembre 1941 (archives au DAVCC de Caen).
A son retour en France, il est arrêté à nouveau le 28 avril 1942 avec deux de ses co-inculpés du procès du 1er mars 1941 (Paul Gianni et Jean Nicolaï), comme otage, lors d’une rafle concernant tout le département de la Seine et visant des militants du Parti communiste clandestin ou considérés comme tels.
Lire dans le site La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942).
Suivant cette politique des otages, les autorités d’occupation ordonnent l’exécution d’otages déjà internés et le 28 juin, arrêtent 387 militants (avec le concours de la police parisienne), dont la plupart avaient déjà été arrêtés une première fois par la police française pour « activité communiste » depuis l’interdiction du Parti communiste (le 26 septembre 1939) et libérés à l’expiration de leur peine. Les autres sont connus ou suspectés par les services de Police. Il s’agit de représailles ordonnées à la suite d’une série d’attentats à Paris (le 20 avril un soldat allemand de première classe est abattu au métro Molitor, deux soldats allemands dans un autobus parisien, le 22 avril un militaire allemand est blessé à Malakoff). Lire le témoignage de Claude Souef : La rafle des communistes du 28 avril 1942 à Paris.
Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (le Frontstalag 122).
Jean Christian reçoit le matricule n° 4081 à Compiègne. Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Jean Christian est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation lors de son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu. Le numéro « 45686 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes
pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage le plus récent, « Triangles rouges à Auschwitz ».
On ignore la date exacte de sa mort (qui a lieu en tout état de cause avant août 1943, date à laquelle les survivants du convoi sont regroupés au Block 11 d’Auschwitz I).
- Note : Il y a eu inversion dans les PV d’interrogatoires de son prénom et de son nom : il y est appelé Christian JEAN.
Sources
- Bureau de la Divisions des Archives des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel consulté).
Recherches faites pendant des années aux archives de la police par André Deslandes sur le procès des 1940 des Jeunes communistes des 14ème et 15ème arrondissements, pour la mémoire de son frère René Deslandes et des jeunes communistes des 14ème et 15ème - © Photo de la porte d’entrée du camp d’Auschwitz : Musée d’Auschwitz-Birkenau.
Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une notice succincte rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
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