Marcel Algret : né en 1918 à la maternité de l'hôpital Lariboisière à Paris 10è ; domicilié à Saint-Ouen (Seine / Seine-St-Denis) ; typographe ; communiste ; arrêté le 26 octobre 1940 ; condamné à 3 mois de prison avec sursis après appel ; écroué à la Santé, interné aux camps de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 18 septembre 1942.
Marcel Algret est né le 18 juillet 1918 à la maternité de l’hôpital Lariboisière à Paris 10è. Il est le fils de Suzanne Algret, 28 ans, ménagère, qui reconnaît son enfant le 5 août. Elle habite au 9, rue Pouchet à Paris 17è. Il habite au 26, rue Martin Levasseur à Saint-Ouen (Seine / Seine-St-Denis), et depuis un an dans un hôtel de la même ville, au 6 place Peyret, au moment de son arrestation par la Brigade Spéciale des Renseignements généraux. Il travaille comme manœuvre.
Marcel Algret est membre des Jeunesses communistes de 1928 à 1935.
Il adhère au Parti communiste en 1935.
Appelé au service militaire, il est « réformé définitif » en 1938.
Le 13 juin 1940 l’armée allemande occupe Saint-Denis, puis Saint-Ouen. Le 14 juin, l’armée allemande occupe Drancy et Gagny et entre par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Marcel Algret est sans emploi depuis juin 1940.
Le 26 octobre 1940, il est arrêté pour «détention et distribution de tracts» à la suite d’une enquête menée par la BS (« recrudescence de propagande communiste clandestine, tracts et papillons gommés« ). En effet, le commissaire principal des Renseignements généraux, André Baillet a chargé deux inspecteurs de la Brigade spéciale (lire La Brigade Spéciale des Renseignements généraux) de « procéder à une enquête en vue de découvrir la source des tracts clandestins d’inspiration communiste et des papillons gommés de même caractère distribués et collés dans certaines parties de la périphérie et plus particulièrement à Saint-Ouen ».
Cette enquête a entraîné l’arrestation de plusieurs militants communistes, dont Marcel Algret.
Le registre journalier de la Brigade spéciale des Renseignements généraux en date du 27 octobre rapporte l’arrestation par 12 inspecteurs des RG de Marcel Algret le 26 octobre 1940 en même temps que 6 autres militants : Maurice Alexis, André B., Martial Charpentier (déporté à Sachsenhausen en 1943, rescapé), Jean Pelletier (déporté « NN » à Mauthausen, décédé à Dora en mars 1945) et Maurice Massé (né en 1898, Maurice Massé est déporté « NN » en mai 1942 à Louvain, Aix-la-Chapelle puis Mauthausen.
Rescapé). On notera le prénom de Julien porté sur le registre. Mais il s’agit manifestement d’une erreur : les PV des Renseignements généraux mentionnent le surnom de « père Massé » pour l’homme qui reconnaît remettre des tracts à Marcel Algret et qui habite le même hôtel que lui. Julien Massé, déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942, est lui âgé de 19 ans, habite Vitry et travaille dans le 13è arrondissement. Il est arrêté en mai 1941 par la BS1 des RG.
Les inspecteurs ont trouvé de nombreux tracts dans la chambre de Marcel Algret.
Il est inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939. « Arrêté à son domicile. Détenteur de tracts. En relation avec Massé fiché d’autre part. Inscrit aux JC de 1928 à 1935 et au PC depuis cette date. Appartenait à la cellule de chez Alsthom à Saint-Ouen. Perquisition fructueuse, envoyé au Dépôt». Condamné à une peine de prison, il fait appel du jugement. Le 3 février 1941, la Cour d’appel de Paris le condamne à trois mois de prison avec sursis.
Il n’est pourtant pas libéré (2) : le préfet de police de Paris, Roger Langeron, signe un arrêté ordonnant son internement administratif le 4 février 1941. Il est interné au Camp de Rouillé (1).
Lire dans ce site : le camp de Rouillé
Le 11 avril 1941 les Renseignements généraux, adressent pour information aux services du nouveau Préfet de police de Paris – Camille Marchand – entré en fonction le 19 février 1941, une liste de 58 « individus » internés administrativement pour propagande communiste par arrêtés du Préfet de Police Roger Langeron, qui a cessé ses fonctions le 24 janvier 1941. 38 d’entre eux ont été condamnés pour infraction au décret du 26 septembre 1939 (reconstitution de ligue dissoute / dissolution du Parti communiste). Les RG mentionnent pour Marcel Algret outre ses dates et lieu de naissance : « Arrêté le 25 octobre 1940 pour détention et distribution de tracts et condamné le 3 février 1941 par la cour d’appel de Paris à 3 mois de prison avec sursis ».
Lire le rôle de La Brigade Spéciale des Renseignements généraux dans la répression des activités communistes clandestines.
Le 18 mars 1942, il fait partie du petit groupe de 13 jeunes communistes du camp de Rouillé qui – à la demande des autorités allemandes – sont transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) en vue de leur déportation comme otage : Il s’agit de Marcel Algret, Maurice Alexis, Henri André, Jean Bach, Roger Desjameau, Louis Faure, René Faure, Georges Guinchan, Faustin Jouy, Henri Migdal, Marcel Nouvian, qui sont tous déportés à Auschwitz. André Giraudon, de Bourges, est fusillé à Compiègne le 10 mai 1942.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Marcel Algret est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation lors de son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu. Il pourrait néanmoins s’agir du matricule « 46 213 ». Mais la photo du déporté portant ce numéro matricule prise à Auschwitz lors de la séance d’immatriculation le 8 juillet 1942, n’a pas été retrouvée, aucune comparaison avec sa photo d’avant-guerre n’est donc possible.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.
Marcel Algret meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 21). Ce certificat porte comme cause du décès «Phlegmon ». L’historienne polonaise Héléna Kubica explique comment les médecins du camp signaient en blanc des piles de certificats de décès avec «l’historique médicale et les causes fictives du décès de déportés tués par injection létale de phénol ou dans les chambres à gaz». Il convient de souligner que cent quarante-huit «45 000» ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz les 18 et 19 septembre 1942, ainsi qu’un nombre important d’autres détenus du camp enregistrés à ces mêmes dates. D’après les témoignages des rescapés, ils ont tous été gazés à la suite d’une vaste sélection interne des inaptes au travail, opérée dans les blocks d’infirmerie.
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
Marcel Algret a été homologué « Déporté politique ». La mention «Mort en déportation» est apposée sur son acte de décès, arrêté du 24 mars 1987, paru au Journal Officiel du 15 mai 1987.
- Note 1 : La date de naissance inscrite à Auschwitz est celle du 18 juillet 1918. Celle du 18 août est inscrite au Journal Officiel.
- Note 2 : Pendant l’Occupation, le gouvernement du maréchal Pétain poursuit la lutte anticommuniste en utilisant le décret Daladier du 18 novembre 1939. La circulaire de Peyrouton, ministre de l’Intérieur du 19 novembre 1940 permet d’élargir l’internement administratif : la découverte de tracts extrémistes sur le territoire d’une commune entraînera l’internement administratif des militants communistes notoirement connus, à moins qu’ils ne soient déjà poursuivis judiciairement en vertu d’une procédure dument engagée. (AN FIA-3678). Lire l’article très documenté et illustré sur le blog de Jacky Tronel (Histoire pénitentiaire et justice militaire) : Circulaire d’application du décret-loi du 18 novembre 1939 |
- Note 3 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. Il a été fermé en juin 1944. In site de l’Amicale de Chateaubriant-Voves-Rouillé.
Sources
- Archives de la Préfecture de police, Cartons occupation allemande, BA 2374. Carton Brigades Spéciales des Renseignements
généraux (BS1), par dérogation aux Archives de la Préfecture de police de Paris. Fichier photo, Préfecture de police de Paris 2017. - Liste de détenus transférés du camp de Rouillé vers celui de Compiègne en mai 1942. Archives du Centre de documentation juive contemporaine : XLI-42).
- Liste de noms de camarades du camp de Compiègne, collectés avant le départ du convoi et transmis à sa famille par Georges Prévoteau de Paris XVIIIème, mort à Auschwitz le 19 septembre 1942 (matricules 283 à 3800) (DAVCC).
- Death Books from Auschwitz (registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Liste des détenus ayant été soignés à l’infirmerie d’Auschwitz (DAVCC. Ausch 3/T3).
- © Site Internet Légifrance.gouv.fr
Notice biographique rédigée à partir d’une notice succincte pour le 60è anniversaire du départ du convoi des « 45 000 », brochure répertoriant les “45 000” de Seine-Saint-Denis, éditée par la Ville de Montreuil et le Musée d’Histoire vivante, 2002, complétée en novembre 2007 (2014, 2019, 2020, 2022 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45 000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45 000 », éditions Autrement, Paris 2005 (dont je dispose encore de quelques exemplaires pour les familles). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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