Gaby Ponty : né en 1921 à Paris 14ème où il habite ; monteur automobile ; communiste ; arrêté le 19 avril 1941, prison de la Santé, relaxé en juillet ; arrêté comme otage le 28 février 1942 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 2 novembre 1942.
Gabriel Ponty (Gaby) est né le 17 décembre 1921 à Paris (14ème). Il habite au 17, rue des Thermopyles à Paris (14ème) , dans l’ancien logement de ses parents, au moment de son arrestation. Il est le fils de Françoise Picaud, 27 ans, lingère et de Gabriel, Alphonse Ponty, 27 ans, imprimeur-typographe, son époux. ses parents sont originaires de Limoges (son père, est entré comme apprenti typographe aux éditions Royer, à Paris, dès 1894).
Il a une sœur aînée, Andrée, née en 1908 (1).
Ses parents habitent au 37, rue Polonceau (quartier de la Goutte d’or, Paris 18ème), avant de s’installer au 2, rue du Général Humbert, dans le quartier Plaisance du 14ème.
Il est un bon élève (les archives du PCF de Seine-Saint-Denis qui conservent les archives versées par sa sœur disposent de ses inscriptions aux tableaux d’honneur et au certificat d’études primaires de 1929 à 1935).
Gabriel Ponty est célibataire et travaille comme ouvrier spécialisé sur machine, puis comme monteur aux « Usines d’automobiles Unic », ancien quai National, devenu quai De Dion-Bouton, à Puteaux (Seine / Hauts-de-Seine).
L’usine de Puteaux s’est spécialisée depuis 1930 dans les véhicules industriels.
Il y côtoie deux autres militants qui seront déportés avec lui dans le convoi du 6 juillet 1942, Lanvert André, responsable de la cellule du P.c. et Jules D’Haese qui y travaille comme chauffeur.
En 1936, il habite chez ses parents. Son père, ouvrier typographe est au chômage. Il retrouve du travail comme gardien à la Foire de Paris et sa mère, lingère à l’origine, est concierge dans le 14ème arrondissement de Paris.
Militant des Jeunesses Communistes, Gariel Ponty est responsable de la propagande en direction des jeunes chômeurs.
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Gabriel Ponty est sportif : il est footballeur à l’Union sportive du 14ème arrondissement qui va servir de couverture à des activités de propagande de la Jeunesse communiste à partir de l’interdiction des organisations communistes (26 septembre 1939), mais il dispute vraiment les rencontres et participe à des championnats avec René Deslandes.
En septembre 1941, René Deslandes, responsable des Jeunesses communistes clandestines, va affilier son ancien club omnisports « Jean Jaurès », au « groupement Borotra » et à la FSGT collaborationnistes, afin de faciliter ainsi le regroupement des jeunes communistes.
Le « club sportif omnisports du 14ème » va permettre aux jeunes communistes, dont beaucoup étaient membres du précédent club et des Auberges de jeunesse de se réunir au grand jour. Plusieurs des jeunes du 14ème qui y sont licenciés seront déportés avec lui à Auschwitz ou fusillés (2).
« 1941 : les jeunes de « l’Union Athlétique du 14ème » et des auberges de jeunesse, font la chasse aux armes, participent à des sabotages, à des destructions de véhicules : Porte d’Auteuil, incendie de 3 camions et d’une automitrailleuse ». Fernand Leriche (instituteur, ancien membre du bureau de la section des JC du 14ème).
On sait par le dossier constitué par André Deslandes, frère de René Deslandes, que Gabriel Ponty est membre de ce groupe actif, qui réussit plusieurs actions contre des installations allemandes.
Il effectuait un « travail spécial » selon sa sœur aînée, Andrée Ponty qui sera pendant l’Occupation responsable régionale de la région Est pour « le travail parmi les femmes », avec Andrée Aubert et Simone Parouty, puis responsable politique et « marrainage » des FTP sous le pseudonyme de Claude.
« Andrée Ponty avait un jeune frère, Gabriel, né en 1921. Jeune résistant communiste, il participe à de nombreuses actions, notamment contre la librairie allemande du boulevard Saint-Michel et de la librairie italienne du boulevard Saint-Germain. Poursuivi une première fois pour propagande communiste (selon la loi du 26 septembre 1939), détenu à la Santé après le mandat de dépôt établi par le juge d’instruction Pierre Turquez, il est relaxé en juillet 1941. Mais il est arrêté le 28 avril de l’année suivante, interné à Compiègne, et finalement déporté ». In fonds Andrée Ponty, archives du Parti communiste.
Gabriel Ponty est arrêté une première fois le 19 avril 1941 pour distribution de tracts. Il est incarcéré sur mandat de dépôt établi par le juge d’instruction Pierre Turquez pour infraction au décret du 26 septembre 1939 (reconstitution de ligue dissoute) : il est détenu à la Santé le 20, puis à Fresnes le 21 avril. Il est relaxé le 2 juillet 1941 par la la 12ème chambre du tribunal correctionnel de la Seine ( les archives du PCF de Seine-Saint-Denis conservent une lettre qu’il adresse à son employeur à la suite des poursuites engagées contre lui et sa relaxe).
Il est à nouveau arrêté le 28 avril 1942, comme otage, à son domicile, par un Feldgendarme et un inspecteur français, lors d’une rafle concernant tout le département de la Seine et visant des militants du Parti communiste clandestin ou considérés comme tels. Lire dans le site La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942). Suivant cette politique des otages, les autorités d’occupation ordonnent l’exécution d’otages déjà internés et le 28 juin, arrêtent 387 militants (avec le concours de la police parisienne), dont la plupart avaient déjà été arrêtés une première fois par la police française pour « activité communiste » depuis l’interdiction du Parti communiste (le 26 septembre 1939) et libérés à l’expiration de leur peine. Les autres sont connus ou suspectés par les services de Police. Il s’agit de représailles ordonnées à la suite d’une série d’attentats à Paris (le 20 avril un soldat allemand de première classe est abattu au métro Molitor, deux soldats allemands dans un autobus parisien, le 22 avril un militaire allemand est blessé à Malakoff). Lire le témoignage de Claude Souef : La rafle des communistes du 28 avril 1942 à Paris. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (le Frontstalag 122).
Gabriel Ponty est interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122) le 28. A Compiègne il porte le matricule « 4063 ».
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Gabriel Ponty est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000». Depuis le wagon qui l’emmène vers Auschwitz ce 6 juillet 1942, il écrit ces quelques lignes à sa mère et à sa sœur sur un bout de papier jeté sur les voies : « Ai quitté camp Compiègne pour destination inconnue (Mourmelon ou Allemagne). Santé bonne. N’ayez aucune inquiétude. Gaby».
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation lors de son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu.
Le numéro « 46001 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai reconstituées, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
René Aondetto et Emmanuel Michel ont témoigné l’avoir connu à Birkenau. Selon le témoignage de Lucien Penner, un de ses camarades de déportation, il serait décédé dans le courant du mois de décembre 1942, «exténué de fatigue et atteint du typhus ».
Gabriel Ponty meurt le 2 novembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2
page 956). La mention Mort en déportation est apposée sur son acte de décès (arrêté du 6 janvier 2012 paru au Journal Officiel du 4 mars 2012). Cet arrêté qui corrige pourtant le précédent porte encore une date erronée : « Décédé le 1er décembre 1942 à Auschwitz (Pologne) et non en septembre ou
octobre 1942 à Auschwitz (Pologne)« . Il est vraiment incompréhensible qu’une rectification réintroduise une nouvelle erreur, alors que le Musée d’Auschwitz peut fournir le certificat de décès. Il serait donc souhaitable que le ministère prenne en compte par un nouvel arrêté la date portée sur son certificat de décès de l’état civil d’Auschwitz, accessible depuis 1995 (Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau).
La sœur de Gabriel Ponty a déposé une demande d’homologation au titre de la Résistance intérieure française pour son frère (service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 526688 R), comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance (Front national).
Mais il n’y a pas d’homologation correspondant à l’une des cinq catégories de Résistants (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL) sur la base de données du SHD.
- Note 1 : Andrée Ponty « Dédée », est née le 18 mai 1908 à Paris 18ème (elle est décédée en 1992 à Limeil-Brévannes). « Andrée Ponty, gravite dès son enfance dans les organisations ouvrières parisiennes. Elle est pupille des coopératives entre 1920 et 1922, puis participe au théâtre et à la chorale de la Bellevilloise entre 1925 et 1928. En 1929, elle milite au Comité de défense de l’Humanité et au Secours rouge. C’est en 1932 qu’Andrée Ponty adhère au PCF, dans le 14ème arrondissement. Entre 1933 et 1939, elle est trésorière de la cellule des Thermophyles, secrétaire de l’Union de femmes contre la misère et la guerre, elle milite au Comité Amsterdam – Pleyel. Pendant la guerre d’Espagne, elle entretient une correspondance avec certains de ses camarades engagés dans les Brigades internationales. Depuis 1923, elle travaillait dans la confection chez différents tailleurs parisiens. A la déclaration de guerre, Andrée Ponty est secrétaire de cellule. En septembre 1939, pour échapper à la répression qui touche les communistes, elle part pour Bordeaux, puis revient à Paris un an plus tard. Entre 1941 et 1942, elle est responsable du travail parmi les femmes du 14ème arrondissement. Son rôle est d’établir un réseau de résistantes pour la diffusion de tracts et d’organiser des comités populaires féminins. Elle participe aux manifestations de la rue Daguerre et du marché Villemain. Après l’arrestation de son frère en 1942, Andrée Ponty devient responsable régionale de la région Est pour le travail parmi les femmes, avec Andrée Aubert et Simone Parouty, puis « responsable politique et marrainage » des FTP sous le pseudonyme de Claude. Pendant ces années, elle assure la liaison entre les comités UFF de la région. Pendant l’insurrection parisienne, elle est chargée, à Paris, du travail parmi les femmes dans les 1er, 2ème, 3ème, 4ème, 9ème et 10ème arrondissements de Paris. A la Libération, tout en continuant à militer, Andrée Ponty travaille dans différentes structures proches du PCF : France-Urss (1945-1949), Editions sociales (1951) puis aux éditions Vaillant pendant 20 ans (Pif Gadget) ». in Archives du PCF de Seine-Saint-Denis.
« La dignité de « combattant volontaire de la Résistance (…) entraînait l’appartenance à une élite et l’octroi de privilèges matériels. Très peu de femmes étaient éligibles et beaucoup furent rejetées. Andrée Ponty, militante des comités populaires d’inspiration communiste et participante à la manifestation de la rue Daguerre, s’entendit répondre en 1975 (pour l’obtention du titre de « Combattant volontaire de la Résistance. C.C.H. ») qu’il n’y avait pas de preuves suffisantes dans son dossier « d’une présence en unité combattante et d’une activité résistante suffisante au regard des dispositions des articles R224, A119 et A13 du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre » (in « Comment sont-ils devenus résistants », Robert Giléa, éd. Les Arènes). - Note 2 : Albert Faugeron, Jean Hugues, Pierre Le Jop, Jean Nicolaï, Gabriel Ponty (Gaby). Certains d’entre eux sont membres des « Bataillons de la jeunesse » et seront fusillés dans le cadre du Procès de la Maison de la Chimie : Georges Amable, André Aubouet, Raymond Tardif.
Sources
- Témoignage d’Andrée Ponty, « Dédée » sa sœur, recueilli par Roger Arnould le 26 janvier 1973. On trouvera sur Internet une biographie d’Andrée Ponty (in Archives du Parti communiste, Fonds Andrée Ponty, archives de Seine-St-Denis, 274 J 1-3. Notice Pierre Boichu).
- Dossier d’André Deslandes. Musée de la Résistance nationale (Champigny).
- M. Joseph Reiss (lettre du 28 décembre 1987) a recueilli le témoignage d’Andrée Ponty en maison de retraite à Limeil-Brévannes.
- Photos d’avant-guerre (Andrée Ponty).
- Etat-civil de la Mairie du 14ème, 26 janvier 1989.
- Liste d’André Deslandes. Revue d’Histoire du 14ème arrondissement de Paris, n° 29 (1984-85).
- © Photo de Birkenau : Musée d’Auschwitz-Birkenau.
- Archives en ligne de Paris 18è et 14è. Etat civil et recensements.
Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une notice succincte rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com