Matricule « 46 109 » à Auschwitz

Olivier Souef  In  © Pierre Daix « Dénis de Mémoire »
Olivier Souef ©  Dominique Thuillier-Laudijois et Pierre Laudijois

 

 

Olivier Souef : né en 1921 à Paris 14ème ; domicilié à Paris (6ème) ; étudiant ; dirigeant des étudiants communistes parisiens ; arrêté le 26 novembre 1940, puis le 28 avril 1942 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 9 août 1942.

Olivier Souef (alias Georges Olivier dans la Résistance), est né le 26 juin 1921 à Paris 14ème.  Son domicile officiel est au 7, rue de Tournon à Paris (6ème), où il habite momentanément avec son frère cadet d’un an, Claude au moment de son arrestation.
Lire dans le site : La rafle des communistes, 28 avril 1942 à Paris, l’arrestation de Claude et Olivier Souef.

Il est le fils d’Angèle Gaudefroy, violoniste et d’Édouard Souef, comptable.  
« Fils d’un comptable dans une banque (ancien sympathisant « Croix de feu) » et d’une violoniste (sympathisante communiste), Olivier Souef fut élevé par surtout sa mère concertiste et ne fut donc pas influencé par les idées conservatrices du père. Il suivit l’école primaire à Athis-Mons (Seine-et-Oise / Essonne) au groupe Pasteur puis vint à Paris en 1932 et s’inscrivit au lycée Rollin. Engagé dans le sillage du mouvement communiste, il prit, à la demande de ses parents, un pseudonyme. Son adhésion aux Jeunesses communistes date d’avril 1936, sans doute dans le contexte de la campagne électorale qui conduisit à la victoire du Front populaire. Malade, il ne milita qu’à partir de janvier 1937. Il entra en 1938 ou début 1939 au comité régional des JC. En 1937, il avait participé à la création d’une organisation qu’il qualifie de « démocrate », « Lycéens de Paris ». Il en était le secrétaire général début 1939. Cette organisation était liée à l’Union fédérale étudiante (UFE), proche du Parti communiste. Le Parti communiste reçut son adhésion en mai 1938 et l’affecta à la cellule Delta du IXe arrondissement de Paris. Étudiant en lettres à la Sorbonne depuis mars 1939, Olivier Souef appartint au premier Bureau national de l’Union des étudiants communistes formée en avril 1939« . (Le Maitron notice de Claude Pennetier).

Olivier Souef est célibataire. Son frère Claude le décrit comme « un jeune homme blond, les yeux bleus, grand (1m 83), l’air décidé« .
Ses amis le surnommaient l’Incorruptible ou Robespierre (Marie-Elisa Cohen), ou le Bolchevik de silex d’après Ginette Cros (3).
Les citations en italique bistre de cette notice biographique sont tirées des différents témoignages de son frère Claude Souef, interné à Compiègne en même temps que lui d’avril à juin 1942 et qui fut par la suite journaliste à « l’Humanité » et cinéaste.

Dans son dossier du Komintern in  © Le Maitron

« Mon frère s’est engagé politiquement au lendemain du 6 février 1934, plus activement au moment de la Guerre d’Espagne et du Front populaire. Il fut le responsable pour le lycée Rollin (1) des « lycéens antifascistes » qui devinrent plus tard les « lycéens de Paris ». Il en fut le responsable parisien en 1938-1939. Il était également membre des Jeunesses communistes. Lors de la création de l’Union des Etudiants et Lycéens communistes (les 1 et 2 avril 1939) il fut élu membre du bureau de cette nouvelle organisation dont le secrétaire était Pierre Hervé, avec Yvon Djian (2), Francis Cohen, Emma Choury, Yves Moreau, Théanor » (2 bis).

Ginette Cros © Dominique Thuillier-Laudijois

Olivier Souef fait la connaissance de Ginette Cros (3) à Paris « aux Lycéens de Paris ». Initialement inscrite à Fénelon en hypokhâgne, elle s’inscrit au Lycée Rollin pour être plus près d’Olivier Souef.  Pendant la « drôle de guerre », Olivier Souef et Ginette Cros, se retrouvent à Rennes (Ille-et-Vilaine) où l’hypokhâgne et la khâgne du lycée Rollin ont été repliées, ainsi qu’une partie de celles du lycée Henri-IV.
Olivier Souef est responsable des étudiants communistes de la ville, avec Jean Suret-anale,
Ginette Cros Pierre Daix (4) et Jeanne Brunschwig (lire sa notice biographique rédigée par Alain Dalençon dans le Maitron).
La mère d’Olivier Souef est également à Rennes, car l’Orchestre national de France, où elle est violoniste sous la direction du chef d’orchestre Désiré-Émile Inghelbrecht, a été replié dans la capitale bretonne.

Aux environs de Rennes, avril 1940  /  ©  Pierre Daix

Sur la photo ci-contre parue dans le livre de Pierre Daix « Dénis de Mémoire », on reconnaît de gauche à droite : Jean Sirinelli (5), Jean Suret-Canale (6), Olivier Souef et Ginette Cros (3) dont Pierre Daix, qui est derrière eux sur la photo, écrit qu’elle est « la fiancée d’Olivier Souef ». « Je voyais beaucoup Olivier. Nous assistions aux concerts de sa mère qui m’avait totalement adoptée » dira Ginette en 2000. Cette photo est prise lors d’une sortie du groupe du Cercle Laïc au Boël, sur les hauteurs de la Vilaine, en avril 1940, à une quinzaine de kilomètres au sud de Rennes. 

Le cercle laïc « Mélange hétéroclite de carabins, PCB, juridiques, littéraires, anglicistes et khâgneux » ainsi que Ginette Cros l’écrit au dos d’une autre photo prise à la même occasion.
Le groupe, qui agit en liaison avec des étudiants en médecine, fait de l’agitation à la fac, édite des tracts dénonçant le caractère attentiste et impérialiste de la guerre.

Sortie au Boël, au dessus de la Vilaine, avril 1940  © Dominique Thuillier-Laudijois

Le 14 juin 1940, l’ armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population.  La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes défilent sur les Champs-Élysées. Le 17 juin 1940, Rennes est bombardée. Il y a de nombreuses victimes civiles et militaires.
Olivier Souef et Ginette Cros quittent la ville en tandem « avec la cage à tourterelles » accrochée derrière le vélo et se réfugient dans la famille de Ginette, où ses parents l’ont précédée (interview de Ginette Cros).
D’après elle, Olivier Souef, coupé des responsables communistes, a un moment songé à partir en Angleterre.
De retour à Paris en juillet 1940, Olivier Souef reprend ses activités aux Etudiants communistes clandestins, qui se reconstituent « il participe à toutes les actions des EC sur Paris ».
Il poursuit ses études à la Sorbonne à la faculté des lettres, où il obtient une licence de Lettres. A la Sorbonne, Olivier Souef assume des responsabilités au sein de l’UEC avec Claude Lalet. Il parle le russe presque couramment. En même temps, il travaille comme surveillant dans un lycée pour gagner sa vie.

Il est, en 1940, un des principaux animateurs du Mouvement de la Jeunesse communiste. Il s’engage en octobre 1940 comme volontaire dans l’OS, Organisation spéciale armée du Parti communiste clandestin (témoignage de Francis Cohen).
« Pendant toute une période, si son domicile légal est rue de 7, rue de Tournon, il a eu différents domiciles illégaux – il a longtemps habité rue des Petits carreaux (2ème arrondissement), dans un logement que lui avaient laissé les Kehrly, des amis suisses qui avaient regagné leur pays. Mon frère passait parfois rue de Tournon, il lui est même arrivé d’y séjourner plusieurs jours » Claude Souef.

Appel au 11 novembre 1940 © MRN

Lorsque les étudiants et les lycéens communistes se rallient à l’idée d’une manifestation le 11 novembre 1940 devant l’Arc de triomphe à l’Etoile, il participe à l’organisation de celle-ci pour ce qui concerne les étudiants communistes (7).

La Vérité N° 6  du 15 novembre 1941(MRN)

C’est la première grande démonstration de résistance à l’occupation et à la collaboration. Il y a là des lycéens, des étudiants, des professeurs. Le récit varie selon les témoins. « Des lycéens venant à pied, en cortège, déposent des gerbes sur la tombe du Soldat inconnu. La foule est dense. Finalement, la police interdit l’accès au terre-plein. Sur les Champs-Elysées, des incidents se produisent avec des groupes de jeunes fascistes de « Jeune Front » et de la « Garde Française », qui ont leur permanence sur l’avenue. Des voitures et des motos zigzaguent sur les trottoirs, pourchassant les manifestants qui se replient dans les rues voisines. […] . Il y a des tirs de mitrailleuses, des blessés, des arrestations nombreuses ». Témoignage de Claude Souef cité dans L’Humanité du 11 novembre 2001).

« A la suite de cet événement où s’affirme déjà la volonté de résistance d’une partie de la jeunesse, et « après l’Affaire de la Bibliothèque Mazarine » (8) du 20 novembre, des mesures exceptionnelles de recherches dans l’organisation des Etudiants communistes sont prises» (Albert Ouzoulias).
Après l’organisation de filatures, un vaste coup de filet est opéré le 26 novembre 1940 par les hommes de la Brigade spéciale sous les ordres d’André Cougoule (inspecteur, puis commissaire), à l’encontre des étudiants communistes Parisiens. 

Main courante de l’arrestation d’Olivier Souef et 6 de ses camarades, dont Jean Gros qui sera déporté à Auschwitz. On notera la mention « Juif » portée en face de 3 noms, dont celui de Jeanne Brunsnswig, amie de Ginette Cros

Olivier Souef est arrêté par des inspecteurs de la BS, Brigade spéciale des Renseignements généraux (8), le 26 novembre 1940 « missionnés en vue d’identifier et d’appréhender les auteurs de la propagande clandestine communiste dans les milieux universitaires de la capitale et plus particulièrement au quartier Latin, au moyen de tracts, papillons ou brochures «  tendance communiste ».
Une quinzaine d’autres étudiants sont arrêtés le même jour par 6 inspecteurs et l’inspecteur principal « C… » de la BS1. Parmi eux, cités par Claude Souef : Jeanne Brunschwig, Claude Lalet et sa femme Ninette (Eugénie Lory), Pierre Daix, Jean Gros, Jean Claude Levy, Raymond Guglielmo, Hélène Rounder, Ben Aleya, Bob Kirschen, Maurice Delon, Jean Rozynoer et Pierre Kast.

Ginette Cros, qui devait ce 26 novembre porter du matériel chez Jeanne Brunschwig, arrive en retard et se retrouve nez à nez avec « deux flics en imperméables cachou ».
Elle aperçoit alors Annie Crémieux, qui a déjà été fouillée, et joue l’innocente venue apporter un manuel d’allemand à son amie.  
Elle n’est pas arrêtée (mention relaxe sans suite sur la main courante) et passera la nuit à détruire chez ses parents tout matériel compromettant (souvenirs de Ginette Cros).
Claude Lalet, son épouse Eugénie, Maurice Delon (responsable du triangle parisien des E.C.) et Jean Rozynoer (étudiant en médecine qui assure la liaison avec la direction nationale) sont inculpés d’infraction au décret du 26 septembre 1939 (interdisant le Parti communiste) et sont écroués au Dépôt le 26 novembre 1940.

Claude Lalet
Jean Gros

De ce groupe, Jean Gros sera, lui aussi, déporté dans le convoi du 6 juillet 1942, Claude Lalet est fusillé le 22 octobre 1941 à Châteaubriant. 

Lire Interrogatoire d’Olivier Souef par la Brigade spéciale des RG, novembre 1940

Le procès verbal concernant « l’affaire Levy, Ben Aleya, Souef, Gros, Daix, Guglielmo, Brunschwig) est néanmoins éloquent, même s’il note leurs dénégations, il indique : « arrêtés ce jour à la suite d’enquêtes et surveillances qui ont permis d’établir avec certitude leur sympathie agissante vis-à-vis des doctrines communistes et des membres de l’ex-parti communiste ».

L’Œuvre du 29 novembre 1940

La presse collaborationniste se déchaîne : « Une organisation communiste a été découverte chez les étudiants, un important matériel a été saisi et dix-neuf arrestations effectuées » (Marcel Déat dans L’Œuvre du 29 novembre 1940). Le mandat de dépôt est signé le 28 novembre. Olivier Souef est conduit au Dépôt puis incarcéré à la Santé le 29 novembre 1940, inculpé d’infraction aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939.
En prison, Olivier Souef demande à son frère de lui procurer un livre sur les explosifs, car il s’était porté volontaire, avant son arrestation, pour faire partie des groupes armés de la jeunesse communiste. « Ils passent en justice au début du printemps, certains sont relaxés ou libérés leur condamnation étant inférieure au temps passé en prévention ».
Le 2 mars 1941, Olivier Souef est transféré au Dépôt de la Préfecture, d’où il est libéré. 

Jugement de relaxe d’Olivier Souef et Pierre Aleya

Cette libération suscite des interrogations (« mais puisque il est innocent – est on jamais tout à fait innocent ») à la direction clandestine des Etudiants communistes et il est décidé de le mettre à l’écart. 

Olivier Souef et Pierre Daix en 1940

Pierre Daix qui est libéré de la Santé en avril 1941 le raconte dans deux de ses ouvrages (« J’ai cru au matin » et « Dénis de Mémoire ».
Il constate que son camarade n’est pas présent aux rendez-vous, ni aux rattrapages clandestins qu’il lui fixe. Pierre Daix est informé de la décision de mise à l’écart en mai 1941. Convaincu de son innocence (et les PV d’interrogatoire par
la BS le confirment), il en en informe son camarade « j’ai
foncé droit chez Olivier, sans penser même à résister à cette décision injuste
». Celui-ci « tellement communiste, militant modèle et soucieux de le rester dans l’injustice qui le frappa – le Parti avait toujours raison –  qu’il admit cette prise de précaution à son égard ».

Pierre 
Daix qui est recruteur à l’O.S. obtient néanmoins d’Olivier Souef qu’il s’y engage sous un pseudonyme : Georges Olivier. Il reprend alors ses activités « sans entrer dans la clandestinité ». Si son frère connaît peu de choses entre sa sortie de prison et sa seconde arrestation. « Pour des raisons de sécurité il ne nous en parlait peu. Il ne demeurait d’ailleurs pas toujours à son domicile légal ». Pierre Daix (dans « J’ai cru au matin »), Francis Cohen, Jean Suret-Canale et Albert Ouzoulias ont pu témoigner de cette période qu’ils ont vécue.

Olivier Souef participe aux manifestations de juillet et d’août 1941. Le 13 août 1941, avec Pierre Daix, « tous deux porte-drapeaux », il est en tête de la manifestation du boulevard Strasbourg-Saint-Denis, organisée par les Jeunesses communistes en protestation contre les exécutions de José Roig et d’André Masseron (10). Il y a là Danielle Casanova, Camille Baynac, André Leroy, Albert Ouzoulias. Sitôt le premier couplet de la Marseillaise, ils sont pourchassés « il sema mieux que moi les Allemands qui lui couraient après » écrit Pierre Daix, qui est sauvé par un croche pied fait à un Allemand par Henri Gautherot (blessé aux jambes, celui-ci sera pris et fusillé le 19 juillet avec Samuel Tiszelman).

Olivier Souef participe à la décision de la « Jeunesse communiste » (dont l’UELC étudiants et lycéens communistes) de poursuivre la lutte armée malgré la répression. « Souef fut de la réunion au soir du massacre des otages de Châteaubriant, au cours de laquelle nous avions décidé de continuer les actions armées » (Pierre Daix).
Au début de 1942, plusieurs attentats ont lieu à Paris : le 20 avril un soldat de première classe est abattu au métro Molitor et deux autres soldats dans un autobus parisien, le 22 avril un militaire est blessé à Malakoff.
Le 28 avril 1942 les Allemands lancent alors une rafle dans tout le département de la Seine. Elle touche un grand nombre de militants (387) arrêtés une première fois par la police française pour activité communiste depuis l’interdiction du Parti communiste (26 septembre 1939) et libérés à l’expiration de leur peine.
Des policiers allemands, assistés d’un inspecteur français arrêtent Olivier Souef le 28 avril 1942, ainsi que son frère Claude, Jean Gros, le père de Jean-Claude Levy et nombre de ses camarades arrêtés le 26 novembre 1940. Du commissariat du 7ème
arrondissement (rue Fabert), les captifs sont conduits à l’Ecole Militaire, puis à la Gare du Nord, par autobus. Les quais étaient cernés par des soldats allemands armés.
Ils sont internés au camp allemand de Compiègne (le Frontstalag 122) le jour même. Olivier Souef reçoit le matricule « 3941 ».

Les matricules et inventaire de la chambre 7 / A5

Il sera responsable de la chambrée (« chef de chambre » au bâtiment A5, chambrée n°7). C’est ainsi qu’il a noté les matricules de ses camarades, dont celui de son frère (le « 3944 »). 10 noms sont rayés sur les 45 de la liste. Pour au moins l’un d’entre eux, Armand Milgram, nous savons qu’il est affecté au camp des Juifs, et qu’il sera déporté dans le convoi du  28 avril 1942. 
La liste relevée par Olivier Souef est avec celles relevées par Claude Dromard lui aussi chef de chambrée et Georges Prevoteau, de Paris, une des trois seules qui nous soient parvenues jusqu’ici.
Les trois internés avaient laissé ces listes dans leurs valises, renvoyées à leurs familles après le départ pour Auschwitz.
Olivier Souef, selon son frère, entre dans l’organisation clandestine du camp et il est
choisi par la direction de celle-ci pour être responsable politique au sein du nouveau triangle de direction qui est mis en place après l’évasion réussie de Georges Cogniot, André Tollet et de 17 autres communistes, le 22 juin 1942.

Lire dans le site : 22 juin 1942 : évasion de 19 internés

Claude Souef a raconté les interrogations des nouveaux internés face aux promesses de libération qui circulent dans le camp : « Les Allemands convoquent  régulièrement devant une commission ceux qu’ils ont arrêtés. Ils libèrent les internés dont les dossiers sont peu chargés et qui affirment n’avoir jamais milité au Parti communiste ou avoir rompu avec celui-ci. Le 15 juin, une de ces commissions se réunit et examine le cas de près de deux cents « libérables ». Les détenus convoqués apprennent, par les premiers appelés qu’il leur faudra signer une déclaration. Immédiatement des émissaires, dont mon frère, se précipitent pour consulter la direction clandestine du camp. La réponse est immédiate : il ne s’agit pas de libérations individuelles et on peut signer, cela n’engage à rien. Les camarades ont déjà, en d’autres occasions, discuté du problème d’éventuelles libérations. Ils n’étaient pas unanimes. La chance a voulu que ce soient, si mes souvenirs sont exacts, Désirat puis Cogniot qui répondent. Quand, à mon tour, je passe devant les officiers allemands, après un simple contrôle d’identité, il me faut donc signer une déclaration où je m’engage à n’avoir aucune action contre l’armée allemande ou pouvant lui nuire et à dénoncer toute attitude hostile dont j’aurais connaissance. Ce n’est que le lendemain matin, je crois, que nous quittons le camp».

Le 19 juin, Olivier Souef écrit à sa mère alors à Marseille « Voici de bonnes nouvelles de tes deux fils. Olivier est en très bonne santé, et comme toujours plein d’espoir… Claude a été libéré ce matin« .
Le 6 juillet 1942 il écrit « J’ai tout ce qu’il me faut comme vêtements. Le moral et la santé sont excellents. Ne vous inquiétez donc pas pour moi. Nous allons sans doute bientôt changer de résidence et vous serez peut-être assez longtemps sans nouvelles. Je vous embrasse tous. Gardez courage et comme le dit Colas Breugnon : « Bonhomme vit toujours ». Olivier »

Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».


Depuis le camp de Compiègne, Olivier Souef est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Il jette sur le ballast « un petit papier griffonné dans le wagon que nous a fait parvenir un cheminot » écrit Claude Souef.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante trois « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Olivier Souef est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «46019» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.  Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi les 522 que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Olivier Souef est mort à Auschwitz parmi les premiers « 45 000 », le 9 août 1942, d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 1607).
La mention «Mort en déportation» est apposée sur son acte de décès (arrêté du 20 juin 2003, paru au Journal Officiel du 10 août 2003). 

Malgré un certificat d’appartenance à la Résistance Intérieure Française (18 juin 1948), son homologation comme « Déporté résistant » est refusée. Il est déclaré « Mort pour la France » et homologué comme « Déporté politique ». La carte est attribuée à sa mère, Angèle, Eugénie.
C’est Pierre Daix, qui annonce son décès à son frère et à Ginette Cros à son retour de déportation. Déporté à Mauthausen, Pierre Daix éccrit y avoir rencontré un rescapé du convoi du 6 juillet 1942, et il a acquis la conviction que son ami était mort à Auschwitz. Un rescapé du convoi annoncera à Ginette Cros qu’Olivier Souef a été tué par les chiens des SS. 

  • Note 1 : Le lycée Rollin est l’actuel Lycée Jacques Decour. Jacques Decour était le pseudonyme de Daniel Decourdemanche qui enseignait au Lycée Rollin depuis 1937. Responsable du Comité national des écrivains, il est fusillé le 30 mai 1941 au Mont Valérien.
  • Note 2 : Yvon Djian et Pierre Lamandé du Bureau national de l’UEC seront fusillés par les Allemands. 
  • Note 2 bis : Lors de la création de l’Union des Etudiants et Lycéens communistes (les 1er et 2  avril 1939 dont le secrétaire était Pierre Hervé, le bureau est composé d’Emma Choury, Yvon Djian, Francis Cohen, Robert Faure, Pierre Hervé, Maurice Laban,  Pierre Lamandé, Yves Moreau,Henri Rack, Olivier Souef et Paul Théanor (in Jacques Varin, Les étudiants communistes des origines
    à la veille de mai 68
    . Persée ed.

  • Note 3 : Ginette Cros est née en 1921, étudiante en Hypokhâgne. Elle fait la connaissance d’Olivier Souef à Paris au sein des organisations de jeunesse où tous deux militent.  Résistante, secrétaire générale du Front Patriotique de la Jeunesse créé en 1942, secrétaire générale de l’Union nationale des Etudiant patriotes, puis membre du Comité national du Front national.  En 1946, elle épouse le député communiste René Thuillier qu’elle avait connu dans la Résistance. Sources, Le Maitron voir la (notice biographique de René Thuillier) et rencontre avec sa fille, madame Dominique Thuillier-Laudijois à Biot, le 31/06/2019. On lira dans le site la notice biographique de Ginette Cros à partir de l’enregistrement réalisé par sa fille en 2000, de documents familiaux et de plusieurs articles (Le Maitron, GRECE).
  • Note 4 : Pierre Daix, entré à la khâgne d’Henri-IV à la rentrée de 1939 (il était inscrit en licence d’histoire), suit le repli de celle-ci à Rennes. Il est alors en contact avec les jeunes communistes en octobre, par l’intermédiaire d’Olivier Souef. Lire sa notice biographique dans le Maitron.
  • Note 5 : Jean Sirinelli est né à Ville-di-Paraso en Corse, le 12 mai 1921, issu d’une famille d’instituteurs. Élève au Lycée Henri IV, il est reçu au baccalauréat en 1939, puis suit l’hypokhâgne d’Henri IV à Rennes lorsque celle-ci y est transférée en octobre. Il y côtoie le groupe des jeunes étudiants communistes réunis autour d’Olivier Souef (il est mentionné par Pierre Daix). Après le bombardement de Rennes (17 juin), il revient à Paris, et suit une Khâgne. En 1941, il est admis à l’Ecole normale supérieure et brillant helléniste obtient une licence-ès-Lettres. Ayant fréquenté le groupe des étudiants communistes à Rennes et à Paris, il a sans doute participé à la  Résistance dans les milieux universitaires et peut être aux « combats de la Libération » (une allusion in wikipédia : son dossier GR 16 P 550780 au bureau Résistance du Ministère de la Défense, ne  présente pas d’homologation). Agrégé de Lettres en 1949, assistant à la Fac de Rennes, « caïman » à Normale sup’, maître de conférence à Dakar, recteur de l’académie de Limoges, directeur des enseignements supérieur, professeur de Faculté.
  • Note 6 : Lire la notice biographique sur Jean Suret-Canale, par Alain Dalençon, dans Le Maitron en ligne.
  • Note 7 : La manifestation du 11 novembre 1940, moment important de la résistance étudiante et lycéenne, fut la conséquence de l’arrestation le 30 octobre du professeur Langevin. La manifestation lancée par les Etudiants communistes le 8 novembre, devant le
    Collège de France, à l’heure où Langevin aurait du faire son cours, avait été un succès. Or la radio de Londres avait lancé la consigne d’une manifestation silencieuse le 11 novembre, et les échos d’une importante mobilisation qui montait des lycées et grandes écoles lui étant parvenu, la direction communiste qui avait jusque là appelé à manifester dans ces seuls établissements le 11 novembre, annule son mot d’ordre et appelle à manifester à l’Etoile. Cette manifestation a été l’objet, dans le contexte de la guerre froide, d’une controverse entre communistes et non communistes quant à la paternité de son initiative et de son organisation. 
     « Interrogés
    au milieu des années 1970, François Lescure et Claude Bellanger s’accordèrent tous deux sur l’impossibilité de déterminer « qui » a appelé le premier à manifester à l’ÉtoiIe le 11 novembre 1940. C’était dans l’air, après la manifestation du 8 novembre précédent, elle, sans conteste, à l’initiative des Etudiants communistes ». Le 11 novembre, à 17 heures, 500 à 1000 lycéens et étudiants se retrouvèrent sur les Champs Elysées en direction de l’Etoile : là, ils se retrouvèrent face à l’armée allemande, qui tira. Rien ne permet aujourd’hui de dire qu’il y eut 6, 7 ou 11 morts, comme le titra la presse clandestine
     » (Jacques Varin).
  • Note 8 : Le 20 novembre, deux étudiants, Gisèle Vallepin et Jean Comère sont surpris en train de glisser des tracts dans des livres à la bibliothèque Mazarine. Ils sont arrêtés, inculpés d’infraction au décret du 26 novembre 1939 et écroués au Dépôt le 21 novembre 1940. 
  • Note 9 : La « Brigade spéciale des Renseignements généraux » remonte à la « Drôle de guerre », en mars 1940, quand la lutte anti-communiste était d’autant plus à l’ordre du jour que le PCF était interdit. La structure ne fut réactivée pleinement qu’à l’été 1941 pour répondre à l’engagement des communistes dans la lutte armée. En théorie elle était rattachée à la Première section des RG, en charge de la surveillance de l’extrême gauche. Dans les faits, elle était sur un pied d’égalité (…). Si toutes les forces de police furent mobilisées peu ou prou dans ce que (le directeur de la police municipale) Hennequin appela une « lutte à mort », c’est la Brigade spéciale des RG qui joua un rôle central (…). En janvier 1942, elle fut même dédoublée, la BS2 étant plus spécialement chargée de la « lutte anti-terroriste ». (Denis Peschanski, « La confrontation radicale. Résistants communistes parisiens vs Brigades spéciales »), oai:hal.archives-ouvertes.fr:hal-00363336).
  • Note 9 : Le 19 juillet 1941, José Roig est fusillé pour avoir « prononcé des paroles injurieuses pour l’armée allemande ». Le 24 juillet 1941 le jeune ouvrier André Masseron est fusillé pour avoir manifesté le 14 juillet.

Sources

  • © Photos tirées du cahier central du livre de Pierre Daix « Dénis de Mémoire », collection Témoins, Gallimard.
  • Photos du Boël et de Ginette Cros © Dominique Thuillier-Laudijois.
  • Photo studio avec ombre © collection Ginette Cros / sa fille, Dominique Thuillier-Laudijois et son mari, Pierre Laudijois.
  • Jean Maitron, Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier, tome 41, page 375 et notice de Claude Pennetier dans la version électronique 2018.
  • Lettre de son frère : Claude Souef (décembre 1988).
  • Lettres de Marie-Elisa Cohen (mai 1882) et de Francis Cohen (1er mai 1982).
  • Article de Francis Cohen dans « La Nouvelle critique » de septembre 1968 : « Les étudiants communistes, le 11 novembre 1940« .
  • © Appel manuscrit pour le 11 novembre 1940 (MRN Champigny).
  • Albert Ouzoulias (avril-mai 1982) lettres et mention dans son ouvrage : « Les Bataillons de la Jeunesse » p. 60.
  • Jacques Varin, Les étudiants communistes, des origines à la veille de Mai 1968, matériaux sur l’histoire de notre temps, n° 24, pages 37/49.
  • Pierre Daix « J’ai cru au matin », page 44.
  • Pierre Daix « Dénis de Mémoire » pages 66 à 68, collection Témoins, Gallimard.
  • Archives de la Préfecture de police, Cartons occupation allemande, BA 2374. 
  • Carton Brigades Spéciales des Renseignements généraux (BS1), par dérogation aux Archives de la Préfecture de police de
    Paris. 
  • Claude Souef, notes sur Royallieu
  • Témoignages de « 45 000 » : Georges Brumm et Henri Mathiaud.
  • Jardin du Luxembourg « hommage aux étudiants morts dans la Résistance ». Le monument érigé en 1956, œuvre du sculpteur Gaston Watkin s’est inspiré du Chant des Partisans. Le monument représente le symbole de « l’union salvatrice et du sacrifice de la jeunesse française». © Photo Pierre Cardon.
  • © Site Internet Légifrance.gouv.fr
  • © Site Internet WWW. Mortsdanslescamps.com

Notice biographique complétée en 2016, 2019 et 2020, installée par Claudine Cardon-Hamet en 2012,  auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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