Classeur de la Brigade Spéciale (BS) pour l’Affaire François, Ripa, Varlet, Mercier, Millet, Durand

Matricule « 46 176 » à Auschwitz

Henri Varlet : né en 1920 à Paris 20ème ; il habite à Paris 19ème ; régleur ; membre des jeunesses communiste clandestines ; arrêté le 23 octobre 1940 par la BS1 ; condamné à 6 mois de prison (Santé) ; libéré ; arrêté le 28 février 1942 comme otage ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 18 novembre 1942

Henri Varlet est né le 22 juillet 1920 à Paris 20ème. Il habite chez ses parents au 51, rue de l’Ourcq à Paris (19ème) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Victorine, Louise Vallée née en 1888 à Paris 20ème, et Henri, Ernest Varlet, né à Pantin, le 17 avril 1895, mécanicien, son époux.
Ses parents se sont épousés le 27 mars 1920 à Paris 20ème Sa mère est veuve de guerre.
Il est né au sein d’une fratrie de sept enfants (deux demi-frères, Julien, né en 1912 et Léon, né en 1914, tous deux d’un premier mariage avec Julien, Jean Huguet, tué à l’ennemi en septembre 1914), VARLET Alfred, Germain né en 1923, Ernest, né en 1925, René, né en 1927 et Madeleine, née en 1930). Après guerre, la famille Varlet vient habiter au 20, rue Michelet à Pantin, puis au 26, rue de Paris dans cette même ville.
Après la naissance d’Henri, les Varlet viennent habiter le 51, rue de l’Ourcq, en 1921.
En 1931, Augustine Vallée, née en 1852, vit avec eux. En 1936, Julien et Léon ont quitté le domicile familial. Leur beau-père travaille comme ajusteur.
Henri Varlet est régleur sur machines-outils au salaire horaire de 9 francs au moment de son arrestation. Conscrit de la classe 1940 (centre de recrutement de la Seine), il n’est pas mobilisable, compte tenu de sa date de naissance (classe 1940).

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Contacté par Auguste Gacher, Mario Ripa et Maurice François, Henri Varlet est membre des Jeunesses communistes clandestines depuis juillet 1940. Il distribue à plusieurs reprises des tracts ronéotés qu’il reçoit par paquets de 60 ou 65 et colle des papillons gommés qu’il reçoit par paquets de cent.

Main courante d’interpellation : on notera qu’après le nom de Paul Millet (1) est portée la mention décédé le 27 /10/40, soient 3 jours après l’arrestation

Il est arrêté le 23 octobre 1940 pour activité communiste, ainsi que son jeune frère Alfred Varlet qui sera comme lui déporté à Auschwitz.

En effet, la recrudescence d’inscriptions à la craie, d’affiches et de diffusion
de tracts communistes dans le 19ème arrondissement à alerté les services de la Préfecture, malgré l’arrestation d’Auguste Gacher, qu’ils considèrent comme l’instigateur de cette propagande.
Des enquêtes et filatures sont effectuées dans les milieux communistes du 19ème par des inspecteurs de la Brigade Spéciale des Renseignements généraux. Lire dans le site La Brigade Spéciale des Renseignements généraux.

Les rapports de police ne font état d’aucune dénonciation ayant précédé les arrestations, contrairement à ce que pensait leur camarade Mario Ripa à son retour de déportation, et ce dont il était toujours persuadé en 2008, lorsqu’il a rempli mon questionnaire.

Affaire François, Ripa, Varlet, Mercier, Millet, Durand

Le 23 octobre 1940,  les inspecteurs de la BS procèdent par groupes de deux (« R. et M. », « T. et C. », « H. et R. »), à des perquisitions aux domiciles de 8 personnes : Maurice François, 18 ans,
Paul Millet, 44 ans, Roger Mercier, 17 ans, Marcel Mercier, 18 ans, Georges Durand, 18 ans, Alfred Varlet, 19 ans, Henri Varlet 20 ans, Mario Ripa, 24 ans et son jeune frère Marcel, âgé alors de 15 ans. Ils sont tous arrêtés et interrogés dans le cadre de l’« Affaire François, Ripa, Varlet, Mercier, Millet, Durand ».

Le domicile de la famille Varlet est perquisitionné le 23 octobre 1940.
Lors de son interrogatoire, Henri Varlet reconnaît avoir collé des papillons et glissé des tracts à cinq ou six reprises sous les paillassons des locataires de son immeuble et des immeubles voisins, mais nie avoir fait des inscriptions à la craie sur les murs ou la chaussée et affirme avoir cessé toute activité clandestine depuis le 15 septembre. Il reconnaît également avoir participé deux mois auparavant à une réunion organisée un soir place de Bitche par Gacher, avec quatre autres jeunes.

PV de perquisition, extrait.

La« visite domiciliaire effectuée au domicile des frères Ripa, des frères Varlet, des frères Mercier et de François n’a donné aucun résultat » (1), note le commissaire principal André Cougoule.

C’est donc au cours des fouilles à corps – où les enquêteurs trouvent quelques tracts – et des interrogatoires et confrontations que la police conclut que « ces individus ont reconnu, ou d’avoir diffusé des tracts clandestins d’inspiration communiste, ou collé des papillons gommés de même origine ou fait à la craie des inscriptions de même nature ».
Inculpé par le commissaire André Cougoule d’infractions aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939, il est remis à disposition du procureur. Henri Varlet est conduit au dépôt de la maison d’arrêt de la Santé le 24 octobre sur mandat du juge d’instruction du tribunal de première instance de la Seine.
A l’issue du procès qui a lieu le 21 décembre 1940 à la 15ème chambre, Henri Varlet est condamné à 6 mois de prison, qu’il effectue à la Santé. Son frère est relaxé eu égard à son jeune âge.
A la date d’expiration normale de sa peine d’emprisonnement Henri Varlet est libéré le 11 mars 1941.

Il est de nouveau arrêté comme otage à son lieu de travail, le 28 avril 1942, en même temps que son cadet. Ce jour là une rafle est effectuée par l’occupant dans tout le département de la Seine : elle vise des militants du Parti communiste clandestin ou considérés comme tels.
Lire dans le site La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942).
Suivant cette politique des otages, les autorités d’occupation ordonnent l’exécution d’otages déjà internés et le 28 juin, arrêtent 387 militants (avec le concours de la police parisienne), dont la plupart avaient déjà été arrêtés une première fois par la police française pour « activité communiste » depuis l’interdiction du Parti communiste (le 26 septembre 1939) et libérés à l’expiration de leur peine. Les autres sont connus ou suspectés par les services de Police. Il s’agit de représailles ordonnées à la suite d’une série d’attentats à Paris (le 20 avril un soldat allemand de première classe est abattu au métro Molitor, deux soldats allemands dans un autobus parisien, le 22 avril un militaire allemand est blessé à Malakoff). Lire le témoignage de Claude Souef : La rafle des communistes du 28 avril 1942 à Paris.
Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (le Frontstalag 122).
Les deux frères sont internés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), le Frontstalag 122.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Henri Varlet est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Entrée du camp d’Auschwitz

Henri Varlet est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «46 176» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée
d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Franz Reisz, 1946

Alfred Varlet  meurt à Auschwitz le 18 novembre 1942 d’après la liste établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau et selon le © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau.
La mention « Mort en déportation » est apposée sur son acte de décès (arrêté du 2 mai 2001 paru au Journal Officiel du 8 juillet 2001).
Henri Varlet  est homologué comme « Déporté politique ».

  • Note 1 : Mais au domicile de Paul Millet sont saisies des brochures et une arme à feu. Le commissaire principal écrit à la 1ère section des Renseignement généraux et au chef des autorités allemandes, que Paul Millet possède une arme
    à feu « un 6,35 à barillet, non chargé, en bon état de fonctionnement ».

Sources

  • Témoignage de Mario Ripa, rescapé du convoi.
  • Archives en ligne de Pantin et Paris, état civil, élections et recensements.
  • Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Archives de Caen du ministère de la Défense). Liste communiquée par M. Van de Laar, mission néerlandaise de Recherche à Paris le 29.6.1948, établie à partir des déclarations de décès du camp d’Auschwitz. Liste Auch 1/7
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Différents procès verbaux d’interrogatoires et mandats de dépôt des frères Varlet le 23 octobre 1940 : Carton Brigades Spéciales des Renseignements généraux (BS1), par dérogation aux Archives de la Préfecture de police de Paris.
  • © Mémorial de la Shoah, Centre de documentation juive contemporaine (CDJC). Paris IVème.
  • © Photo de la porte d’entrée du camp d’Auschwitz : Musée d’Auschwitz-Birkenau.
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).

Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une notice succincte rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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