Matricule « 45 375 » à Auschwitz
Paul Clément : né en 1902 à Paris 20ème, où il habite ; sellier ; communiste, vendeur de l'Humanité ; arrêté le 18 janvier 1941 ; condamné un an de prison (Fresnes) ; interné aux camps de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 30 septembre 1942.
Paul Clément est né le 5 janvier 1902 à Paris 20ème au domicile de ses parents, 29, rue des Amandiers. Au moment de son arrestation, Paul Clément habite au 52, rue des Maraîchers à Paris (20ème).
Il est le fils d’Augustine, Eugénie Nicaud, 36 ans, ménagère et de Pierre Clément, 40 ans, né en 1861 à Paris, ajusteur, son époux.
Il reçoit une instruction élémentaire.
Conscrit de la classe 1922, il est appelé au service militaire en 1922 (centre de recrutement de la Seine, 1er bureau). Il est réformé.
Célibataire, il exerce d’abord le métier de sellier, maroquinier en 1926. Il habite alors au 52, rue des Maraîchers à Paris 20ème avec son père et une amie de celui-ci, Anna B. , née en 1853 au Luxembourg.
En 1931, il travaille comme poseur de voies. En 1936, il est manœuvre. Puis il est au chômage.
Paul Clément adhère au Parti communiste français en 1937.
Vendeur de l’Humanité (membre d’un CDH), il est délégué au Congrès des amis de l’Humanité en 1937. Il est membre du Parti communiste jusqu’à la dissolution des organisations communistes, le 26 septembre 1939.
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Il est au chômage au moment de son arrestation. Fin août 1940, il contacte René Faure, secrétaire de sa cellule en août 1939, et le convainc de participer avec lui à l’action clandestine du Parti communiste dans le 20ème.
Fin septembre 1940, Paul Clément décide avec plusieurs anciens camarades de reconstituer une cellule clandestine du Parti communiste dans le 20ème et assiste à plusieurs réunions au domicile d’un militant, Victor Buyse, au 109, rue des Grands Champs, avec Pierre Bertolino, René Faure et Roger Houdard. Avec ces trois derniers camarades, il aurait – selon les RG – distribué des tracts sur le marché de Montreuil.
Il distribue aussi des tracts sous les portes, tracts qui lui sont remis par petits paquets par Victor Buyse, et colle des papillons gommés.
Paul Clément est arrêté ainsi que plusieurs autres militants (dont Albert, Pierre Bertolino), le 18 ou 19 janvier 1941 à 0 h 30 pour activité communiste (« dans le cadre de l’affaire Luauté »), par 8 inspecteurs de la Brigade spéciale : lire dans le site La Brigade Spéciale des Renseignements généraux.
En effet, lors des filatures suivies de perquisitions domiciliaires et de l’arrestation, les 17 et 18 janvier 1941, de six militants et militantes communistes soupçonnés d’animer la propagande communiste clandestine dans le 20ème, les inspecteurs de la BS ont trouvé une liste de noms au domicile de l’un d’eux, Raymond Luauté (1). Ils sont dès lors certains que Paul Clément a fréquenté les réunions clandestines qui se tenaient au domicile de Victor Buyse.
Lors de la perquisition au domicile de Paul Clément, si les inspecteurs de la BS ne trouvent « aucun tract de propagande communiste » ils découvrent du papier blanc « servant à la confection de ces tracts, et quatre feuilles de papier carbone, ayant servi à la confection de deux lettres, l’une par André Marty à Léon Blum et l’autre par Florimond Bonte à Monsieur Herriot ».
Il s’agit de la lettre d’André Marty adressée à Léon Blum de septembre 1939 et de celle de Florimond Bonte adressée à Edouard Herriot du 1er octobre 1939.
Paul Clément et trois de ses camarades (Albert Pierre Bertolino, Robert Vonet, et Buyle Gabriel sont inculpés par le commissaire André Cougoule d’infraction aux articles 1, 2 et 3 du décret du 26 septembre 1939 (interdisant le Parti communiste). Ils sont conduits au Dépôt et mis à la disposition du procureur.
Le 21 janvier, Paul Clément est écroué à la Santé.
Le 31 mars 1941 il est condamné à un an de prison par la 13ème chambre correctionnelle de Paris, puis il est conduit à Fresnes où il est écroué le 19 avril 1941. Il fait appel de sa condamnation, mais celle-ci est confirmée par la cour d’appel le 3 juin 1941.
A sa levée d’écrou, Paul Clément est maintenu au Dépôt de la préfecture de Paris et il est interné au CSS de Rouillé (1), en application de la Loi du 3 septembre 1940, sur décision du préfet de police de Paris, François Bard.
Lire dans le site : le-camp-de-Rouillé
Il est transféré au CSS de Rouillé le 10 novembre 1941 avec un groupe de 57 autres militants communistes parisiens.
Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au directeur du camp de Rouillé
une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp de Compiègne. Le nom de Paul Clément (n° 53 de la liste) y figure et c’est au sein d’un groupe de 168 internés qu’il arrive au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) le 22 mai 1942. La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Paul Clément est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Paul Clément est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45 375» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation (3) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Paul Clément meurt à Auschwitz le 30 septembre 1942, d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 180).
Deux rescapés du convoi, Raymond Saint-Lary et Etienne Pessot, ont témoigné de sa
mort à Auschwitz.
Aucune demande d’homologation n’a été faite par sa famille (Paul Clément avait perdu
son père et sa mère).
- Note 1 : Raymond Luauté, ouvrier typographe, adhère au PC en 1931. Il suit l’Ecole internationale léniniste pendant deux ans à Moscou. Ancien secrétaire de la section du PC du 20ème, collaborateur du Comité central et proche de Jacques Duclos, il sera condamné à 18 mois de prison après son arrestation, le 17 janvier 1941. Déporté à Sachsenhausen, il meurt dans ce camp en février 1945. Lire ses notices biographiques sur le site Wikipédia et dans Le Maitron.
- Note 2 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. / In site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.
- Note 3 : 522 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Archives en ligne de Paris.
- Archives de la Préfecture de police, Cartons occupation allemande, BA 2374.
- Carton Brigades Spéciales des Renseignements généraux (BS1), aux Archives de la Préfecture de police de Paris. Procès verbal de l’interrogatoire de Paul Clément, pièces perquisition.
- Liste de détenus transférés du camp de Rouillé vers celui de Compiègne en mai 1942. Archives du Centre de documentation juive contemporaine : XLI-42).
- Death Books from Auschwitz (registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel consulté en juillet 2000).
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère dela Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- Les Humanité clandestines (collection Claudine Cardon-Hamet, co-auteure).
- Photo d’immatriculation à Auschwitz : Musée d’état d’Auschwitz-Birkenau / collection André Montagne.
- © Musée d’Auschwitz Birkenau. L’entrée du camp d’Auschwitz 1.
- Archives de la Préfectures de police de Paris, dossiers Brigade spéciale des Renseignements généraux, registres journaliers et dossiers affaire « Luauté, Bertolino, Clément, Vonet ».
Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une notice succincte rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com