Un des tracts trouvés à son domicile
René Faure : né en 1915 au Chédail, lieu-dit de Sussac (Haute-Vienne) ; il habite à Paris 20ème ; cimentier ; communiste, secrétaire de cellule ; arrêté le 17 janvier 1941, condamné à 15 mois de prison (Santé, Fresnes) ; interné aux camps de Rouillé et Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 22 septembre 1942

René Faure est né le 26 avril 1915 au Chédail, lieu-dit de Sussac (Haute-Vienne). Au moment de son arrestation, il habite au 43, rue du Volga (Paris 20ème). Il est le fils de Louise Dugrand, 24 ans, cultivatrice et et de Pierre Faure, 27 ans, son époux.
Il est titulaire du Certificat d’études primaires.  En 1931, il est collégien. sa famille habite au 45, rue des Maraîchers à Paris 20ème.
Son père travaille comme cimentier chez Chouard, dans le 9ème et sa mère est hôtelière (patronne). René Faure est appelé au service militaire en 1935 (recrutement de la Seine, 1erbureau, matricule 696).
En 1936, il travaille comme cimentier Chez Cauvel et Schultz dans le Paris 20ème. Son père est cimentier chez Longe et Demande et sa mère hôtelière.
Il adhère au Parti communiste en novembre 1938 et devient en 1939 secrétaire de la cellule « n° 2.049 » jusqu’à la dissolution des organisations
communistes en septembre 1939.
René Faure est mobilisé en 1939.  Le 3 février 1940, il épouse, à Choisy-le-Roi, Irène Faure. Elle est dactylo, née le 1er avril 1918 à Paris 14ème (elle est la fille de Charles Faure et de Marie Eburderie (elle est décédée à Créteil le 13 janvier 1976). Le couple emménage au 43, rue du Volga à Paris 20ème).
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

René Faure est démobilisé en août 1940, et il est versé dans la réserve auxiliaire.
Fin août 1940, quelques jours après sa démobilisation, il est contacté par Paul Clément, ancien adhérent de sa cellule en 1939, qui le convainc de participer avec lui à l’action clandestine du Parti communiste dans le 20ème arrondissement.
Il rencontre à plusieurs reprises Raymond Luauté et Marius (1). René Faure assiste à plusieurs réunions tenues le dimanche matin au domicile d’un autre militant, Victor Buyse, au 109, rue des Grands Champs, avec Pierre BertolinoRoger Houdard et Paul Clément. Il accepte d’être trésorier de la cellule clandestine.
Avec ces trois derniers camarades, il distribue des tracts sur le marché de Montreuil. 
Il glisse des tracts sous les portes, tracts qui lui sont remis par paquets de cent par Marius, et colle des papillons gommés.


En janvier 1941, il travaille comme cimentier « au salaire horaire de 10 francs 55 ». 

18 janvier : main courante de « mise à disposition » de René et Irène Faure et Raymond Luauté, Roger Houdard

René Faure est arrêté le 17 janvier 1941 en même temps que son épouse Irène, vers 20 heures à leur domicile, pour activité communiste par les inspecteurs « He. » et « Le. » de la Brigade spéciale des RG : Lire dans le site La Brigade Spéciale des Renseignements généraux.

PV d’interpellation de René Faure. 17 janvier 1941

Contrairement à ce qu’ont pu penser sa famille et ses camarades, son arrestation ne résulte pas d’une dénonciation.

Le rapport des deux inspecteurs de la BS l’explique très clairement : il s’agit de surveillances et filatures qui aboutissent à leur arrestation  «A la suite d’une recrudescence de
distributions de tracts et de papillons gommés d’inspiration communiste dans la
région Est de Paris, et plus spécialement dans le 20ème arrondissement, nous avons procédé à plusieurs enquêtes qui nous ont permis de constater que René Faure, ancien secrétaire, en août 1939, de la cellule communiste n° 2.049, n’était pas étranger à cette propagande clandestine. Plusieurs surveillances exercées à son égard nous ont révélé en effet qu’il entretenait des relations suivies avec des militants d’extrême gauche, et notamment avec un sieur Marius… et Luauté
(1), dont ce dernier fait également ce jour l’objet d’un rapport de mise à disposition».

PV de saisie chez René et Irène Faure

Lors de la perquisition à son domicile, les deux inspecteurs de la Brigade Spéciale trouvent sous le lit et sous le buffet un nombre important de tracts et brochures du Parti communiste clandestin, dont les scellés dressent la liste : 1 boite renfermant une somme de 88 francs destinée au Parti communiste ; 1 lot de papillons gommés « A bas le capitalisme » ; 11 tracts imprimés « Aux agents et inspecteurs de police » ; 1 tract imprimé « Aux militants communistes » ; 1 tract imprimé « Lettre à un travailleur radical » ; 8 numéros du tract « L’Humanité, n° spécial décembre 1940 », 2 tracts imprimés « Peuple de France » ; 2 tracts imprimés « La Tribune des cheminots » (décembre 1940), 1 « Humanité », n° spécial novembre 1940 ; 10 tracts ronéotypés : « Lettre à un camarade emprisonné » ; 1 exemplaire ronéotypé « La Vie Ouvrière » fin décembre 1940, 1 « Humanité » ronéotypée du 7 novembre 1940 ; 1 brochure ronéotypée « recommandations et directives aux militants » ; 1 brochure ronéotypée « conseils aux diffuseurs de matériel » ; 4  brochures imprimées « Rapport au camarade Molotov » ; 3 brochures imprimées  des Cahiers du Bolchevisme (3ème trimestre 1940 ; Reproduction du titre « L’Humanité », 1 projet manuscrit de papillons, plusieurs papillons vierges.

Au cours des interrogatoires, il ne nie pas ses activités militantes et précise que la somme de 88 francs qui a été trouvée correspond aux cotisations reçues lors des réunions.
Son épouse Irène le confirme, tout en soulignant que bien que non adhérente au Parti communiste, elle partage les opinions de son mari et que c’est avec son accord qu’il a caché le matériel à leur domicile.

René Faure est inculpé par le commissaire André Cougoule d’infraction aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939 (dissolution du Parti communiste). Il est conduit au Dépôt à la disposition du procureur le 21 janvier. Le 31 mars 1941, il est condamné à 15 mois de prison par la 13ème chambre correctionnelle de Paris, peine qu’il effectue à Fresnes, où il est écroué le 19 avril. Son épouse est condamnée à 4 mois. Il fait appel de sa condamnation, mais celle-ci est confirmée par la 10ème chambre de la cour d’appel le 3 juin, et son pourvoi en cassation est rejeté le 16 octobre 1941.
A la date d’expiration normale de sa peine d’emprisonnement (levée d’écrou), René Faure est placé au Dépôt de la préfecture de Police de Paris et sur
décision du préfet de Police de Paris, François Bard, il est interné au camp de séjour surveillé de Rouillé (2), en application de la Loi du 3 septembre 1940. Lire dans le site : le-camp-de-Rouillé ‎.
Le samedi 3 janvier René Faure est transféré du Dépôt à Rouillé, via les gares d’Austerlitz et Poitiers, au sein d’un groupe de 50 internés administratifs
composé de 38 politiques (RG) et 12 « indésirables » (PJ, note de service du 30 décembre 1941).

Le18 mars 1942, il fait partie d’un groupe de 15 jeunes communistes (4) du camp de Rouillé qui – à la demande des autorités allemandes – sont transférés au camp de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122). Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, René Faure est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

René Faure meurt à Auschwitz le 22 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 277).
René Faure est homologué (Faure, François, René) comme Résistant, au titre de la Résistance Intérieure Française (RIF) comme appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL). Cf. service historique de la Défense, Vincennes  GR 16 P 217730.
Un arrêté ministériel du 17 octobre 1989 paru au Journal Officiel du 10 décembre 1989 avec le prénom de François, René, porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur les actes et jugements déclaratifs de décès de René Faure.
Mais il comporte une date erronée : « décédé le 30 décembre 1942 à Auschwitz (Pologne) ». Il serait souhaitable que le ministère prenne en compte, par un nouvel arrêté, la date portée sur son certificat de décès de l’état civil d’Auschwitz, accessible depuis 1995. Lire dans le blog l’article expliquant les différences de dates entre celle inscrite dans les «Death books» et celle portée sur l’acte décès de l’état civil français).
Deux rescapés, Jean Thomas et Etienne Pessot ont témoigné de sa mort à Auschwitz.
Lire dans le site : Les dates de décès

Note 1: On ignore qui est ce Marius mentionné dans le PV du 17 janvier 1941, mais il est possible qu’il ait été également arrêté, puisque filé par les BS, et déporté par la suite. On trouve en effet deux Marius sur le site de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation (Livre-Mémorial) : Martin Marius et André Marius tous deux déportés, le premier à Dachau, le second à Buchenwald.

  • Jacques Duclos rend hommage à Raymond Luauté

    Raymond Luauté, est par contre bien connu : ouvrier typographe, il adhère au Parti
    communiste en 1931. Il suit l’Ecole internationale léniniste pendant deux ans à Moscou. Ancien secrétaire de la section du PC du 20ème,
    il est un collaborateur prometteur du Comité central et proche de Jacques
    Duclos, qui lui rendra hommage à la Libération. Il est condamné à 18 mois de prison après son arrestation le 17 janvier 1941. Déporté à Sachsenhausen, il y meurt
    en février 1945. Lire ses biographies sur le site Wikipédiaet dans Le Maitron.

  • Note 2 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. In site
    de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.
  • Note  3 : Tous sont déportés à Auschwitz, sauf Jean Valentin. André Giraudon,
    de Bourges, sera fusillé au Mont Valérien le 9 mai 1942.

Sources

  • Archives en ligne de la Haute Vienne, et de Paris (état civil, élections, recensements).
  • Archives de la Préfecture de police, Carton Brigades Spéciales des
    Renseignements généraux (BS1), aux Archives de
    la Préfecture de police de
    Paris. Procès verbaux des interrogatoires.
  • Fichier national du Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en avril 1992.
  • Camp de Rouillé : archives départementales de la Vienne.
  • Death Books from Auschwitz (registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • © Site Internet Légifrance.gouv.fr
  • © Site Internet WWW. lesmortsdanslescamps.com
  • Archives départementales de Paris, rôle correctionnel.

Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une notice succincte rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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