Matricule « 45 393 » à Auschwitz
Paul Copin : né en 1913 à Saint-Julien-en-Jarez (Loire) ; il habite à Paris 20ème ; licencié en droit ; communiste ; arrêté la nuit du 30 avril au 1er mai 1941 ; condamné à 6 mois de prison (Santé, Fresnes) ; interné aux camps de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt.
Paul, Marie, Eugène, Olivier, Copin est né le 9 février 1913 à Saint-Julien-en-Jarez (Loire).
Au moment de son arrestation, il habite au 5, square du Var à Paris 20ème.
Il est le fils de Marie-Hélène, Augustine Guedin, 24 ans, et d’Eugène Copin, 30 ans, épicier son époux. Ses parents habitent au 25, grande rue à Saint-Juilen en Jarez.
« Titulaire du certificat d’études primaires, il travaille dans la comptabilité » (Le Maitron), peut-être à la Barclays Bank, où son ami Alfred Malleret (1) a trouvé un emploi. En fait, Paul Copin est licencié en droit et possède des connaissances en allemand (cf sa recherche d’emploi en 1941).
En 1928 Alfred Malleret fonde avec sept camarades une première association le « Pingouin’s club », dans le but de s’instruire par un échange des connaissances artistiques et musicales de chacun » (Le Maitron).
En 1929, l’association n’ayant pas survécu, Alfred Malleret fonde la « Nouvelle Pléiade » avec trois amis, dont Paul Copin. Ils s’essaient à la vie communautaire et louent un pavillon à Vincennes, rue de Paris.
Le groupe s’initie aux sciences humaines, au latin, à la philosophie que leur milieu modeste ne leur avait pas permis d’aborder à l’école. En 1935, c’est l’étude de Marx (Le Maitron).
Deux des camarades de Malleret – dont Paul Copin – deviennent communistes (Le Maitron).
Pour des questions financières, ils abandonnent le pavillon à Vincennes.
Maurice Kriegel-Valrimont présente Paul Copin comme « le dirigeant des jeunes métallos de la région parisienne ». Malleret, Kriegel (qui n’était pas membre du Parti communiste) et Copin sortaient le soir ensemble et parlaient politique (Le Maitron).
En 1936 Paul Copin travaille comme archiviste-documentaliste à l’usine d’aviation Nieuport d’Issy-les-Moulineaux (Société Anonyme Loire-Nieuport, qui devient la SNCAO en 1937 – Société nationale de construction aéronautique de l’Ouest – à la suite de la loi de nationalisation des industries aéronautiques de 1936).
Les Renseignements généraux le connaissent comme « secrétaire de la cellule Nieuport de la section d’Issy du Parti communiste ». Maurice Kriegel-Valrimont raconte son franc-parler (1937) « un jour Malleret et Paul Copin, son plus proche ami, m’emmènent à une réunion au gymnase Huygens. Un des secrétaires du Parti – Marcel Gitton – est à la tribune. « S’il y a un flic à la direction c’est lui » nous lance Copin ». « Ce ne sont pas des choses à dire » lui fait remarquer Malleret. Mais on les dit quand même » (Le Maitron).
Membre des Jeunesses communistes, Paul Copin est délégué en 1938 au deuxième Rassemblement mondial de la Jeunesse à New-York avec André Carel, Maurice Choury, Raymond Guyot, Léo Figuères, Raymond Latarget, André Leroy et Danielle Casanova. Ils embarquent au Havre à bord d’un grand transatlantique (photo de la délégation française ci-contre, prise par Maurice Choury).
Le congrès se tient au Vassar Collège et il est parrainé et présidé par Eleanor Roosevelt, l’épouse du président.
Année 1939 : Maurice Kriegel écrit : « Malleret, Copin et moi sortons parfois ensemble le soir. Un jour, nous sommes tous les trois au cinéma sur les Champs-Élysées. À la sortie de la séance, un crieur de journaux vend Paris-Soir. À la une, ce quotidien publie la déclaration de guerre ! Nous restons ensemble pour en parler. Tout bien pesé, nous sommes d’accord pour dire que le conflit sera long, mais que nous le gagnerons. Malgré notre relative jeunesse, nous sommes assez lucides. Nous ne sommes pas des poules mouillées, mais nous pensons que ce sera une vilaine guerre ».
En 1939, Paul Copin s’inscrit sur les listes électorales de Paris 20ème où il habite au 5, square du Var (lors du recensement de 1936, il n’habite pas à cette adresse).
Mobilisé à la déclaration de guerre, Paul Copin se voit retirer son statut « d’Affecté spécial » chez Nieuport selon André Tollet, comme la plupart des affectés spéciaux communistes et / ou syndicalistes à cette période.
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Au début de l’occupation allemande, Paul Copin trouve du travail comme manœuvre. Il est l’un des responsables de la Jeunesse communiste dans l’illégalité, il est membre du comité clandestin de la Région communiste «Paris-Sud» avec Marcel Boyer.
Il cherche un travail correspondant mieux à ses compétences. Le 19 avril 1941, dans la rubrique petites annonces, Paris-Soir publie son annonce de recherche d’emploi : « Licencié en droit, connaissance en allemand, cherche emploi de secrétaire ou interprète. Ecrire chez M. Paul Copin, 5, square du Var, Paris 20ème « .
Il est arrêté par des agents du commissariat d’Ivry-sur-Seine, en même temps que Georges et Marthe Rudolf (la sœur d’Alfred Malleret) dans la nuit du 30 avril au 1er mai 1941 à Arcueil – où ceux-ci habitent – pour distribution de tracts de la « Vie Ouvrière » clandestine appelant à manifester le 1er mai. Sur Paul Copin les inspecteurs trouvent 38 tracts, et en trouveront six autres sous son matelas.
Inculpé d’infraction aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939 (dissolution du Parti communiste), ils sont détenus à la Santé le 2 mai en attente de jugement. Le 3 mai, Paul Copin et Georges Rudolf sont condamnés à 6 mois de prison. Marthe Rudolf est relaxée faute de preuves. Les deux jeunes gens font appel du jugement auprès du Procureur de la République.
Paul Copin est écroué à la Maison d’arrêt de Fresnes le 24 mai 1941. Le 8 juillet, la 10ème chambre de la cour d’appel de Paris confirme la sentence.
A la date d’expiration normale de sa peine d’emprisonnement, en application de la Loi du 3 septembre 1940, le préfet de police de Paris ordonne l’internement administratif de Paul Copin au CSS de Rouillé le 17 septembre 1941 (2). Lire dans le site : le-camp-de-Rouillé
Paul Copin est transféré au camp de Rouillé le 9 octobre 1941, au sein d’un groupe de soixante communistes de la région parisienne (40 détenus viennent du dépôt de la Préfecture de Police de Paris et 20 viennent de la caserne des Tourelles).
Le 9 février 1942, Paul Copin fait partie d’un groupe de 52 internés communistes qui sont remis aux autorités allemandes à leur demande, et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Fronstalag 122), via Poitiers. 36 d’entre eux seront déportés à Auschwitz avec lui.
André Tollet qui est avec lui à Rouillé, dit de lui « C’était un gars très-très bien« . Il raconte l’épisode où Paul Copain qui présente sur le corps des petits boutons et ressent des démangeaisons, doit passer quelques jours à l’infirmerie sur le diagnostic alarmé du docteur Wolson (interné lui-même)…
pour s’apercevoir par la suite que son pull-over est plein de poux !
André Tollet a également rapporté son commentaire au camp de Compiègne : « ils ont des gueules de vaincus » devant le désarroi des Allemands lors de la fameuse « Marseillaise » du 8 mars 1942 chantée par tous les internés de Royallieu, lorsque Corentin Cariou, Jean-Baptiste Rechaussière et Pierre Rigaud sont emmenés vers le peloton d’exécution à Moulin-sous-Touvent près de Carlepont (Oise). Lire dans le site : Compiègne, le 5 mars 1941 : « ils ont des gueules de vaincus ! »
A Compiègne, Paul Copin compose un triangle clandestin avec deux autres communistes : Marcel Boyer de Vitry et Fernand Devaux de Saint-Denis (souvenirs de Fernand Devaux). Depuis Compiègne, Paul Copin va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Paul Copin est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Paul Copin est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45420» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation (3) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Elle a été identifiée – sans doute par Fernand Devaux – lors de la réunion avec des rescapés organisée par l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi.
Paul Copin est renvoyé à Auschwitz-I après l’appel du soir. Ses autres camarades restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Il est affecté au même Block que Marcel Boyer et Fernand Devaux, et il essaie de reconstruire avec eux leur triangle clandestin de Compiègne. Ensemble, ils sont affectés au Kommando de la Huta.
« Pour ma part, j’étais dans le même triangle que celui de Compiègne, avec Paul Copin et Marcel Boyer, un ancien des Brigades internationales. Nous étions dans le même kommando, Huta (travaux de terrassement, installation de canalisations), à Auschwitz-I et au même block. La mortalité a été tellement forte qu’elle a décimé notre organisation » (Fernand Devaux). La date de décès de Paul Copin est inconnue.
Un arrêté ministériel du 12 novembre 1987 paru au Journal Officiel du 26 février 1988 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur les actes et jugements déclaratifs de décès de Paul Copin. Le témoignage de compagnons de déportation a incité le Ministère à inscrire une date et un mois probables de décès « mort le 31 août 1942 à Auschwitz ».
Lire dans le blog : Les dates de décès des « 45000 » à Auschwitz.
Paul Copin a été déclaré « Mort pour la France » le 6 février 1947.
Il est homologué « Déporté politique » le 14 février 1963 (n° 1175 15930).
- Note 1 : Alfred Malleret, né le 15 décembre 1911 à Paris 16ème, mort le 20 février 1960 à Arcueil (Val-de-Marne) ; employé d’assurances ; syndicaliste et militant communiste ; un des dirigeants de « Libération-Sud » en 1942, puis responsable des Mouvements Unis de Résistance en 1943-1944 avec le grade de général ; membre du comité central du Parti communiste en 1950 ; député de la Seine (1946-1958), conseiller municipal d’Alfortville (Val-de-Marne). Le Maitron (résumé d’une longue notice biographique par Jean Maitron.
- Note 2 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. /In site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.
- Note 3 : 522 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après guerre directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz–Birkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Témoignages d’André Tollet, Georges Faudry, Georges Guinchan, Fernand Devaux (in “Mille otages pour Auschwitz”, page 302).
- Le Maitron, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom édition 1997. Edition informatique 2013, Edition papier, Tome 23 page 156. Note de Jean Maitron.
- Archives de la Préfecture de police de Paris, Cartons occupation allemande, BA 2374.
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été identifiée par des rescapés lors de la réunion organisée par l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin « Après Auschwitz« , n°20 de mars-avril 1948).
- Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en décembre 1992.
- Maurice Kriegel-Valrimont, Mémoires rebelles, avec Olivier Biffaud, Odile Jacob, 1999. Page 29.
- Photo d’immatriculation à Auschwitz : Musée d’état Auschwitz-Birkenau /© collection André Montagne.
Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une notice succincte rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com