Matricule «45 933» à Auschwitz
Rescapé
Emile Obel : né en 1896 à Courbevoie (Seine) ; domicilié à Paris 18eme ; ajusteur-mécanicien, représentant ; arrêté le 13 novembre 1940 ; écroué aux prisons de Fontevrault et Clairvaux ; interné aux camps de Rouillé et Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, Sachsenhausen ; Rescapé ; décédé le 20 décembre 1962.
Emile, Jean, Léopold, Obel est né le 14 janvier 1896 au 49, quai de Courbevoie à Courbevoie (Seine / Hauts-de-Seine) au domicile de sa mère, Charlotte, Jeanne Obel, 23 ans, née dans la Somme, couturière.
Il habite au 4, rue Emile Duployé à Paris (18eme) au moment de son arrestation.
Il est mécanicien de profession.
De la classe 1916, Emile Obel est mobilisé (matricule n° 1739) en avril 1915 : l’appel des jeunes hommes de sa classe a été anticipé d’un an. Il est incorporé au 20e Régiment de chasseurs à cheval le 13 avril 1915. Envoyé au front à partir d’octobre 1915, il fait les campagnes de Champagne, Verdun, Aisne et Lorraine.
Le 29 avril 1918, au Bois-le-Prêtre (à l’ouest de Pont-à-Mousson), il est blessé par des éclats d’obus à l‘index droit et à l’avant-bras gauche. Il est cité à l’ordre du régiment le 9 mai 1918 et reçoit la Croix de guerre. Chargeur de la 2ème section de mitrailleurs, « s’est fait remarquer par sa bravoure et son sang froid » en septembre 1917 à Verdun. Le 29 avril 1918 « a été blessé au cours d’un violent bombardement et n’a consenti à se laisser conduire au poste de secours qu’à la fin de l’attaque ».
Il n’est libéré qu’après quatre ans et demi de service, le 25 septembre 1919, « certificat de bonne conduite» accordé.
Il vient alors habiter au 106, boulevard de la Villette (Paris 19eme).
En 1924, il s’inscrit sur les listes électorales du 18eme.
En 1926, il vit au 20, passage Doudeauville, avec Germaine, son épouse, née en 1892 et sa mère Jeanne, née en 1872. Ils ont alors un enfant Roger, né en 1920 (recensement de 1926). selon sa fiche au DAVCC, Georges Obel est père de deux enfants.
En 1931, il vit seul passage Doudeauville, avec sa mère Charlotte Obel. Il est alors représentant de commerce.
En décembre 1931, la 5e commission de réforme de la Seine constate qu’il souffre de « laryngite catarrhale chronique, reliquats de conjonctivite due au gaz». En 1936, il a déménagé au 4, rue Emile Duployé, à Paris (18eme), toujours avec sa mère. Il a alors repris son métier de mécanicien.
En avril 1939, il est victime d’un accident entraînant une limitation de la flexion des doigts de la main droite. Le 8 avril 1940, alors qu’il est
mobilisable, la 1ère commission de réforme de la Seine le classe « réformé temporaire n° 2 » pour « laryngite catarrhale chronique et séquelles de fracture à la main droite entraînant une limitation des mouvements ». Le 8 avril 1940, la même commission de réforme le classe réformé définitif n° 1.
Le 30 janvier 1940, il est témoin au mariage de Maurice Lartigue, garçon de café, et de Marie-Claire Kaupp, domiciliés dans le 18eme. Il exerce alors la profession d’ajusteur.
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Le 13 novembre 1940, Emile Obel est arrêté à Paris (18°), au café des Marronniers, boulevard Rochechouart, par la police française, sur dénonciation, « pour propos anti-allemands« . Trois autres hommes sont arrêtés avec lui. Il est emprisonné à la Santé.
De la Santé, il est transféré à Fontevraud en mars 1941, la prison centrale considérée comme la centrale pénitentiaire la plus dure de France, avec celle de Clairvaux.
De Fontevraud, il est transféré à Clairvaux en mai 1941.
Lire dans le site La Maison centrale de Clairvaux.
Depuis la gare de l’Est ils arrivent à la gare de Ville-sous-la-Ferté, à l’arrêt « Clairvaux » (la gare est
aujourd’hui désaffectée). Ils sont transférés au camp de Clairvaux par rotations d’un unique wagon cellulaire, escortés par des gardes mobiles (souvenirs de Pierre Kaldor et d’Henri Hannart).
Depuis Clairvaux, Emile Obel est transféré au CSS de Rouillé (2) le 26 septembre 1941 avec un groupe de 35 internés. Neuf d’entre eux seront déportés avec lui à Auschwitz (3). Le 27 septembre 1941, ils arrivent au camp de Rouillé. lire dans le site : le-camp-de-Rouillé
Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au commandant du camp de Rouillé une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp allemand de Compiègne (le Frontstallag 122).
Le nom d’Emile Obel (il porte le n° 1 de la liste des internés par la Feldkommandantur) y figure, et c’est au sein d’un groupe de 168 internés (4) qu’il arrive au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) le 22 mai 1942. La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet. Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Emile Obel est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Emile Obel est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45 933» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz. Ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard. Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date, mais compte tenu de son métier (ajusteur-mécanicien), il est vraisemblable qu’il ait été affecté à Auschwitz 1.
A Auschwitz, il contracte le typhus, puis une broncho-pneumonie. Emile Obel, comme les autres détenus politiques français d’Auschwitz reçoit en juillet 1943 l’autorisation d’échanger des lettres avec sa famille – rédigées en allemand et soumises à la censure – et de recevoir des colis contenant des aliments (en application d’une directive de la Gestapo datée du 21 juin 1943 accordant aux détenus des KL en provenance d’Europe occidentale
la possibilité de correspondre avec leur famille et de recevoir des colis renfermant des vivres). Ce droit leur est signifié le 4 juillet 1943. Lire dans
le site : Le droit d’écrire pour les détenus politiques français.
Entre le 14 août 1943 et le 12 décembre 1943, il est en quarantaine au Block 11 avec la quasi totalité des Français
survivants. Lire l’article du site « les 45000 au block 11.
Le 12 décembre, les Français quittent le Block 11 et retournent dans leurs anciens Kommandos.
Le 3 août 1944, Emile Obel est à nouveau placé en “quarantaine”, au Block 10, avec les trois quarts des “45000” d’Auschwitz pour être transférés vers d’autres camps (ce qu’ils ignorent).
Dès 1944, devant l'avancée des armées soviétiques, les SS commencent à ramener vers le centre de l’Allemagne les déportés des camps à l’Est du Reich, dont Auschwitz. Les premiers transferts de "45.000" ont lieu en février 1944 et ne concernent que six d’entre eux. Quatre-vingt-neuf autres "45 000" sont transférés au cours de l'été 1944, dans trois camps situés plus à l'Ouest - Flossenbürg, Sachsenhausen, Gross-Rosen - en trois groupes, composés initialement de trente "45 000" sur la base de leurs numéros matricules à Auschwitz. Une trentaine de "45 000" restent à Auschwitz jusqu'en janvier 1945. Lire dans le site : "les itinéraires suivis par les survivants".
Un groupe de 31 est transféré le 28 août pour Flossenbürg, un autre groupe de 30 pour Sachsenhausen le 29 août 1944. Un troisième groupe de 30 quitte Auschwitz pour Gross-Rosen le 7 septembre. Emile Obel est dans le groupe de « 4 5000 » transféré avec d’autres déportés d’Auschwitz à Sachsenhausen le 28 août 1944. Il y reçoit le n° matricule « 94 282 ».
L’évacuation du camp de Sachsenhausen a lieu le 21 avril 1945, en direction de Schwerin puis de Lübeck ou de
Hambourg. Certains « 45 000 » sont libérés en cours de route par les Soviétiques, au début mai ou par les Américains ou les Anglais. Mais on ignore les itinéraires précis suivis par Lucien Matté, Emile Obel et Germain Pierron à partir de Sachsenhausen.
Rapatrié en France, Émile Obel est hospitalisé pendant un mois et demi à Haguenau (Bas-Rhin). Au cours d’un examen médical, il déclare avoir eu le typhus et trois broncho-pneumonies. Son état général est jugé « mauvais».
Emile Obel est rapatrié en avion à Paris (par l’Hôtel Lutétia) le 9 juin 1945.
Il est homologué « Déporté politique » le 13 juillet 1955 (carte DP n° 1133.0373).
Il habite La Rochelle à son retour, et achève sa vie à Bordeaux où il décède le 20 décembre 1962.
- Note 1 : Quatre-vingt militants communistes – emprisonnés à Fresnes, la Santé ou Poissy avant la fin de la
guerre, où il purgeaient de lourdes peines de prison – y ont été incarcérés depuis juin 1940, devant l’avancée allemande. Il y côtoie Henri Asselineau qui sera déporté avec lui à Auschwitz, Gaston Bernard, Fernand Alby (maire du 13ème à la Libération), Lucien Chapelain (maire adjoint communiste de Bondy), qui seront également déportés dans des camps de concentration allemands et qui témoigneront de la dureté du régime pénitentiaire à Fontevraud. - Note 2 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. In site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.
- Note 3 : il s’agit de Carpentier René (Fresnes), Degdier Eugène (Fresnes), Gaudin Marcel, Gié Gaston, Raimond Maurice, Riochet Henri, Ruan Gaston, Thomas Jean, Welscher Louis.
Sources
- Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Dossier individuel
consulté en 1989 et novembre 1993. - Mairie de Courbevoie. Etat civil mars 1994 (photocopie de l’acte).
- Registres matricules militaires de la Seine, 1er bureau, liste principale.
- Liste du 22 mai 1942,détenus transférés du camp de Rouillé vers celui de Compiègne (Centre de Documentation Juive Contemporaine XLI-42).
- Archives de Roger Abada
- Photo © Mémorial Sachsenhausen.
Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une notice succincte rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
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