Matricule « 45 241 » à Auschwitz

Marcel Bessot le 8 juillet 1942, Photo retouchée par © Pierre Cardon
Marcel Bessot : né Haranger en 1920 à Paris 10è ; domicilié à  Paris 5è ; mécanicien, aide-cantonnier ;  arrêté pour activité communiste le 20 décembre 1940, condamné à 6 mois de prison ; arrêté comme otage communiste le 28 avril 1942 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 942 à Auschwitz où il meurt le 29 décembre  1942.

Marcel Bessot, né Haranger naît le 8 juin 1920 à Paris 10ème.  Au moment de son arrestation il habite  6, rue Larrey à Paris 5ème dans un logement de type HBM de la société amicale de prévoyance de la Préfecture de Police de Paris.
Il est le fils de Germaine Haranger (1897-1965), née dans la Somme. Il est reconnu le 7 octobre 1930 par Auguste Bessot (1892-1969), garçon de bureau, (appariteur), et légitimé par le mariage de ses parents le 21 février 1939 à Paris 5ème (son père était en instance de divorce avec Marie-Reine Lourmès). Au recensement de population de 1936, il habite avec ses parents au 6, rue Larrey à Paris 5ème et ses frères (Maurice né en 1922,  Henri né en 1923 et Roger né en 1927).

Le 6 rue Larrey

Marcel Bessot est mécanicien chez Brunet, 8, rue des Fontaines en 1936. Puis il est employé municipal à la Ville de Paris, comme aide-cantonnier.

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…)

Suivant les instructions du régime de Vichy, et devant la recrudescence de distributions de tracts et d’inscription communistes dans Paris et l’Est parisien, la police parisienne surveille systématiquement les militants communistes connus de ses services avant-guerre.
Marcel Bessot est arrêté le 20 décembre 1940, pour activité communiste en même temps qu’un jeune garçon âgé de 16 ans. Inculpés par le commissaire de police d’infraction aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939, ils sont conduits au Dépôt de la Santé à la disposition du Procureur, en attente de jugement. Celui-ci a lieu le 15 mars 1941 : Marcel Bessot est condamné à six mois de prison par la 15ème chambre du Tribunal correctionnel de la Seine. Il fait appel de la sentence, mais celle-ci est confirmée lors du jugement de la cour d’appel. Nous avons plusieurs informations contradictoires : Marcel Bessot est ensuite libéré à la date d’expiration normale de sa peine d’emprisonnement, le 15 mars 1941 (source Service Historique de la Défense Caen), soit il est libéré le jour du jugement en appel, après avoir s’être « engagé sur l’honneur à cesser dans l’avenir toute activité politique subversive » (in site « Mémoire vive »). En tout état de cause, il est désormais fiché par les services de police.
Marcel Bessot est arrêté de nouveau le 28 avril 1942, comme otage, par la police allemande. Il est arrêté à son domicile, lors d’une rafle concernant tout le département de la Seine et visant des militants du Parti communiste clandestin ou considérés comme tels. Lire dans le site La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942). Suivant cette politique des otages, les autorités d’occupation ordonnent l’exécution d’otages déjà internés et le 28 juin, arrêtent 387 militants (avec le concours de la police parisienne), dont la plupart avaient déjà été arrêtés une première fois par la police française pour « activité communiste » depuis l’interdiction du Parti communiste (le 26 septembre 1939) et libérés à l’expiration de leur peine. Les autres sont connus ou suspectés par les services de Police. Il s’agit de représailles ordonnées à la suite d’une série d’attentats à Paris (le 20 avril un soldat allemand de première classe est abattu au métro Molitor, deux soldats allemands dans un autobus parisien, le 22 avril un militaire allemand est blessé à Malakoff).
Lire dans ce site le témoignage de Claude Souef : La rafle des communistes du 28 avril 1942 à Paris.

Les hommes arrêtés, dont Marcel Bessot, sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (le Frontstalag 122). Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Sa famille effectue des démarches auprès de la délégation générale du gouvernement français dans les territoires occupés afin d’obtenir des nouvelles (mention d’un dossier dit de Brinon (3) au DAVCC).

Depuis le camp de Compiègne, Marcel Bessot est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Marcel Bessot est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45241». Sa photo d’immatriculation (1) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Marcel Bessot retourne à Auschwitz I, il est affecté au Kommando Schlosserei (serrurerie).

Marcel Bessot meurt à Auschwitz le 29 décembre 1942 (3) .
Un arrêté ministériel du 25 mars 2008 paru au Journal Officiel du 27 avril 2008 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur les actes et jugements déclaratifs de décès de Marcel Bessot.
Le témoignage de compagnons de déportation a incité le Ministère à inscrire un mois probable de décès « mort en décembre 1942 à Auschwitz ».
Il est déclaré « Mort pour la France » et homologué comme « Déporté politique ».
Marcel Bessot (GR 16 P 56656) est homologué au titre de
la Résistance intérieure française (RIF), et il est élevé à titre posthume au grade d’adjudant (à prendre rang au 1er octobre 1940) – parution au JO du 20 juillet 1949.

  • Note 1: Sa photo d’immatriculation à Auschwitz figure parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz. Celles-ci furent  retrouvées après la libération du camp. 522 photos des membres de son convoi ont été ainsi préservées. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après guerre directeur du Musée d’Etat d’AuschwitzBirkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés. La photo de Marcel Bessot a été identifiée (sous le nom de Besson) par des rescapés du convoi, le 10 avril 1948 à l’Amicale d’Auschwitz. Malgré cette orthographe différente, aucune confusion n’est possible avec un autre déporté.
  • Note 2 : Fernand Brinon (dit marquis de Brinon) représente le gouvernement français auprès du Haut-Commandement allemand dans le Paris de l’Occupation. Il est nommé le 5 novembre 1940 ambassadeur de France auprès des Allemands, puis le 17 novembre suivant «délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés». Il a été le destinataire des démarches des familles de « 45000 » qui cherchent à obtenir des informations sur le sort de leur déporté.
  • Note 3 : Le site du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau indique la date de décès au camp du détenu immatriculé « 45 241 ».

Sources

  • Recensement de la Ville de Paris, le 6 rue Larrey, année 1936.
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
  • Archives judiciaires de Paris.
  • Archives de la Préfecture de police de Paris, Cartons occupation allemande, BA 2374.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Site du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Office for Information about Former Prisoners, registres des Blocks.
  • Bulletin « Après Auschwitz« , n°20 de mars-avril 1948). Photographie d’immatriculation à Auschwitz identifiée par des rescapés lors de la réunion
    organisée par l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948.
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).

Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une biographie rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 »,éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette biographie. Pour compléter ou corriger cette notice, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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