Matricule « 45 256 » à Auschwitz

Fernand Blanchard le 8 juillet 1942
Fernand Blanchard : né en 1923 à Paris (8ème) ; domicilié à Paris 11ème ; polisseur sur métaux ; arrêté le 10 août 1941, acquitté mais interné aux camps de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 28 août 1942.

Fernand Blanchard est né le 31 décembre 1923 à Paris (8ème), il est domicilié au 3, passage de l’Asile Popincourt à Paris 11ème. Il est le fils de Marcelle Legrand, née en 1924 en Eure-et-Loir et d’André Blanchard, né en 1904 à Paris, plombier à l’entreprise Denis.
La famille vient habiter passage de l’Asile Popincourt, quartier Saint-Ambroise à partir de 1925.
Fernand Blanchard est célibataire et travaille comme apprenti polisseur aux établissements GAHM, 4 rue du Fer-à-Moulin (Paris 5), puis aux ateliers SNCF (Établissement de Maintenance du Matériel de l’Ourcq, EMM) comme apprenti polisseur et galvanoplastie.
Il est vraisemblablement sympathisant ou adhérent des Jeunesses communistes
Conscrit de la classe 1943, il n’est pas mobilisable à la déclaration de guerre en 1939.

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Fernand Blanchard est « arrêté le 10 août 1941 par la police française à l’angle de l’impasse Popincourt et de la rue Truillot en flagrant délit
de lacération d’affiche du RNP
(de Marcel Déat) et de l’Union des Volontaires Français contre le Bolchevisme (créée en juillet 1941), de plus, il avait été trouvé porteur de tracts communistes qu’il distribuait en compagnie d’une dizaine de jeunes gens« . (source note blanche Préfecture). Fernand Blanchard est appréhendé avec un deuxième jeune, Serge S., 17 ans. Les autres jeunes parviennent à s’échapper. Il oppose une vive résistance aux gardiens de la paix. Il est trouvé porteur de tracts et d’un tampon encreur. Il est inculpé d’activités communistes et incarcéré à la Maison d’arrêt de Fresnes, dans le quartier des jeunes, jusqu’au 3 novembre 1941 en attente de son procès.
Si Fernand Blanchard est acquitté par le Tribunal le 3 novembre 1941 en raison de son jeune âge (« considérant que l’accusé, âgé de moins de 18 ans, a agi sans discernement, le confie à sa mère et le place jusqu’à sa majorité sous le régime de liberté surveillée et condamne sa mère, civilement responsable, au frais envers l’État et au maximum de la contrainte par corps »). Le Préfet de police de Paris, François Bard, ordonne néanmoins son internement administratif le 26 mars en application de la Loi du 3 septembre 1940 (1).

Etat du 10 novembre 1941 au camp de Rouillé (montage photo avec le début de la liste © Pierre Cardon)

Fernand Blanchard est alors « interné administratif » le 5 novembre 1941 au CSS (« centre de séjour surveillé ») de Rouillé (2) où il est  transféré avec un groupe de 57 autres militants communistes parisiens.
Il va y passer 8 mois.
Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au commandant du camp de Rouillé une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp allemand de Compiègne (le Frontstallag 122). Le nom de Fernand Blanchard (n° 34 de la liste) y figure et c’est au
sein d’un groupe de 168 internés (3) qu’il arrive à Compiègne  le 22 mai 1942. La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet.
A Compiègne, Fernand Blanchard reçoit le matricule « 5837 ». Il est affecté au Bâtiment A7.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Fernand Blanchard est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Fernand Blanchard le 8 juillet 1942

Fernand Blanchard est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule
«45 256» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.

Sa photo d’immatriculation (3) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Compte tenu de sa qualification professionnelle,  polisseur sur métaux, Fernand Blanchard retourne au camp principal dit Auschwitz I en 1943). Il est affecté au Block 4.
Fernand Blanchard meurt à Auschwitz le 28 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz, Tome 2 page 96). Sur ce certificat figure la mention « Fleckfieber » (Thyphus) comme cause de décès. L’historienne polonaise Héléna Kubica explique comment les médecins du camp signaient en blanc des piles de certificats de décès avec «l’historique médicale et les causes fictives du décès de déportés tués par injection létale de phénol ou dans les chambres à gaz».
Lire dans le site : Des causes de décès fictives.

Fernand Blanchard est homologué« Déporté politique ». Un arrêté ministériel du 26 novembre 2008 paru au Journal Officiel du 13 janvier
2009 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur les actes et jugements déclaratifs de décès de Fernand Blanchard en
reprenant la date de décès du Death Books from Auschwitz.
Fernand Blanchard est homologué (GR 16 P 63211) au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance.

  • Note 1 : La loi du 3 septembre 1940 proroge le décret du 18 novembre 1939 et prévoit l’internement de « tous individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique ». Les premiers visés sont les communistes.
  • Note 2 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. / In site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.
  • Note 3 : Dix-neuf internés de la liste de 187 noms sont manquants le 22 mai. Cinq d’entre eux ont été fusillés (Pierre Dejardin, René François, Bernard Grimbaum, Isidore Pertier, Maurice Weldzland). Trois se sont évadés (Albert Belli, Emilien Cateau et Henri Dupont). Les autres ont été soit libérés, soit transférés dans d’autres camps ou étaient hospitalisés.
  • Note 4 : 522 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après guerre directeur du Musée d’Etat d’AuschwitzBirkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
  • Recensement de la population du passage de l’Asile Popincourt en 1931.
  • Liste de noms de camarades du camp de Compiègne, collectés avant le départ du convoi et transmis à sa famille par Georges Prévoteau
    de Paris XVIIIème, mort à Auschwitz le 19 septembre 1942 (DAVCC).
  • Death Books from Auschwitz (registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • © Mémorial de la Shoah, Centre de documentation juive contemporaine (CDJC). Paris IVème. Archives du CDJC (XLI-42).
  • Photo d’immatriculation de Fernand Blanchard à Auschwitz : Musée d’état Auschwitz-Birkenau / © collection André Montagne.

Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une notice succincte rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *