Joseph Gilles le 8 juillet 1942 à Auschwitz. Photo retouchée © Pierre Cardon

Matricule « 45 600 » à Auschwitz

Joseph Gilles : né en 1897 à Epinac-les-Mines (Saône-et-Loire) ; domicilié à Bagneaux-sur-Loing (Seine-et-Marne) ; verrier ; communiste, conseiller municipal ; arrêté le 19 octobre 1941 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 13 août 1942.

Joseph Gilles nait le 26 novembre 1897 au Chatelot, commune d’Epinac-les-Mines (Saône-et-Loire) au domicile de ses parents.
Il habite à Bagneaux-sur-Loing (Seine-et-Marne) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie Chevalier, 20 ans et d’Henri, Joseph Gilles, 25 ans, verrier, son époux.
Il est l’aîné d’une fratrie de 7 enfants (Joanny (1900), Charles (1902), Jean (1904) Augustine (1906), Henri 1908) Maria (1909).
En 1911, les 9 membres de la famille Gilles habitent au lieu-dit Les Bourgades à Morières-les-Avignon (Vaucluse). Joseph Gilles est apprenti verrier comme son père, verrier chez Caudry.
Au moment du conseil de révision, il habite chez ses parents à Oullins (Rhône) au 9, rue Voltaire.
Il travaille d’abord comme verrier à Epinac-les-Mines (Saône-et-Loire).
Son registre matricule militaire nous apprend qu’il mesure 1 m 67, a les yeux marrons, les cheveux châtains, le nez ordinaire et le  visage ovale. Il est classé dans la 5ème partie de la liste en 1916, puis en 2ème partie, pour claudication légère.
Conscrit de la classe 1917, il est mobilisé par anticipation comme tous les jeunes hommes de sa classe et incorporé le 22 août 1916 au 158ème Régiment d’infanterie. Il est rapidement détaché à la Société électrochimique de Bosel (Savoie), puis aux Aciéries et forges d’Unieux (Loire), société Holtzer et Compagnie. Le 7 juin 1917, il est détaché aux Forges et Hauts Fourneaux de Pompey (Meurthe-et-Moselle). Il est ensuite détaché à Maison Gladiator au Pré Saint-Gervais (Seine / Seine-Saint-Denis).
Il est démobilisé par le 1er Régiment de Zouaves le 20 septembre 1919. Réformé définitivement, il touchera une pension militaire temporaire de 35 %. Le 7 novembre 1919, il est domicilié au 166, avenue du Chemin de fer à Epinay (Seine / Seine-Saint-Denis).

Le 8 mars 1919, à Montmagny
(Seine-et-Oise / Val-d’Oise), il épouse Jeanne, Marie Clavel, ouvrière d’usine. Ils ont deux enfants.
Le couple habite à Choisy-le-Roi (Seine / Val- de-Marne) au 19, passage Guimas, quartier des Gondoles).
Militant communiste, Joseph Gilles est élu conseiller municipal à Choisy-le-Roi en douzième position sur 13 de la liste minoritaire du Parti communiste, dirigée par Louis Dameron, le 12 mai 1929. Il est élu du quartier des Gondoles, favorable au P.c.
Lors des élections du 5 mai 1935, il a quitté Choisy (en mars 1935 il y est donc radié des listes électorales) pour travailler dans une des verreries de

l’usine Pyrex

Bagneaux-sur-Loing (Seine-et-Marne). La verrerie (usine A) qui dépend de Saint-Gobain y a été créée.Une autre usine (Corning) y fabrique les produits Pyrex® à partir de 1919.
Des   membres de sa famille habitent les cités ouvrières construites à partir de 1925. Le couple s’installe à Bagneaux-sur-Loing.

Le dimanche 16 juin 1940, des éléments motorisés de la Werhmacht franchissent la Seine à Valvins sur un pont de bateaux. Ils traversent Avon avant d’entrer dans Fontainebleau, précédant le gros des troupes. .Le 14 juin, l’armée allemande était entrée par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cessant d’être la capitale du pays et devenant le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne et les départements voisins les jours suivants.  Le 22 juin, l’armistice est signé.
Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Joseph Gilles est arrêté le 19 octobre 1941 à Bagneaux-sur-Loing, lors d’une grande rafle organisée dans le département à l’encontre des communistes. Il aurait été victime d’une dénonciation selon son épouse. Toutefois, il convient de souligner que trente-sept communistes connus des services de Sureté,  domiciliés dans le département, sont arrêtés les 19 et 20 octobre 1941 et seront choisis comme « otages à déporter ».
Lire dans le site : Les 45 déportés de Seine-et Marne (octobre 1941).

Si on ignore la date de son transfert à Compiègne, elle est vraisemblablement la même que celle de ses camarades arrêtés le 19 octobre, qui furent transférés le jour même au camp allemand de Compiègne (le Frontstallag 122).
Depuis ce camp, Joseph Gilles est déporté à destination d’Auschwitz.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Joseph Gilles est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi.
Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau

Il est immatriculé le 8 juillet 1942

Il est immatriculé sous le numéro « 45 600 » selon la liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Son matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard.
Sa photo d’immatriculation (4) à Auschwitz a été retrouvée parmi les 522 que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.

Joseph Gilles meurt Auschwitz le 13 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 348 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates et lieux de naissance et de décès, et avec l’indication « Katolisch » (catholique).
Joseph Gilles est déclaré « Mort pour la France » et homologué « Déporté politique » en janvier 1948.
Son nom est honoré sur le Monument aux morts de Bagneaux-sur-Loing, situé près de la Mairie.

  • Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Archives en ligne de Saône-et-Loire. registres matricules militaires et état civil.
  • Le Maitron, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom édition 1997. Edition
    informatique 2013, notice Michèle Rault et Nathalie Viet-Depaule. Edition papier, Tome 29, p.363, notice Claude Pennetier.
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
  • Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • © Site Internet Memorial GenWeb.
  • Photo d’immatriculation à Auschwitz : Musée d’état Auschwitz-Birkenau / © collection André Montagne.
  • © Verrerie de Bagneaux-sur-Loing. Maison des verriers. Exposition musée du verre et des verriers. 2011.

Notice biographique installée en novembre 2013, complétée en 2017 et 2022 par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) .  Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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