Lucien Moreau : né en 1922 à Paris 6ème ; domicilié à Paris 13ème ; polisseur ; jeune communiste ; arrêté le 31 janvier 1941, condamné à 4 mois de prison effectués à Fresnes ; libéré, arrêté à nouveau le 28 avril 1942 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 14 octobre 1942.
Lucien Moreau habite dans les HBM du 9, rue du Château des Rentiers à Paris (13ème) au moment de son arrestation.
Il est né le 10 mai 1922 à Paris (6ème). Il est le fils de Françoise Boisseau, cuisinière, née le 27 septembre 1897 (décédée en 1980) à Pouilly-en-Auxois (Côte d’Or) et de Victor, Henri Moreau, né le 10 juillet 1895 à Lorient (Morbihan), ouvrier bobinier. Ses parents se sont mariés le 4 mars 1918 à Saulieu (Côte d’Or).
Il est issu d’une fratrie de cinq enfants : Paulette, est née en 1918 à Saulieu, Juliette née en 1920 à Saulieu, Roger, est né en 1924 et François, né en 1930.
Lucien Moreau est célibataire et travaille comme polisseur.
En 1926 la famille est venue habiter Paris, au 16, rue Brillat-Savarin, avec Emerance (« belle-mère » née en 1860 à Lorient). En 1931, la famille s’est agrandie avec la naissance de François et habite désormais au 18, rue Brillat-Savarin, un grand ensemble HBM.
Son père est Bobinier à Saint-Ouen. Dans ce même ensemble habite alors également Jean Roy, membre des Jeunesses communistes, puis du P.c., qui sera arrêté et déporté en même temps que Lucien Moreau. Il est lui aussi adhérent de la Jeunesse communiste.
Lors de la mobilisation générale de 1939, il n’est pas mobilisé, sa classe, la 42, n’étant pas mobilisable. Son père décède le 8 juin 1940.
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Lucien Moreau a conservé le contact avec ses anciens camarades de la Jeunesse communiste et il participe avec eux à des distributions de tracts clandestins.
Lucien Moreau est arrêté le 31 janvier 1941 pour « propagande communiste » avec deux autres jeunes communistes, Jean Roy, et Lucien Borie. Déférés auprès du Procureur de la République, ils sont incarcérés à la Santé le même jour, en attente de jugement.
Celui-ci a lieu en février. Lucien Moreau et Jean Roy, sont condamnés par la douzième chambre du Tribunal de la Seine à quatre mois d’emprisonnement, Lucien Borie à 10 mois. Tous trois font appel du jugement.
Le 25 mars, en appel, la peine de quatre mois de prison est confirmée pour Lucien Moreau et Jean Roy,. Ils sont transférés à Fresnes d’où ils sont libérés à l’expiration de leur peine.
Lucien Moreau et Jean Roy, sont à nouveau arrêtés le 28 avril 1942, lors d’une rafle concernant tout le département de la Seine et visant des militants du Parti communiste clandestin ou considérés comme tels.
Lire dans le site La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942).
Suivant cette politique des otages, les autorités d’occupation ordonnent l’exécution d’otages déjà internés et le 28 juin, arrêtent 387 militants (avec le concours de la police parisienne), dont la plupart avaient déjà été arrêtés une première fois par la police française pour « activité communiste » depuis l’interdiction du Parti communiste (le 26 septembre 1939) et libérés à l’expiration de leur peine. Les autres sont connus ou suspectés par les services de Police.
Il s’agit de représailles ordonnées à la suite d’une série d’attentats à Paris (le 20 avril un soldat allemand de première classe est abattu au métro Molitor, deux soldats allemands dans un autobus parisien, le 22 avril un militaire allemand est blessé à Malakoff).
Lire le témoignage de Claude Souef : La rafle des communistes du 28 avril 1942 à Paris.
Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (le Frontstalag 122).
Lucien Moreau est interné le même jour à Compiègne. Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Lucien Moreau est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation lors de son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu. Le numéro « 45894 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai reconstituées, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.
Lucien Moreau meurt à Auschwitz le 14 octobre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 828 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates et lieux de naissance et de décès, et avec l’indication « Katolisch » (catholique).
Il semble qu’aucun arrêté ministériel n’ait décidé de l’apposition de la mention «Mort en déportation» sur ses actes et jugements déclaratifs de décès.
Sources
- Archives en ligne de Paris, recensements de 1926 à 1936.
- Archives en ligne du Morbihan et de Côte d’Or.
- Fichier national de la Division des archives des
victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
Fiche individuelle consultée en octobre 1993. - Le 13ème arrondissement de Paris, du Front populaire à la Libération(EFR 1977) ouvrage collectif de Louis Chaput, Germaine Willard, Roland Cardeur, Auguste Monjauvis et son frère Lucien.
- Tract de la Jeunesse communiste in © BNF Gallica
- Death Books from Auschwitz (registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés). - Archives de la Préfecture de police de Paris, Cartons occupation allemande, BA 2374.
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz
(1946).
Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une notice succincte rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com