Matricule « 45 406 » à Auschwitz

Robert Courtas, le 8 juillet 1942
Robert Courtas : né en 1923 à Persan-Beaumont (Seine-et-Oise) ; domicilié à Paris 18ème ; mécanicien ajusteur ; présumé communiste, arrêté le 19 mai 1941 à Blois ; condamné à 6 mois à la prison de Cholet, interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 19 septembre 1942 .

Robert Courtas est domicilié au moment de son arrestation au 2, rue Frédéric Schneider à Paris (18ème), un immeuble de 6 étages bâti en 1926, qui compte 174 appartements.
Il est né le 7 juillet 1923 à Persan-Beaumont (Seine-et-Oise / Val-d’Oise).
Il est le fils d’Yvonne, Marguerite Passalias, née en 1887 et d’Edouard, Marius Courtas, né  le 13 octobre 1887 à Blois (Loir et Cher), ajusteur, son époux. Il a deux frères (Edouard né en 1918 et Marcel né en 1925) et deux sœurs (Paulette, née en 1921 et Yvonne, née en 1931). Leurs parents se sont mariés à Blois le 22 avril 1912.
La famille vient en région parisienne et habite Puteaux (Seine) à la démobilisation du père. En 1921 et jusqu’en 1924, ils habitent à Persan-Beaumont (Seine-et-Oise) au 60, rue de Pontoise. C’est là que naît Robert. En août 1924, ils déménagent au 82, rue Louis Blanc à Aulnay-sous-Bois.

2, Rue Frédéric Schneider Paris 18ème

Et en juillet 1926, ils viennent habiter le quartier des Grandes carrières, au 2 et 4, rue Frédéric Schneider à Paris 18ème.
Robert Courtas est mécanicien (ajusteur) de métier, comme son père.
Conscrit de la classe 1943, il n’est pas mobilisable à la déclaration de guerre.

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Robert Courtas est arrêté le 19 mai 1941 à Blois (Loir-et-Cher), non loin de la ligne de démarcation. Selon un courrier du Préfet du Maine-et-Loire en date du 6 mars 1942, cette arrestation a pour motif les « vol et détention de tracts communistes », ce qui correspond aux attendus du jugement. Mais selon les motifs inscrits sur sa fiche au DAVCC (Val-de-Fontenay), il s’agit de « pass. de la ligne de démarcation », ce qui signifie sans doute tentative de passage de la ligne de démarcation. Inculpé d’infraction aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939, Robert Courtas est retenu à la Maison d’arrêt de Blois en attente de jugement (certificat de celle-ci).
Robert Courtas est condamné le 18 juin 1941 à 6 mois d’emprisonnement par le tribunal correctionnel de Blois. Il est emprisonné à la Maison d’arrêt de Chôlet (1) dans le Maine-et-Loire.

Selon l’enquête effectuée à la Libération par l’inspecteur Hue qui écrit comme motif d’internement : « communiste », Robert Courtas y est maintenu après la fin de sa peine par ordonnance préfectorale : il s’agit en fait de l’application de la Loi du 3 septembre 1940 (2) qui permet aux préfets de décider de l’assignation à résidence ou de l’internement administratif, sans jugement. Son père écrit le 2 février à la Délégation générale du gouvernement français dans les territoires occupés afin d’obtenir la libération de son fils (mention d’un dossier dit « de Brinon » (3) au DAVCC).

Robert Courtas est transféré au camp allemand de Compiègne (le Frontstalag 122) à la demande des autorités allemandes le 16 février 1942 (lettre du Préfet du Maine-et-Loire, 6 mars 1942).  A Compiègne, Robert Courtas reçoit le matricule « 3619 ». Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Pierre Courtas est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Robert Courtas, le 8 juillet 1942

Robert Courtas est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45406» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz. Sa photo d’immatriculation (4) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date, même si sa profession (ajusteur) permet de penser qu’il retourne à Auschwitz I.

Robert Courtas meurt à Auschwitz, le 19 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 186, et le site internet ©Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates et lieux de naissance et de décès, et avec l’indication « Katolisch » (catholique).
Il convient de souligner que cent quarante-huit «45000» ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz les 18 et 19 septembre 1942, ainsi qu’un nombre important d’autres détenus du camp enregistrés à ces mêmes dates. D’après les témoignages des rescapés, ils ont tous été gazés à la suite d’une vaste sélection interne des inaptes au travail, opérée dans les blocks d’infirmerie.
Lire dans le site : Des causes de décès fictives.

Un arrêté ministériel du 18 novembre 1987 paru au Journal Officiel du 29 janvier 1988 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur les actes et jugements déclaratifs de décès de Robert Courtas en reprenant la date du 19 septembre 1942.

  • Note 1 : Établissement pénitentiaire supprimé par décret du 3 septembre 1926, réouvert en 1941 et fermé en 1952.
  • Note 2 : La loi du 3 septembre 1940 proroge le décret du 18 novembre 1939 et prévoit l’internement de « tous individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique« . Les premiers visés sont les communistes
  • Note 3 : Fernand Brinon (dit marquis de Brinon) représente le gouvernement français auprès du Haut-Commandement allemand dans le Paris de l’Occupation. Il est nommé le 5 novembre 1940 ambassadeur de France auprès des Allemands, puis le 17 novembre suivant «délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés». Il a été le destinataire des démarches des familles de « 45000 » qui cherchent à obtenir des informations sur le sort de leur déporté.
  • Note 4 : 522 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après guerre directeur du Musée d’Etat d’AuschwitzBirkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources  

  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
  • Archives en ligne du Loir-et-Cher
  • Archives en ligne de Paris (recensements et élections).
  • Liste de noms de camarades du camp de Compiègne, collectés avant le départ du convoi et transmis à sa famille par Georges Prévoteau de Paris 18ème, mort à Auschwitz le 19 septembre 1942 (matricules 283 à 3800) au DAVCC.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés) et site du Musée d’état Auschwitz-Birkenau.
  • Photo d’immatriculation à Auschwitz : Musée d’état Auschwitz-Birkenau / © collection André Montagne.
  • Photo du 2, rue F. Schneider ©  Google Street view

Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une notice succincte rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *