Matricule « 45 215 » à Auschwitz

Marcel Fées : né en 1902 à Pau (Basses Pyrénées) ; domicilié à Paris 18ème ; cuisinier ; communiste ; interné à Compiègne ; arrêté par la Gestapo  le 18 octobre 1941 ;  déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt par balles le 10 juillet 1942.

Marcel, Pierre, Fées est né le 28 juin 1902 à Pau (Basses Pyrénées / Pyrénées Atlantiques). Il est domicilié 23, rue Lambert à Paris (18ème), dans le quartier « Clignancourt », au moment de son arrestation. Il est le fils d’Elise Catherine Laforcade, âgée de 32 ans, négociante et de Jean, Albert Fées, 43 ans, employé de banque, son époux. Ses parents habitent maison Castelbieilh au 21, rue des Cordeliers à Pau.
Marcel Fées emménage avec chez Yvonne Hogrel au 23, rue Lambert en 1937 (c’est l’adresse qu’il donne lors de son inscription sur les listes électorales).
Il épouse Yvonne Hogrel le 25 mai 1940 à Paris 18ème. Elle est née en 1906 à Avrillé (Maine-et-Loire). Elle est « dame de salle » chez Hitier et Cavil en 1936 et habite avec sa mère à cette époque. Le couple n’a pas d’enfant.
Marcel Fées travaille comme cuisinier.  Il est membre du Parti communiste.

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

En juin 1940, un triangle de direction clandestin du Parti communiste fonctionne depuis plusieurs mois dans le 18ème. Il est composé de Spilers, Guilleminot et Maurice Rioux. Avec le retour de l’armée de plusieurs militants, le triangle est modifié et constitué de Laprade, Armand Schkolnic et Maurice Rioux jusqu’au soir du 26 novembre 1940 où Laprade et Schkolnic sont arrêtés.
Armand Schkolnic est déporté comme Juif à Auschwitz dans le convoi du 5 juin 1942. Lire dans le site la notice le concernant et le témoignage de Georges Guinchan qui le retrouve à Auschwitz peu avant son décès : Des militants communistes arrêtés comme tels, sont déportés comme otages juifs
Gustave Depriester devient alors le responsable politique du quartier des « Grandes Carrières », au sein d’un triangle de direction clandestin composé avec lui de Maurice Rioux et Alex Le Bihan.
Et Alex Le Bihan prend la responsabilité du triangle clandestin à suite de l’arrestation de Gustave Depriester le 29 novembre 1940.
Marcel Fées est arrêté par la police allemande (Gestapo) le 18 octobre 1941 à Paris.  Arrêté par les Allemands, iI est donc vraisemblablement écroué dans le quartier allemand de la Santé (mention « maintenu à la Santé » in DAVCC).

Il est ensuite remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) le 25 mars 1942, selon le DAVCC. On trouve cependant d’autres dates dans les archives de la Police (internement au Dépôt de la Préfecture début mai pour un transfert le 5 mai 1942 à Compiègne, à la demande des autorités d’Occupation).
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».


Depuis le camp de Compiègne, Marcel Fées est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Marcel Fées est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45420» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les
historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz
.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Comme ses camarades, il doit travailler au creusement d’un canal, un des chantiers du camp alors en pleine construction. 

Creusement du Königsgraben par le Kommando disciplinaire

Marcel Fées meurt à Birkenau le 10 juillet 1942 criblé de balles par un SS, alors
qu’il tente de s’évader, comme le raconte 
Henri Peifferrescapé du convoi : « Le Königsgraben était le kommando où les camarades furent engagés. Et c’est là que la première évasion eut lieu. Celle de notre camarade Fées. Les SS le pourchassèrent et le criblèrent de balles. Le soir à l’appel : « Voilà ce qui vous attend si vous tentez de vous échapper », gueula le principal SS du camp. 

René Aondetto a également fait le récit de sa mort : « Un camarade de notre convoi s’est dirigé vers les barbelés entourant le camp de Birkenau. Il franchit la première rangée, traversa le chemin de ronde, se faufila encore à travers la deuxième rangée. Il n’y avait pas de courant à ce moment-là dans les clôtures de barbelés. Hors de l’enceinte du camp, il partit droit devant lui et malgré nos appels, il ne se retourna pas. Les SS des miradors le laissèrent parcourir trente à quarante mètres avant de l’abattre. Quelque temps après, nous vîmes un gradé SS aller lui tirer une balle dans la nuque. Je ne connaissais pas le nom de ce camarade. Mais pour moi, ce fut le premier mort certain du groupe »

Le décès de Marcel Fées a été noté deux jours après – à la date du 12 juillet 1942 – dans le « Totenbuch » (« Livre des morts » qui enregistre journellement les morts). Son certificat de décès établi au camp d’Auschwitz porte la date du 12 juillet 1942 (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 278 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates et lieux de naissance et de décès, et avec l’indication « Katolisch » (catholique).

Ce certificat porte comme cause du décès « Herzanfall » (crise cardiaque). L’historienne polonaise Héléna Kubica explique comment les médecins du camp signaient en blanc des piles de certificats de décès avec «l’historique médicale et les causes fictives du décès de déportés tués par injection létale de phénol ou dans les chambres à gaz».
Lire dans le site :
Des causes de décès fictives.

Marcel Fées est homologué comme résistant (au titre de la Résistance intérieure française, RIF) et comme Déporté résistant (DIR) comme appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL) (cf service historique de la Défense, Vincennes  GR 16 P 219770).
Par un arrêté ministériel du 22 juin 1949, il est homologué comme adjudant à titre posthume (à prendre rang au 1er octobre 1941) au titre de la Résistance intérieure française (Journal Officiel du 20/07/1949).
Un arrêté ministériel du 23 mai 2008 apposant la mention Mort en déportation sur son acte de décès et paru au Journal Officiel du 4 juin 2008, porte la mention « décédé le 12 juillet 1942 à Auschwitz (Pologne) ».

Sources

  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
  • Archives en ligne de Paris (recensement, élections).
  • Témoignages de René Aondetto et d’Henri Peiffer, rescapés du convoi.
  • Copie d’état civil (ville de Pau).
  • Archives de la Préfecture de police de Paris, Cartons occupation allemande.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Fichier national des déplacés de la Seconde guerre mondiale (archives des ACVG). 
  • Death Books from Auschwitz (registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).

Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une notice succincte rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com  

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