Matricule « 45 570 » à Auschwitz
Charles Garré : né en 1907 à Cannes (Alpes-Maritimes) ; domicilié à Paris 10ème ; peintre-décorateur ; arrêté le 23 septembre 1940 ; interné aux centraled de Poissy, de Fontevrault et de Clairvaux, transféré au camp de Rouillé d'où il s'évade ; repris, interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 7 janvier 1943.
Charles, Noël Garré est né le 11 décembre 1907 à Cannes (Alpes-Maritimes). Il donne comme adresse le 86, rue de Bondy, aujourd’hui René-Boulanger (1) à Paris (10ème) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Clothilde, Honorine Rugias, 32 ans et de Joseph, Augustin Garré, 33 ans, cultivateur, puis « facteur des Postes », son époux. Il est né le 7 juin 1874, au Broc (06). Ses parents se sont mariés au Broc, (Alpes-Maritimes), qui eut après la Libération des maires communistes. Son père décède à Nice en 1939. Sa mère vit à Nice, 14 rue du 15ème corps.
Charles Garé est Peintre décorateur.
Le 8 août 1939, à 31 ans, il épouse Simone, Marie, Henriette Poirier, sans profession, domiciliée au 86, rue de Bondy où habite également Charles Garé. Elle a 26 ans, est le 30 novembre 1913 à Versailles (Seine-et-Oise / Yvelines).
Selon les rapports de Police Charles Garré mesure « 1m 73, yeux bruns, cheveux bruns, teint mat, porte des tatouages ».
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Charles Garré est arrêté le 23 septembre 1940 lors d’une rafle dans le quartier Strasbourg-Saint-Denis. On ignore les causes exactes de son arrestation et de sa condamnation, mais on sait qu’il est considéré comme « indésirable » par les services de police.
Il est emprisonné pendant un an dans les Maisons centrales de Poissy (2), puis de Fontevraud (anciennement Fontevrault) et Clairvaux (lire dans le site La Maison centrale de Clairvaux).
Charles Garré est transféré de Clairvaux au CSS de Rouillé le 26 septembre 1941 avec un groupe de 56 internés de Clairvaux (10 d’entre eux seront déportés avec lui à Auschwitz). Ils arrivent à Rouillé le 27 septembre.
Le 5 ou 6 octobre 1941, Charles Garré, qui avait cette fois-ci donné comme domicilie le 26, rue Saint-Louis en L’Isle à Paris, adresse de son épouse, s’évade du camp de Rouillé avec sept autres détenus, dont Jean Battesti, qui sera déporté avec lui à Auschwitz.
Il est repris. Le 25 novembre 1941, Charles Garré est ramené avec Jean Battesti à la Santé et mis à disposition du procureur de la République, en attente de jugement. Il sont condamnés le 27 novembre à 3 mois d’emprisonnement par la 12ème chambre du tribunal correctionnel de la Seine pour
« évasion » du camp de « Rouillet » (Rouillé), où ils avaient été « assignés à résidence » en tant qu’ « indésirables ». Ils sont internés à la caserne des Tourrelles. Charles Garré est remis sur leur demande aux autorités allemandes. Le 5 mai 1942, c’est avec un groupe de 13 internés administratifs des Tourrelles (au titre de la police judiciaire), et de 25 prisonniers communistes (dont de nombreux anciens des Brigades Internationales en Espagne), qu’il est conduit à la gare du Nord « à la disposition des autorités allemandes et dirigés sur Compiègne par le train de 5 h 50 » pour être internés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122).
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Charles Garré est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule «45 570» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d‘Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation (3) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Charles Garré meurt à Auschwitz le 7 janvier 1943 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 334 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates et lieux de naissance et de décès, et avec l’indication « Katolisch » (catholique). Roger Abada et Jean Quadri ont témoigné qu’il a été victime d’une « sélection » pour la chambre à gaz.
Son acte de décès à Cannes (29 avril 1947) porte une date erronée « fin août 1942 ».
La mention « DC » (Droit commun) étant portée sur sa fiche au DAVCC, son épouse n’a pas pu obtenir son homologation à la Libération et la mention « Mort pour la France » a été rayée de son acte de décès le 3 octobre 1949. Après la Libération, son épouse habite au 26, rue Saint-Louis en L’Isle (Paris 4ème).
- Note 1 : René Boulanger, secrétaire de la fédération CGT des employés est arrêté à Nantes en 1944, par la Gestapo, au cours d’une mission clandestine. Il meurt sous la torture, sans avoir parlé. La rue de Bondy a été rebaptisée de son nom le 18 décembre 1944.
- Note 1 : Dans sa fiche au DAVCC on peut lire également « Drancy ». Ce qui pose question, car entre 1939 et 1940, ce sont des militants communistes qui sont incarcérés à Drancy. Il est possible qu’à l’instar de plusieurs autres déportés de Droit commun du convoi, Charles Garré ait eu des contacts (familiaux, amitiés) avec des communistes connus, ou qu’il ait même eu en sa possession des tracts du Parti communiste clandestin. Ce qui pourrait expliquer son internement à Clairvaux, puis à Rouillé, et aussi sa sélection comme otage « asocial » proche des communistes.
- Note 2 : 522 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après guerre directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz–Birkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Archives en ligne des Alpes maritimes.
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle et dossier consultés en octobre 1993.
- Archives de la Préfecture de police, Cartons occupation allemande.
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une notice succincte rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com